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Cesare Battisti : Histoires trans et alpine Par Bernard Pasobrola.

Publie le mercredi 3 mars 2004 par Open-Publishing

Histoires trans et alpine Par Bernard Pasobrola (1).

Ce matin, j’ai menacé de mort mon voisin qui refusait de signer la pétition pour Battisti. Il m’a dit qu’il se plaindrait à la brigade antiterroriste. Ce qu’il a retenu de l’affaire Battisti, c’est que le gouvernement combat le terrorisme verbal.

Mon voisin mélange tout : l’histoire du type qui a écopé d’un mois de taule pour une insulte à Sarkozy, et la loi Perben II... D’ailleurs, m’a-t-il dit, la loi Perben vise aussi à protéger la police de la grippe du poulet répandue en Asie par l’axe du mal. Autre confusion de sa part : il croit savoir que Battisti est impliqué dans l’affaire Parmalat qui aurait contraint Calisto Tanzi à s’exiler aux îles Caïman où il avait mis un peu d’argent de côté. Il a ajouté : Je confonds peut-être. Ce Battisti, c’est pas un coureur cycliste qui se droguait ?

Je crois que le public digère de plus en plus mal les informations qu’il reçoit, aussi vais-je tenter de faire le point sur le cas Battisti. Cesare Battisti est un ancien révolutionnaire italien réfugié en France dans les années quatre-vingt-dix. Il a, de fait, renoncé au terrorisme, mais il s’est mis à écrire des polars, ce qui a éveillé la suspicion du ministère de l’Intérieur. Il s’agissait donc d’une fausse reddition. En attendant que l’application de la loi Perben autorise à surveiller de plus près les bandes organisées comme les juges récalcitrants ou les auteurs de romans, en installant des petites caméras discrètes dans leurs locaux privés, deux solutions s’offraient à la police : soit interdire à Battisti d’écrire (solution irréaliste avant l’entrée en vigueur de la loi Perben IV, encore en chantier) ; soit l’extrader chez notre voisin Berlusconi avec lequel nous entretenons de bonnes relations, sous prétexte que lui, Battisti, en avait de mauvaises avec les siens.

C’est ce que j’ai tenté de faire comprendre à mon voisin. Il a commenté : excellente idée, ça va créer une dette à l’Italie. Une précision : mon voisin est un chômeur longue durée, un quinquagénaire qui attend la reprise économique. Il m’a dit qu’à son âge, il ne pourrait plus postuler qu’à un emploi fictif dans l’administration, avec un salaire fictif. On a fini par se réconcilier, on a levé notre verre à la santé de Battisti, et à sa vie future dans notre pays qui est tout de même beaucoup plus démocratique que Haïti où les journalistes, les juges et les écrivains doivent s’exiler volontairement pour survivre. Quelques verres plus loin, mon voisin s’est levé et m’a déclaré solennellement : " J’ai compris l’idée. C’est bien connu qu’il y a une rivalité entre Sarkozy et Juppé. Sarkozy lutte contre l’alcool et Juppé est élu par les viticulteurs. Perben soutient Juppé. Il veut échanger Battisti contre une baisse des importations de vin italien. "

(1) Dernier ouvrage paru : l’Hypothèse de Katz, chez Denoël, un roman noir humoristique sur la biotechnologie.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-02-28/2004-02-28-389041