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Les soldats étaient dans une triple carapace

Publie le dimanche 6 avril 2003 par Open-Publishing

<< Les soldats étaient dans une triple carapace : la carapace du char,
impossible à percer
pour les maigres tirs isolés des Irakiens, la carapace des guidages des
tirs à distance (les tirs de
la mitrailleuse, mais aussi les tirs de la tourelle, qui, si j’ai bien
vu, étaient guidés par écran,
comme dans le bombardement qu’un avion opère), la carapace enfin de
leur pensée et de leur corps :
Ces soldats étaient proches physiquement des Irakiens, et en même temps
à des années-lumières d’eux,
n’essayant en rien de réduire la distance. Ils pouvaient tuer d’autant
plus aisément d’ailleurs.
C’est pourquoi j’avais pensé, avant de voir ces images, à une armée de
cafards, >>

Oui,
c’est l’image même de la défaite (la négation) de "la stratégie de
l’homme" en oeuvre sur des milliers d’humains en phase de régression.

(Mille excuses pour la simplification dans ce qui suit - qui m’a
conduit notamment à donner l’impression d’un sujet conscient là où bien sur
...)

Deux voies s’ouvrent (s’ouvraient) en phase d’évolution pour le progrès
d’une espèce animale.

L’une est la voie de la carapace, l’autre celle d’une sublimation de la
vulnérabilité.

La première est celle qu’a pris de façon générale, la branche des
insectes.
Je protège l’ensemble de mon individu au moyen d’une plaque, lourde
mais résistante, qui m’isole un peu de l’extérieur, mais amortit les
coups et rend plus difficile voire totalement inefficace toute agression.

La seconde est quelque peu étrange et pourrait caractériser le principe
même du détour, marque de l’intelligence d’un ordre supérieur.
Au contraire, de la démarche précédente, je consens à perdre une partie
de mes protections (et de ce qui me donnait de la rigidité - d’où la
nécessité d’une rigidité sous-jacente - ) pour gagner en sensibilité, en
écoute.
J’accepte même de subir la brûlure de l’extérieur, pire, je la
concentre sur une partie de la peau "afin" d’en extraire des informations sur
cet extérieur (la rétine qui permet le déchiffrement continu d’une
brûlure et la "compréhension" de la lumière responsable).
Ma peau également se libère des poils qui la protégeaient pour gagner
en sensibilité, en touché
...

Périodiquement, l’homme a régressé sur cette voie.
La peur l’emportant, il a voulu réinventer des carapaces, des
cuirasses, des murs protecteurs.
Cette oscillation entre la fenêtre et la meurtrière est constante dans
l’histoire de notre espèce.

A l’époque moderne, la technologie permet, comme jamais, cette
régression, ce refus de l’extérieur, cette mise en place de carapaces de tous
ordres. - Même les média, internet, ... qui semblent être des outils de
la seconde voie, sont détournés pour ne plus être que des épiscopes
(ces dispositifs qui permettent dans les chars de voir - comme dans un
sous-marin - sans que l’oeil ne risque rien, et même d’agresser l’autre
comme le fait une fourmi légionnaire.

Cette stratégie qui semble payante à court terme, est en fait
parfaitement suicidaire.

En effet, cette coupure avec le monde, cette prise d’information sans
le retour (feed-back) nécessaire, cette mise à distance, ce refus de
l’inattendu, conduisent immanquablement à l’apparition d’une fracture,
d’une dérive de la pensée, et à terme, à l’incompréhension des faits
eux-mêmes.
Le fameux "Je sais tout mais je ne comprends rien" de René Daumal.

Plus pragmatiquement, la carapace a une faille dans sa nature même.
Et cela, le hérisson le sait bien, lui dont les seuls prédateurs sont :
* Les parasites - tiques - qui sucent son sang et contre lesquels il ne
peut rien, puisqu’ils sont protégés de lui par ... sa carapace de
piquants.
* Les voitures : ces évènements imprévisibles pour qui a restreint ses
capacités de vision et de pré-vision globales.

La peur du terrorisme est parfaitement motivée chez (ceux) des
américains (qui sont) partisans de l’évolution carapace, ils ne pourront rien
contre l’agression infiltrante dont ils auront eux-même favorisé la
mutation.

Luc Comeau-Montasse