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Le Parti de la Gauche Européenne : comment et pourquoi

Publie le dimanche 24 juin 2007 par Open-Publishing

de Gregorio Liberte

Gregorio Liberte travaille pour le groupe de la Gauche Européenne au Parlement Européen. Il est à la fois un acteur et un témoin de première main de la genèse et de l’activité du PGE. Son travail est un document indispensable pour toute personne s’intéressant à l’évolution politique de l’Europe aujourd’hui

De quelle manière la création du Parti de la Gauche Européenne s’inscrit-elle dans l’évolution du processus d’intégration européenne et dans la régénération de la gauche radicale en Europe ?

SOMMAIRE

Introduction
I. Les partis politiques européens

1. Naissance et origine des partis politiques européens.

a) Les groupes politiques au Parlement Européen
b) Les fédérations européennes de partis
c) Le statut de parti européen

2. Théorisation des partis politiques européens.

a) Approches en relations internationales
b) Approches en politiques comparées
c) Fonctions des partis européens :

1. La gouvernance
2. L’articulation des intérêts et l’agrégation
3. La participation politique
4. Le recrutement politique
5. La communication et l’éducation politique

II. Evolutions de la gauche radicale en Europe

1. Visions vis-à-vis de la construction européenne

2. Tentatives de coopération transnationale des partis communistes au
niveau européen :

1. Eurocommunisme
2. Groupe des « Communistes et Apparentes » au Parlement
Européen (1973-1989).
3. New European Left Forum (NELF)
4. Deuxième tentative de coopération des Partis Communistes au niveau européen : le Groupe Confédéral de la Gauche Unifiée Européenne/ Gauche Verte Nordique (1994 - ).

3. Transformations de la gauche radicale en Europe

III. Le Parti de la Gauche Européenne

1. Création du Parti de la Gauche Européenne

2. Programme politique

3. Organisation interne

4. Travail politique :

1. activités de coordination des partis membres
2. activités de production de programmes et de propositions politiques
3. activités au sein de la société européenne
4. autres activités

IV. Les fonctions du Parti de la Gauche Européenne
Conclusion.

Annexes.

Bibliographie.

INTRODUCTION

Le début du 21ème siècle promet d’être une étape cruciale pour l’achèvement d’une Europe politique. En effet, de par le Traité de Nice qui a ratifié l’élargissement de l’Union Européenne, de par l’introduction encore toute récente d’une monnaie unique, l’Euro, dans la majorité des pays membres de l’Union Européenne (UE), ou encore de par l’établissement d’une Convention sur le futur de l’UE qui remit un projet de Constitution Européenne, la relance de l’intégration européenne n’a jamais été aussi forte. Néanmoins, les résultats mitigés aux referendums tenus tout récemment en vue de la ratification du Traité établissant une Constitution pour l’Europe ont remis en cause la direction de l’intégration européenne.

En effet, une partie de la population européenne reste critique par rapport à la direction de la construction européenne, et du développement de ses institutions. Elle demande à pouvoir y jouer un rôle plus important, et que sa représentation y soit accrue. La gauche radicale a tenu à représenter la masse critique de la population au cours de ces referendums, tout en insistant sur le fait que cette position était destinée, non pas à mettre un terme au projet européen, mais à faire savoir que la direction actuelle de la construction européenne devait être modifiée. En fait, tous ces différents évènements constituent les premières marches, et contribuent à la « Grande Transformation de la Construction Européenne », apportant un « nouveau modèle » d’une Union Européenne démocratique .

C’est précisément ici qu’intervient la question de légitimation du pouvoir et de prise de décision au niveau européen, due à la complexité des institutions européennes. Nous savons qu’il existe plusieurs structures décisionnelles qui se rapportent à l’Union, mais le Parlement Européen est le seul à répondre directement au concept de légitimité qui implique son élection directe par la population et la représentation de celle-ci. Le problème est que le travail du Parlement Européen continue toujours d’attirer très peu l’attention du public, les sondages révèlent que l’appui pour son rôle est élevé, alors que la conscience de ces activités semble basse .

Les perspectives d’avènement du « rêve européen » sont étroitement liées à l’évolution des partis politiques, elle-même essentielle pour le développement d’un espace public européen. Les partis européens jouent un rôle majeur dans la problématique de la légitimation et de la démocratie dans l’UE. Cet aspect du processus d’intégration européenne est indissociable du processus historique de l’émergence des partis internationaux d’une part, et des structures organisationnelles et statuaires actuelles des partis européens d’autre part.

En ce qui concerne les partis de la gauche radicale en Europe, on sait que leurs positions les ont conduit à se retrouver souvent dans l’opposition, quand ils n’étaient pas complètement poussés en dehors des structures gouvernementales. En parallèle, les mutations sociétales, économiques, politiques et institutionnelles de l’époque récente ont poussé les partis de gauche vers une transformation profonde qui a conduit à une forte hétérogénéité de celle-ci. Dans le processus de la construction européenne, leurs positions étaient tout d’abord en contradiction avec celle-ci. Néanmoins, certains de ces partis ont choisi de participer à celle-ci pour tenter de modifier son cours. Ainsi, ils ont engagé diverses tentatives de regroupement au niveau européen, comme la création du groupe parlementaire des « Communistes et Apparentés », et ensuite le groupe Confédéral de la Gauche Unitaire Européenne et Gauche Verte Nordique, et finalement le Parti de la Gauche Européenne.

Nous analyserons comment ceux-ci ont reformulé leurs positions pour se joindre à la construction européenne et ainsi remédier à leur traditionnelle marginalité. Aussi, nous tenterons de déceler de quelle manière ces repositionnements pourraient engendrer une régénération de la gauche radicale en Europe. Nous faisons dès lors l’hypothèse que la régénération de la gauche radicale en Europe est liée à l’adaptation de celle-ci aux nouvelles réalités sociétales, économiques, politiques et institutionnelles de notre époque, et qu’elle se traduit par la création du Parti de la Gauche Européenne en tant qu’instrument privilégié de représentation des luttes pour transformation de la construction européenne, tout en répondant au processus de l’intégration européenne.

Nous vérifierons la validité de ces hypothèses tout d’abord par ordre hiérarchique en fonction des variables de ces hypothèses. Pour ce faire, notre étude se déroulera en trois temps :

Tout d’abord, nous débuterons le présent travail en abordant les partis européens en tant que tels. Afin d’apporter une clarté certaine à notre développement, nous replacerons d’abord les partis politiques européens dans le contexte de leur apparition et évoquerons les circonstances de la naissance des partis européens. Ensuite, dans une logique de chronologie, nous rassemblerons les textes permettant une analyse des statuts des partis européens. Enfin, nous aborderons la principale difficulté de cette partie qui consiste à faire l’inventaire des possibilités de théorisation des partis européens, l’intérêt récent porté par les politologues à ce sujet rendant sans conteste la chose ardue. Enfin, nous nous attarderons au cœur de la question politique européenne en tentant d’analyser les fonctions assumées par les partis européens.

La deuxième partie de notre travail sera consacrée à l’étude de l’évolution de la gauche radicale en Europe. Nous aborderons d’abord celle-ci sous l’angle de ses visions par rapport à la construction européenne. Ensuite, nous évoquerons les différentes tentatives de coopération transnationale menées par les partis de la gauche radicale au niveau européen, pour en arriver à la création du Parti de la Gauche Européenne. En vue de compléter cette analyse, nous consacrerons ensuite un chapitre à propos des transformations de ces partis en considération avec les mutations d’ordre sociétal, économique, politique et institutionnel de notre époque récente.

Après avoir développé le thème de l’évolution de la gauche radicale en Europe sous ses aspects idéologiques et organisationnels, ainsi que celui de l’évolution du développement institutionnel de l’UE et des fonctions attribuées au partis politiques européens, nous pourrons nous centrer sur l’analyse du Parti de la Gauche Européenne, présent objet de notre étude. En effet, le but ultime de ce travail étant de déterminer de quelle manière le Parti de la Gauche Européenne (PGE) s’inscrit dans ces évolutions. En vue de mener à bien cette démarche, nous procèderons tout d’abord à une analyse méthodique des différentes caractéristiques du Parti de la Gauche Européenne.

Premièrement, nous commencerons par aborder la genèse du parti et l’histoire de sa création. En deuxième lieu, en procédant à une analyse de discours et de contenu, nous évoquerons le programme politique du PGE. Troisièmement, sur base de documents, d’entretiens, et d’une analyse factorielle liée à notre observation participante, nous évaluerons l’organisation interne du PGE. Quatrièmement, nous évoquerons les activités politiques du PGE. Celles-ci seront présentées en quatre sous-parties : les activités de coordination interne des partis membres, les activités de production et de préparation de programmes alternatifs aux questions de politique européenne, les activités diverses de développement organisationnel, et les activités politiques au sein de la société européenne.

En quatrième partie, nous aborderons la tâche la plus essentielle de ce travail, celle-ci étant l’analyse de la réalité du Parti de la Gauche Européenne en confrontation avec les postulats théoriques énoncés dans notre première partie concernant les partis politiques européens, ainsi qu’avec les conclusions de notre deuxième partie traitant de l’évolution idéologique et organisationnelle des partis de la gauche radicale en Europe. Nous essaierons également de voir s’il y a lieu d’établir une corrélation entre ces deux variables. Il faut toutefois signaler ici la difficulté inhérente au manque de sources scientifiques sur le sujet, nous obligeant à nous baser uniquement sur des documents internes soit au PGE soit au niveau européen, et sur des interviews, ou sur des échanges de courriers. Toutefois, grâce aux informations récoltées au cours des parties précédentes, nous aurons en main les outils indispensables pour mettre le Parti de la Gauche Européenne à l’épreuve de la théorisation. Cet exercice nous apportera alors les éléments de réponse à la question centrale du présent travail, à savoir : De quelle manière la création du Parti de la Gauche Européenne s’inscrit-elle dans l’évolution du processus d’intégration européenne et dans la régénération de la gauche radicale en Europe ?

Partie 1 : Les partis politiques européens

I. Les partis politiques européens

La majorité des chercheurs font remonter l’origine des formes actuelles de partis européens aux années septante, période où coïncident une coopération transnationale des partis plus accrue et la décision d’organiser l’élection des députés européens au suffrage universel (dès 1979). Les regroupements de partis sont pourtant bien antérieurs à cet événement. Ils existaient en effet déjà dans d’autres assemblées consultatives telles que l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, mais également au niveau international comme la très ancienne Internationale Socialiste le démontre. Au niveau exclusivement européen, ils coïncident pour la plupart avec les débuts du processus d’unification après la seconde guerre mondiale.

L’originalité de la première élection du Parlement Européen réside dans l’organisation de formations politiques de différents pays à fin de mettre en place des structures communes, et ce en vue de faire élire des parlementaires sur des listes et dans différents pays, mais par la suite se regroupant et siégeant au sein d’une assemblée commune. Des fédérations de partis sont ainsi fondées, étant avant tout une « émanation des groupes politiques au Parlement Européen qui ressentaient la nécessité de s’appuyer sur des organisations de partis au niveau européen. »

Considérant les origines des organisations partisanes au niveau européen, nous nous devons d’examiner brièvement les groupes parlementaires au sein du Parlement Européen, pour ensuite aborder plus amplement les regroupements de partis au niveau européen.

a) Les groupes politiques au Parlement Européen

L’élection des députés européens a lieu tous les cinq ans dans les vingt-cinq pays membres de l’Union Européenne. Une fois élus, les députés adhèrent ou non à un groupe politique au sein du Parlement Européen. La majorité de ces groupes est l’expression parlementaire d’une tendance politique développant un programme et des décisions à l’échelle de l’Union Européenne. Cependant, les élus sont aussi les représentants des partis nationaux qui les ont fait élire dans leur pays respectif. Au sein des groupes, ils sont souvent organisés en délégations nationales.

A l’image des parlements nationaux, les députés du Parlement Européen peuvent s’organiser en groupes par affinités politiques : « Le nombre minimum de députés nécessaires pour constituer un groupe politique est fixé à vingt-trois, s’ils appartiennent à trois Etats membres, et à quatorze lorsqu’ils appartiennent à quatre Etats membres ou plus. » . A partir du 4 juillet 2004, une modification fit en sorte que « tout groupe politique est composé de députés élus dans au moins un cinquième des Etats membres. Le nombre minimum de députés nécessaires pour constituer un groupe politique est alors fixé à seize. » Les députés qui n’adhèrent pas à un groupe politique sont désignés comme non-inscrits.

Différents groupes sont ainsi constitués après chaque scrutin européen. Dans le parlement issu de 2004 pour la 6ème législature, on compte les groupes suivants : le groupe PPE-DE ou Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-chrétiens) et Démocrates européens, (268 membres), le groupe PSE ou Groupe Parlementaire du Parti Socialiste Européen (200 membres), le groupe ADLE ou Alliance des Démocrates et Libéraux pour l’Europe (88 membres), le groupe GUE/NGL ou Groupe Confédéral de la Gauche Unitaire Européenne/ Gauche Verte Nordique (41 membres), le groupe Verts/ALE ou Groupe des Verts au Parlement Européen /Alliance Libre Européenne (42 membres), le groupe UEN ou groupe Union pour l’Europe des Nations (27 membres), les groupe EDD ou Groupe pour l’Europe des Démocraties et des Différences (37 membres), et 29 députés non-inscrits .

Les groupes politiques jouent un rôle dans la présentation des candidatures à la présidence du Parlement (art. 14). Il en est de même pour les vice-présidents et les questeurs (art. 15 et 16) ainsi que pour les membres des différentes commissions (art. 150 et 154), les délégations interparlementaires (art.168) et la nomination des rapporteurs. Les présidents des groupes font partie du Bureau élargi, ou Conférence des Présidents (art. 23) . Les groupes sont également reconnus comme acteurs à part entière de multiples travaux parlementaires. L’appartenance à un groupe est également un facteur essentiel au niveau de la répartition du temps de parole ainsi que pour l’obtention d’une série de facilités matérielles, notamment la mise à disposition d’infrastructures et financement d’activités.

Les groupes se distinguent par de nombreux traits : non seulement par la taille de leur effectif ou par le degré de diversification de leur base géographique de recrutement, mais également par leur degré d’homogénéité politique et par leur histoire. Les deux premiers facteurs sont évidents, ils permettent néanmoins de distinguer les deux premiers groupes, le PPE-DE et le PSE, ils sont les seuls à comprendre des représentants de chaque pays membre. Cependant au sein de ceux-ci, il y a certains partis qui prédominent, autant de par le nombre d’élus que par le poids des formations dans le système politique national respectif. Trois autres groupes peuvent être désignés comme ayant une réelle diversité géographique : le groupe ELDR avec 11 pays représentés, le groupe GUE/NGL avec 10 pays représentés, et enfin le groupe Verts/ALE avec 12 pays représentés. L’homogénéité de chacun des groupes est très variable, il n’est pas rare de voir certains groupes se diviser lors des votes. Certains groupes connaissent même d’énormes divergences quant à la construction européenne. Certains groupes disposent d’une plate-forme, d’un programme commun voire d’un relais politique supranational, d’autres ne sont que des groupes techniques créés en vue de disposer des infrastructures offertes aux groupes politiques.

Les groupes entretiennent en général des liens étroits avec les fédérations de partis qui leur correspondent. Ainsi les groupes sont leur principal bailleur de fonds, bien qu’il n’y ait pas nécessairement coïncidence entre les deux types de regroupements. D’une part dans certains cas des députés d’un groupe au Parlement Européen sont membres d’un parti qui n’est pas membre du parti européen qui lui correspond. D’autre part, certains partis membres d’un parti européen n’ont pas d’élus au parlement Européen ou, en raison de leur origine extra - communautaire, ne sont pas susceptibles d’en obtenir .

b) Les fédérations de partis.

C’est en 1972 que les chefs de gouvernements des pays membres, à l’époque, de la Communauté Européenne (CE), s’accordèrent à introduire un système d’élection directe du Parlement Européen, étendue au niveau européen pour 1979. Dans la période de transition trois « fédérations transnationales de partis » furent créées dans l’attente que les élections à l’échelle européenne ne requièrent et facilitent la création de partis politiques pan-européens. Les trois organisations des partis étaient la Confédération des partis Socialistes de la Communauté Européenne établie en avril 1974, la fédération des Partis Libéraux et Démocratiques de la CE établie en mars 1976, et le Parti du Peuple Européen (European People’s Party), qui fédéra les partis démocrates-chrétiens, établie en juin 1976 .

Comme énoncé auparavant, les structures mises en place à l’échelle internationale par les partis nationaux et les groupes au Parlement Européen peuvent prendre des formes très diverses. Une première distinction s’opère aisément par la délimitation géographique du champ d’action de ces structures. Les trois grandes familles politiques traditionnelles disposent ainsi d’organisations fédératives au niveau mondial. Il s’agit de l’Internationale Socialiste, l’Internationale Démocrate-Chrétienne (anciennement Union Mondiale des Démocrates-chrétiens), l’Internationale Libérale (anciennement Union Mondiale Internationale). Ces familles disposent également d’organisations au niveau européen au sens plus large que la Communauté Européenne : l’Union des Partis socialistes de la Communauté Européenne, l’Union européenne démocrate-chrétienne, le Parti Populaire Européen et la Fédération des partis libéraux, démocrates et réformateurs de la Communauté Européenne .

En 1978 a également été fondée l’Union Démocratique Européenne (UDE) qui rassemblait des partis conservateurs et démocrates-chrétiens. En 1983 était formée l’Union Démocratique Internationale, filière au niveau mondial de l’UDE. Ces deux regroupements ont un caractère spécifique par rapport aux fédérations de partis précitées. Les trois grandes fédérations de partis européens sont issues d’organisations internationales qui leur ont préexisté. Elles se sont constituées sous la pression des premières élections européennes au suffrage universel, tout en bénéficiant de l’expérience de travail en commun acquise au sein des groupes du Parlement Européen. Cependant, les progrès et les projets d’unification européenne dans le cadre des Communautés, associés au développement des pouvoirs du Parlement, contribuèrent à la dynamisation de ces organisations.

En dépit de l’absence de rôle des partis au niveau européen, les fédérations de partis expérimentèrent une « renaissance » (sic) fin des années quatre-vingt et début nonante. Les principales caractéristiques de cette renaissance sont une nouvelle organisation et un accroissement de la prise de conscience et de l’influence dans le travail des organisations de partis par les élites des partis nationaux . D’abord en termes de stratégie organisationnelle, les fédérations de partis développèrent un nouveau forum fondamental pour l’activité de parti transnational, le sommet des leaders de partis nationaux. Dès la fin des années septante et début quatre-vingt, il y eut des rencontres informelles des leaders de partis nationaux sous l’auspice des fédérations de partis. Dans les années nonante, elles furent formellement institutionnalisées dans les statuts des fédérations de partis comme structures-clés de prise de décisions, usurpant la dominance préalable des comités de Secrétariats Internationaux. Simon Hix explique la poursuite de ces développements par deux facteurs : d’une part par le fait que la gouvernance de l’UE se caractérisait par une augmentation progressive du rôle central des politiques établies à l’échelle domestique, et donc par une incitation positive pour les élites des partis nationaux d’interaction avec les officiels supérieurs des partis confrères de l’UE ; d’autre part, les sommets des leaders de partis commencèrent à être organisés immédiatement avant, et souvent dans la même location, que les Conseils Européens tous les six mois. Cette idée fut apportée en même temps par les leaders participant aux différents gouvernements des Etats membres, donc siégeant au Conseil Européen, avec les leaders des partis de l’opposition dans le but de former l’agenda des réunions du Conseil .

L’impact de cette nouvelle stratégie fut démontré au Conseil Européen de Rome de 1990 qui établit l’agenda des Conférences intergouvernementales à venir pour l’élaboration du Traité de Maastricht. En effet, deux jours avant la réunion du Conseil à Rome, les leaders des partis membres du PPE se rencontrèrent et s’accordèrent unanimement pour soutenir un calendrier en vue d’établir l’Union Economique et Monétaire au Conseil Européen. Malgré la position opposée du gouvernement conservateur britannique, l’utilisation du vote à majorité qualifiée à Rome permit aux démocrates-chrétiens, en coalition avec les socialistes, d’imposer leur calendrier à la Premier Ministre Margaret Thatcher. Les socialistes suivirent immédiatement l’exemple du PPE.

La deuxième renaissance des fédérations de partis, au début des années nonante, opérée par le développement institutionnel interne fut le résultat d’un nouvel article sur les partis européens dans le Traité de Maastricht. Cette insertion dans le Traité de Maastricht trouve son origine dans une lettre du 1er juillet 1991 adressée par les présidents des trois grandes fédérations de partis (UPSCE, PPE, ELDR) aux présidents du Conseil des ministres, de la Commission et du Parlement. En réponse à cet article, les secrétaires généraux des fédérations socialistes, démocrates-chrétiennes et libérales présentèrent une lettre commune, « Follow Up to Article 138a », appelant à la constitution d’un statut des partis politiques européens. Dans l’intervalle, en novembre 1992, la Confédération des Partis Socialistes fut transformée en Parti des Socialistes Européens ; en juin 1993 la Coordination des Verts fut dissoute donnant naissance à la Fédération Européenne des Partis Verts ; en décembre 1993, la Fédération des Partis Libéraux, Démocrates et Réformateurs devint le Parti Européen Libéral Démocrate et Réformateur ; en octobre 1995, l’Alliance Libre Européenne, un groupement détaché et informel de partis régionalistes au Parlement, fut transformée en un parti au niveau européen, le Parti Démocratique des Peuples d’Europe - Alliance Libre Européenne de manière plus formelle, avec une référence institutionnelle à l’article 138a plus explicite .

A la suite de l’article 138 a, ce sont les trois grands partis européens, le PSE, le PPE et l’ELDR qui menèrent entre eux les pourparlers visant à définir des critères de reconnaissance d’un parti européen (nombre de partis membres, représentation dans les différents pays, organisation, financement). Le résultat de ces transactions servit de base à une reconnaissance des partis européens par les instances européennes en vue d’obtenir un financement partiel de l’Union Européenne. Au-delà des perspectives ouvertes par ces éléments formels, il importe une fois de plus de souligner la mouvance du domaine que nous venons d’aborder. La situation des partis européens a évolué très rapidement ces dix dernières années. Nous sommes toujours dans une période transitoire où il semble que les partis européens (et les groupes qui les correspondent) seront appelés à se renforcer sensiblement dans l’avenir, ce qui sera suivi d’une augmentation de leur hétérogénéité.

c) Le statut de Parti Européen.

L’article 138a du Traité de Maastricht reconnaissait déjà l’existence des partis européens. Il prévoyait que « les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union et qu’ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union ». Aucune définition d’un parti européen n’était cependant précisée dans ce traité. Au-delà d’une reconnaissance institutionnelle, cet article n’avait encore aucune implication prévue, il n’y avait pas de statuts juridiques.

Pourtant, les partis européens avaient déjà commencé d’exister en s’attribuant eux-mêmes des statuts, ce qui était loin de pouvoir « leur garantir des droits tant dans les Etats membres qu’au niveau de l’Union, ni à leur octroyer des subsides communautaires » . La modification de l’article 138a, remplacé par l’article 191 TEC avec le Traité de Nice, huit ans après, n’a pas à lui seul été suffisant pour servir de fondement à l’adoption d’une réglementation. A la CIG de Nice, seules furent précisées la procédure et l’institution qui aura la charge d’adopter ces textes : « le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 [majorité qualifiée], fixe le statut des partis politiques au niveau européen et notamment les règles relatives à leur financement. » . Cette avancée fut toutefois décisive ; il était acquis que les partis se verraient prochainement dotés d’un statut, et que la Commission émettrait une proposition de règlement. En effet, le Journal Officiel des Communautés européennes du 29 mai 2001 publiait une proposition de règlement du Conseil européen sur le statut et le financement des partis politiques européens . La procédure fut ensuite la suivante : après que le Parlement eut émis son avis le 17 mai 2001, la Commission a présenté à son tour une proposition modifiée de règlement au Conseil .

Enfin en juin 2003, le Parlement adoptait le rapport de Jo Leinen sur le « Règlement du statut et du financement des partis politiques au niveau européen » . Dans le même temps, le Conseil des Affaires Générales et des Relations Extérieures parvint à un accord de compromis concernant la même proposition, votée à la majorité le 16 juin 2003. Les amendements à la proposition ont fait l’objet d’un accord entre le Parlement et le Conseil, permettant de conclure la procédure de codécision . La régulation adoptée établit donc les règles sur le statut et le financement des partis politiques au niveau européen. Ce règlement est entré en vigueur lors des élections européennes de juin 2004.

A ce jour c’est toujours le règlement (CE) No 2004/2003 du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003 relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen qui est en vigueur. Celui-ci comprend 13 articles reprenant la définition d’un parti européen, ses conditions de qualification et de financement, son instrumentalisation et son contrôle.

En ce qui concerne la définition d’un parti européen, l’article 2 établit que :

1. « un parti politique » est une association de citoyens qui poursuit des objectifs politiques, et qui est reconnue par, ou établie en conformité avec, l’ordre juridique d’au moins un État membre ;

2. « une alliance de partis politiques » est une coopération structurée entre deux partis politiques au moins ;

3. « un parti politique au niveau européen » est un parti politique ou une alliance de partis politiques qui remplit les conditions visées à l’article 3.

L’article 3 établit les critères d’identification auxquels un parti européen doit satisfaire pour être qualifié de la sorte. Le premier alinéa indique que le parti européen doit voir une personnalité juridique dans l’Etat membre où son siège est localisé. Il doit être représenté, dans au moins un quart des États membres, par des membres du Parlement européen ou dans les parlements nationaux ou régionaux ou dans les assemblées régionales, ou avoir réuni, dans au moins un quart des États membres, au moins trois pour cent des votes exprimés dans chacun de ces États membres lors des dernières élections au Parlement Européen. Il est tenu de respecter, notamment dans son programme et par son action, les principes sur lesquels l’Union Européenne est fondée, à savoir les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit. Pour finir, il doit avoir participé aux élections au Parlement européen ou en avoir exprimé l’intention .

Ce règlement établit qu’un financement peut être octroyé à charge du budget général des Communautés Européennes aux partis politiques européens qui ont déposé leurs statuts ainsi qu’un programme politique qui expose les objectifs du parti politique au niveau européen. Les partis remplissant les conditions préalablement développées sont tenus de publier annuellement leurs budgets et leurs comptes, et de déclarer leurs sources de financement en fournissant une liste précise des donateurs et des dons reçus de chaque donateur. Le règlement insiste sur le fait qu’en aucun cas les dons anonymes ne peuvent être acceptés. Parmi les difficultés d’accord révélées par l’utilisation des amendements, il y eut la décision de revoir à la hausse le montant maximum des dons des personnes physiques et morales : 12 000 euros par an, alors que la Commission prévoyait un maximum de 5000 euros par an. Ceci reflète le mouvement engagé par l’Union pour atténuer le mélange des genres entre le monde des affaires et la politique, tendance qui s’applique également dans la nouvelle législation adoptée par les Etats membres quant au financement public de leurs partis nationaux.

La somme que se repartiront les partis politiques européens est de 8,4 millions d’euros par an : 15% seront distribués en part égales, et les 85% restants proportionnellement au nombre d’élus au Parlement Européen qui donneront leur support au parti européen . Cette loi est le seul garant de représentation proportionnelle et démocratique des partis européens alors qu’ils n’ont encore aucun lien direct avec les élections européennes, à part à travers le support de députés élus. On peut ainsi constater que le statut des partis politiques européens à l’heure actuelle reflète le développement du processus d’intégration européenne en cours. Il reste à savoir si les prochaines étapes de l’intégration européenne attribueront des pouvoirs accrus aux fédérations européennes de partis. On pense que celle-ci pourrait émerger parmi les réponses à apporter au déficit démocratique diagnostiqué dans le fonctionnement des institutions de l’UE. Pour illustrer ce point de vue, nous pouvons citer Pedro Marset, membre du Comite Exécutif du Parti de la Gauche Européenne, qui en réfléchissant sur l’évolution du statut des fédérations européennes de partis affirme : « Ce statut reflète en partie le processus de la construction européenne, comme le retard avec laquelle est arrivée l’évidence du « déficit démocratique ». Il est possible qu’avec la pratique, le statut des partis politiques européens s’améliore, vu que, au lieu d’aller vers la nationalisation et la régionalisation des partis, il faudrait aller vers leur européanisation. Par exemple, présenter des listes européennes uniques et égales dans tous les pays des différents partis européens et appliquer la proportionnalité aux résultats au niveau européen. » .

On peut dire que le développement des partis politiques européens a la particularité de refléter l’évolution actuelle de la construction européenne. Leur création répond en partie à la question du « déficit démocratique » diagnostiqué au sein de l’UE, ainsi qu’au besoin d’un approfondissement de l’intégration européenne. Le développement organisationnel des partis politiques européens est fortement déterminé par la spécificité de la réalité partisane au niveau européen ; son organisation extra-parlementaire . On devra donc appréhender les partis politiques européens « en tant qu’une forme institutionnalisée d’organisation de partis au niveau européen qui atteint une étape d’intégration » .

2. Théorisation des partis Européens.

Au fur et à mesure qu’il parcourt la littérature scientifique, le lecteur peut constater l’utilisation de termes variés pour qualifier les fédérations européennes de partis : Europartis, partis européens, transnationaux, ou encore subnationaux ; toutes ces dénominations sont utilisées par les chercheurs pour qualifier les fédérations européennes de partis. Pourtant, tous adhèrent à une même volonté d’aborder « la dimension spécifique de la réalité partisane à l’échelle européenne : son organisation extra-parlementaire. » Les partis européens ne recouvrent pas les mêmes réalités et concepts que les partis politiques évoluant aux échelons nationaux, ils dépendent de la spécificité des partis membres et du système politique dans lequel ils évoluent. Leurs natures décentralisées et leurs multiples administrations se fondent dans le triangle relationnel formé par les partis nationaux membres, les groupes au Parlement Européen, et les organisations de partis européennes.

Karl Magnus Johansson considère que les approches des relations internationales et des politiques comparées doivent être menées de front dans l’étude des partis européens, les considérant comme complémentaires, appréhendant les partis politiques européens comme arènes, institutions ou acteurs de plein droit placés dans un contexte de gouvernance à niveaux multiples . En collaboration, Peter A. Zervakis et Karl Magnus Johansson les appréhendent en tant qu’une forme institutionnalisée d’organisation de partis au niveau européen qui atteint une étape de l’intégration. Les auteurs s’appuient sur une différenciation d’Oscar Niedermayer entre « contact, coopération et intégration ». Pour eux, il faut ne fusse qu’un transfert partiel de la « souveraineté » des partis nationaux vers l’organisation européenne de parti pour qu’il y ait qualification de partis européens. Par contre, il n’est pas moins nécessaire que les acteurs nationaux dirigent complètement leurs activités, attentes, et relations de loyauté vers la structure du parti supranational puisque cette structure fournit déjà un niveau supplémentaire dans un « système aux loyautés multiples ».

Il doit y avoir un degré de limitation de l’autonomie des partis nationaux membres, dans le sens de la liberté d’action et d’entreprise. Derrière ce raisonnement, les auteurs veulent souligner la reconnaissance par les leaders des partis nationaux que le parti européen est d’une nature complémentaire et une plus-value pour leur propre parti : cela peut augmenter leur capacité d’action en joignant les forces de partis de même opinion dans un contexte politique plus large . De plus, la limitation du niveau supranational semble évidente dans le sens où il ne peut imposer ses décisions contre la volonté de ses partis membres.

Dans un système d’interactions entre cadre national et non national, les partis politiques européens créent des liens entre les élites gouvernementales et non gouvernementales. Pour Magnus Johansson, les partis européens doivent dès lors être conçus comme des acteurs de liaison opérant à travers les différents niveaux, mais également comme lieu de coordination pour échanger des informations via des réseaux à différents niveaux.

a) Approches en relations internationales :

Simon Hix dresse un panel des théories de relations internationales et la façon dont celles-ci perçoivent les partis politiques européens. D’un point de vue minimaliste, les théories de relations internationales rangent les partis européens comme de simples organisations transnationales, au même titre que les groupes d’intérêt, et/ou comme réflexions des conflits inter-étatiques . Le paradigme réaliste des relations internationales est fondamentalement centré sur l’Etat, les gouvernements agissant au nom des intérêts nationaux représentent l’unité d’analyse centrale. Les organisations internationales y sont par conséquent perçues comme des arènes où les gouvernements négocient plutôt que comme des acteurs autonomes. L’Union Européenne est assimilée à un jeu d’un niveau d’interaction gouvernementale. Magnus Johansson préfère parler ici de « jeux à deux niveaux » centrée sur les interactions entre les principaux négociateurs, dont les gouvernements, et les circonscriptions nationales, où la ratification des décisions supranationales doit rassembler un support important .

Pour Magnus Johansson, le réalisme structurel échoue à expliquer les changements liés au processus, sa faiblesse fondamentale étant de négliger le processus dans lequel les élites politiques s’influencent réciproquement de par la socialisation et l’apprentissage, et donc de la possibilité éventuelle de redéfinir leurs intérêts et préférences. Cette critique constructive de l’inter-gouvernementalisme, tenant plus de l’idéalisme, suggère que les intérêts et les préférences, d’origine interne et non externe, ont un impact transformateur sur la formation identitaire, et que donc les partis politiques peuvent enclencher la transformation .

Contre le paradigme réaliste, l’école pluraliste des relations internationales s’oppose au concept de l’Etat comme acteur unitaire dans le système international par le développement de la notion d’acteurs non-gouvernementaux. Il est possible d’éviter le concept d’acteurs non gouvernementaux avec l’utilisation des acteurs à la « souveraineté-libre » désignant les corporations multinationales et les partis politiques, et des acteurs à la « souveraineté-limitée » représentant les nations. Dans ce cadre, les partis européens auraient un haut degré de liberté mais ne possèdent pas la légitimation pour prendre des décisions politiques. De plus, la littérature supranationaliste suggère qu’il est invraisemblable que les partis européens n’aient jamais eu une forte organisation étant donné le désir des partis nationaux de préserver leur autonomie . Le paradigme de l’école néo-fonctionaliste argumente que l’intégration européenne et celle des partis politiques relève de la compétition entre les partis nationaux. Cette approche considère les partis politiques comme des porteurs plus cruciaux de l’intégration ou de la désintégration que les groupes d’intérêts organisés dans supranationalité. Les partis politiques sont les seules institutions capables de relier la compétition entre les élites au niveau national et le niveau européen, et de faciliter le processus par lequel les acteurs politiques dans les cadres distincts nationaux sont persuadés de tourner leurs loyautés, leurs attentes et leurs activités vers un nouveau centre. De là ; les partis européens émergent comme le résultat d’une politique de « spill-over » [débordement]. Le terme « political spill-over », utilisé par les néofonctionalistes, désigne actuellement les recherches sur le rôle des partis politiques et des réseaux transnationaux de partis dans le processus d’intégration européen .

L’intégration des partis européens ne fait pas que légitimer un peu plus la politique européenne des partis, elle facilite également le développement souvent difficile et complexe des politiques. Selon la théorie néo-fonctionaliste, les partis européens continueront ainsi de se développer aussi longtemps que les partis nationaux pourront bénéficier de cette intégration dans leurs arènes nationales respectives. Cependant, sous ce modèle, les partis européens ne sont que les bras européens des partis nationaux et ne pourront, dès lors, être considérés comme des partis politiques à part entière .

Dans le cadre des perspectives applicables au modèle européen, le néofonctionalisme jette les bases d’approches pluralistes comme l’interdépendance et le transnationalisme. Pour Magnus Johansson, ce cadre d’étude fut trop négligé. Il lui paraît logique que cette théorie, incorporant les institutions supranationales et les acteurs transnationaux, soit ravisée à un moment où les recherches de l’interdépendance s’intéressent aux rôles de canaux fournis par les acteurs non-gouvernementaux. La théorie de l’interdépendance établit les relations entre les nations à travers plusieurs liens et non exclusivement par les voies diplomatiques. Le transnationalisme, quant à lui, est centré sur un champ plus spécifique, portant sur les processus et s’intéressant aux organisations transnationales et aux interactions entre les sociétés : il est une théorie des jeux politiques .

Mettant en évidence la complexité et la multiplicité du monde politique européen, Magnus Johansson préfère privilégier la combinaison de la théorie transnationale avec le néo-fonctionalisme. Le transnationalisme tirant son origine des relations internationales est indéniablement utile pour l’analyse des partis européens, mais afin d’analyser les contraintes inhérentes aux modèles d’interaction entre les Etats, et entre les acteurs non-gouvernementaux, nous devons également identifier les contraintes pesant sur les Etats comme sur les institutions et les partis politiques par l’utilisation de l’approche de politiques comparées.

b) Approches de politiques comparées :

Comment aborder l’évolution politique de l’Union Européenne sans aborder les processus politiques propres aux Etats membres. C’est également le cas pour la compréhension du phénomène d’organisations partisanes au niveau européen ; il est indispensable de se référer aux systèmes de partis politiques nationaux . A propos des modèles de formation des partis, l’approche institutionnaliste argumente que les partis sont le résultat d’un développement institutionnel, que les partis émergent pour remplir les fonctions nécessaires de gouvernement démocratique.

De par cet argument, les fonctions de partis peuvent principalement être classées en trois catégories principales : la représentation et l’agrégation, l’intégration et l’éducation, enfin la gouvernance. Le plus important catalyseur de l’évolution de ces trois fonctions de partis est l’introduction de la compétition électorale, le suffrage universel facilitant un changement des partis de blocs vers ceux de masse, en tant qu’organisations de partis plus complexes, plus importantes et plus à même à relier la société et l’état. De plus, Maurice Duverger fait aussi une distinction entre les partis créés de l’intérieur, c’est-à-dire émergents de groupes parlementaires, et ceux créés de l’extérieur émergeant d’organisations non parlementaires telles que les syndicats. Dans cette approche, les partis européens sont le résultat direct de la décision de tenir des élections directes au PE, et de plus sont créés de l’intérieur à partir des groupes parlementaires européens qui ont fourni un cadre de coopération transnationale, déterminant leur adhésion et fournissant la plupart des fonds nécessaires .

Pascal Delwit, Erol Kulahci et Cédric Van de Walle font également part de la complexité du contexte institutionnel de l’Union Européenne comme structure décisionnelle à niveaux de pouvoirs multiples. Du point de vue organisationnel, « une sorte de mimétisme, fortement encouragé par le contexte institutionnel européen il est vrai, a agi dans la structuration des fédérations européennes » . Les auteurs dressent ainsi un relevé des organes internes communs à presque tous les partis européens ;
-  Le Congrès : statutairement la plus importante institution, réunissant l’ensemble des délégués des partis membres, il est l’occasion d’édicter les lignes politiques générales de la fédération. Les congrès sont souvent une plate-forme électorale de choix pour les partis nationaux en pleine campagne, de par la présence des grandes personnalités européennes de chaque famille politique attirant les médias.
-  Les conseils : assemblées réunissant les délégués nationaux plusieurs fois par an qui sont l’occasion de présenter des rapports ou des déclarations politiques sur des thématiques européennes, fruit de groupes de travail composés de délégués nationaux et d’experts.

-  Le bureau : instance capitale et motrice dans l’existence quotidienne de la fédération, il est souvent assimilé à son secrétariat qui est en articulation principale et qui est le seul organe doté d’une équipe permanente. Le bureau (le secrétariat), prolonge et coordonne le travail du congrès et du conseil, ces deux organes accusant les contraintes linguistiques et financières de leurs réunions. Il assure la représentation politique, prend des décisions essentiellement administratives, et possède une relative autonomie par rapport aux partis nationaux.
-  Les réunions de leaders : instance intergouvernementale suprême réunissant les membres les plus influents d’une même famille pour préparer les Conseils européens. Ce sont des rencontres à médiatisation très importante, mais sont également des forums où se nouent des consensus entre les visions nationales. Les décisions qui y sont prises concernent les questions de politiques européennes à moyen et à long terme. Certains partis n’en ont pas, alors que pour les partis européens les plus importants, ce sont exactement ces sommets de leaders qui priment.

Les auteurs relativisent la typologie : même si ces composantes sont communes aux partis européens, leur mode de fonctionnement varie. Le développement organisationnel varie en degrés d’intégration et en fonction de plusieurs facteurs. L’influence du processus d’intégration européenne y prévaut, mais la cristallisation organisationnelle dépend aussi des partis membres qui composent les fédérations. Ainsi les auteurs dénombrent également la cohésion idéologique des partis membres ainsi que leur redevance au niveau national comme des éléments clés influençant le développement organisationnel. La cohésion idéologique, dans le sens où il peut y avoir certaines tensions internes pouvant rompre le « compromis identitaire » et anéantir les possibilités de consensus, les divisions à propos de l’intégration européenne, furent longtemps un frein à son développement. La relevance en tant que conditionnement de la structure des partis européens : des partis faibles au niveau national peuvent tenter de développer des structures au niveau européen pour influencer les décisions politiques, ce qui est manifestement le cas pour le Parti de la Gauche Européenne.

Une autre alternative et non des moindres, le paradigme des clivages, énonce les partis comme le résultat de conflits politiques. Sous ce modèle, les partis émergent pour occuper un espace dans une matrice entrecoupée de clivages, ceux-ci relèvent de conflits dichotomiques créés par des conjonctures critiques dans le développement historique d’un système. En l’occurrence, la Révolution Nationale produisant des conflits église/ état et centre/périphérie ; et la Révolution Industrielle produisant des conflits rural/urbain et salariés/propriétaires. Par conséquent, dans le système européen, il ressort deux lignes de conflits produits par des conjonctures critiques. Premièrement, comme avec le processus de l’intégration nationale, l’intégration supranationale produit un conflit centre/périphérie, entre l’intérêt national et l’intérêt européen, ou entre pro- et anti-intégration. Deuxièmement, la politisation de l’UE, en tant que résultat de l’accroissement de la prise de décision sur les questions de la distribution, engendre la présence de conflits socio-économiques au niveau européen, et le développement d’un clivage pouvant être résumé à la notion imagée de gauche-droite .

Une autre alternative, plus maximaliste, établit que les partis européens sont des partis politiques à part entière de par le fait qu’ils possèdent les trois caractéristiques principales des partis politiques : parti en tant qu’organisation partisane avec l’incorporation de l’adhésion des partis nationaux et l’introduction de l’adhésion individuelle ; parti en tant qu’organisation de gouvernement, avec notamment la fonction de développement politique pendant les CIG ; et enfin parti en tant qu’organisation bureaucratique avec l’augmentation du nombre de personnel dans les bureaux centraux des partis européens.

Quoi qu’il en soit, sans un lien direct à l’exécutif, l’organisation de gouvernement des partis européens est sévèrement circonscrite, bien que Hix pose l’exemple des partis politiques de Suisse qui dans un contexte institutionnel similaire, ont également un rôle restreint dans la formulation politique et la régulation des conflits. De plus, les grands partis européens ont développé des structures hiérarchiques de leadership plus intégrées, dans les nouveaux statuts post - Maastricht, permettant certaines prises de décision supranationales pouvant être imposées aux partis domestiques membres .

c) Fonctions des partis européens :

Au début de l’ère post Maastricht des partis européens, Alain Sterck, dans son étude des partis européens, établit que les partis européens exercent en général deux types de fonctions : l’une assez limitée financièrement et institutionnellement, se situant sur le plan électoral, l’autre étant de créer des relations entre les différents partis au niveau du parlement européen. Leurs actions programmatiques se limitent souvent au plus petit commun dénominateur des partis membres et se cantonnent aux périodes pré-électorales. Cela permet aux partis membres d’augmenter leur crédibilité sur le plan national en se présentant comme un acteur sur plan international, tout en permettant au parti européen d’augmenter sa représentativité. Les partis européens ont ainsi une fonction de socialisation politique européenne en favorisant les contacts, les échanges informels, la transmission d’expériences mutuelles. De la sorte, ils engendrent une certaine européanisation de l’appareil des partis en créant un noyau d’experts européens. Ils facilitent également l’intégration aux travaux communautaires de pays candidats ou non à l’adhésion, en associant à leur fonctionnement une série de partis extra communautaires. Les statuts d’observateurs ou de membres associés jouent à cet effet le rôle d’antichambre .
Quatre ans plus tard, Simon Hix estime que les nouveaux « Europartis » poursuivent les plus communs des buts des partis politiques domestiques.

Premièrement, ils ont un accroissement d’objectifs politiques clairs, développés à partir des réseaux de comités qui comprennent des représentants des partis membres nationaux, du groupe des partis du PE, et même quelque fois à l’intérieur de la Commission et du Conseil. Deuxièmement, les fédérations de partis ont commencé à poursuivre des objectifs de pouvoir, ce qui à principalement impliqué la coordination des activités des leaderships des partis nationaux pour influencer le comportement des tenants du pouvoir dans les Institutions Européennes. Plus manifestes encore, sont les sommets de leaders de parti qui contrôlent les politiques, stratégies, et performances des groupes de partis du PE. Comme déjà montre ci-dessus, des efforts ont été également faits pour exercer une pression sur les partis membres nationaux au Conseil Européen, ce qui à de temps en temps été étendu au niveau des Conseils des Ministres, une stratégie qui tendit même à l’émergence de blocs politiques informels dans la Commission . En 2002, un an après le traité de Nice, Simon Hix fait le point sur les fonctions remplies par les partis européens, nous reprenons ici ses propos en tentant d’y apporter quelques précisions et observations .

1. « La gouvernance » :

D’un point de vue strict, les partis européens n’exercent aucune fonction de gouvernement au niveau européen. Certains en imputent la faute au déficit démocratique de l’Union Européenne de par la complexité de son processus décisionnel, mais on peut aussi souligner objectivement la faiblesse des partis européens, ainsi que les problèmes de structure des organisations de partis et du système de Partis au Parlement Européen. Simon Hix ajoute qu’un débat est en cours au niveau européen quant à la pertinence d’une compétition de partis dans les institutions « majoritiennes » de l’UE. Ceratins chercheurs diagnostiquent que celle-ci pourrait réduire la légitimité de l’Union Europeenne. Dans le sens que les majorités partisanes remplaceraient le style consensuel et délibératif de gouvernance de l’UE avec un mode de negotiations compétitives. Les partis europeens pourraient aussi conduire à une politisation de la Commission, qui ne serait dès lors plus capable de fournir une ‘expertise indépendante’ et la facilitation d’une production de solutions efficaces .

Pour palier au déficit démocratique et dans le même temps éviter l’introduction d’une compétition de partis, deux propositions se dégagent : la première concerne l’établissement de groupes d’intérêts en tant qu’organisateurs des intérêts fonctionnels et territoriaux dans un système d’Euro-corporatisme. La deuxième concerne l’utilisation de mécanismes de la démocratie directe, tels que les referendums d’étendue européenne, ou même l’élection directe du président de la Commission Européenne. Il reste cependant clair que l’articulation de la représentation par les seuls groupes d’intérêts ou la mise en place de la démocratie directe ne peuvent pas être des substituts d’une démocratie de partis. De plus, si l’on tient compte du fait qu’un système d’organisation partisane est déjà en place pour structurer le débat et traduire les choix des électeurs en action politique, ces modèles alternatifs ne pourraient être qu’un complément pour la démocratie partisane et non un substitut.

2. « L’articulation des intérêts et l’agrégation » :

Les partis européens doivent faire face à un dilemme lorsqu’ils essaient d’articuler les intérêts de leurs constituantes naturelles dans les systèmes de partis domestiques : Simon Hix démontre que d’un coté, les positions de classes sociales révèlent que l’UE est fragmentée en alliances de classes pouvant être imagées par la notion gauche-droite sur fond de conflit socio-économique, résultat des politiques de l’UE, comme la régulation sociale au niveau européen par exemple. Mais, peuvent aussi intervenir d’autres questions telles que la dimension pro- ou anti-intégration européenne ayant pour conséquence la caducité des alliances de classes .

Les positions des classes sociales révèlent que le marché politique de l’UE est fragmenté. Les alliances entre classes, telles que ‘manual workers/skilled workers, white collar/professionals, or employers/small business owners’, peuvent soutenir les problématiques du clivage gauche-groite dans les politiques européennes, comme par exemple la régulation du marché unique. Mais en ce qui concerne les thématiques de la dimension pro ou anti-intégration, par exemple sur le degré de développement de l’intégration européenne, ces alliances ne sont plus valables.

Ce dilemme présente des problèmes conséquents d’instabilité partisane pour les partis européens, ceux-ci devant s’organiser pour qu’il n’y ait pas de compétition de partis dans cette dimension politique. Ainsi certains partis peuvent choisir de refuser de se différencier par rapport aux autres partis sur cette dimension par des positions identitaires nationalistes, de même que les partis peuvent choisir d’abandonner l’affirmation de leur différence sur cette dimension, en refusant d’aborder les questions de l’intégration européenne pendant la compétition électorale. De telles attitudes stratégiques peuvent réduire le caractère des clivages de l’intégration européenne, mais aussi miner l’habilité des partis européens à s’organiser dans le but d’articuler les intérêts de groupes sociaux extra-nationaux .

3. « La participation politique » :

Il a déjà été établi que les élections du Parlement Européen ont échoué à mobiliser un haut pourcentage d’électeurs, aussi celles-ci accusant la contrainte du caractère d’ « élection de deuxième ordre », ceci malgré le développement parallèle de l’institutionnalisation des partis européens. On observe que, même si un caractère direct de l’adhésion aux partis européens fut introduit, la participation au niveau des masses dans le travail des partis européens reste très limitée .

En ce qui concerne le PGE, la volonté est d’ouvrir le débat politique aux public (possibilité d’adhésion individuelle, et participation aux groupes de travail et Congrès) et aux masses (forte présence lors des Forums sociaux : Porto-Alegre, Londres, Barcelone...). Au niveau des élites, on peut observer un accroissement notoire de la participation des grandes figures des partis domestiques dans le travail des partis européens, citons entre autres les sommets des leaders. De plus, de telles articulations avant un sommet européen entraînent une médiatisation croissante qui bénéficie aux partis européens, que ce soit en vue des élections ou de futures négociations .

4. « Le recrutement politique » :

Les partis européens ne sont pas directement responsables du recrutement des leaders politiques pour le pouvoir exécutif dans les institutions de l’UE, au sens de la fonction que remplissent les partis politiques nationaux pour leurs gouvernements respectifs. Le président de la Commission est choisi par un accord à l’unanimité au Conseil Européen, dont les membres sont choisis par les différents gouvernements nationaux. Aussi, le traité de Maastricht introduit-il une disposition selon laquelle le nominé du Conseil doit être sujet au vote du Parlement. En ce qui concerne les commissaires, en 1994 le PE introduisait une nouvelle procédure d’ « écoute » dans les comités parlementaires, entre la ratification du président de la commission et le vote final du PE sur la Commission dans son ensemble, dans l’intention de tester l’expertise politique des nominés des gouvernements.

Nous pouvons en conclure que les partis européens ne peuvent pas placer leurs leaders aux positions du pouvoir exécutif, mais ils peuvent influencer le processus en déterminant les nominations des commissaires. Simon Hix ajoute qu’un commissaire pourrait dès lors être plus efficace s’il obtient le support des constituantes partisanes du Parlement Européen et du Conseil, et insiste sur le constat qu’une expérience directe de politique de parti au niveau européen est un pas important pour en obtenir davantage .

5. « La communication et l’éducation politique » :

Comme l’article 191TEC du Traité de Nice l’exprime, les partis européens contribuent à former une conscience européenne. Dans le processus électoral des élections pour le PE, les groupes de partis publient des prospectus et des brochures à propos de leur politique, de leurs rôles au Parlement et de leur influence sur l’agenda politique de l’UE. Le membre individuel du PE a de plus accès à des fonds du budget de l’UE pour la communication et l’éducation politique. Les évènements organisés tendent vers la promotion de l’information à propos de l’UE en général et du rôle du Parlement, et en particulier sur les agendas politiques des partis européens et des groupes parlementaires. Les partis pourront peut-être en bénéficier, mais il est clair que sans ressources financières supplémentaires pour les activités médiatiques des partis, sans médias qui cernent correctement les partis européens, et sans répercussions des partis politiques nationaux pour distribuer l’information, le résultat ne pourra atteindre l’ampleur de la communication des partis politiques nationaux, et donc toucher comme tels les électeurs européens .

II. Evolutions de la gauche radicale en Europe.

Pour aborder l’histoire de la création du PGE, nous allons retracer les différentes tentatives de coordination des partis de gauche en Europe depuis les années septante. Pour cela, nous analyserons l’Eurocommunisme, le Groupe des Communistes et Apparentés au parlement européen de 1973-1989, le NELF, et le Groupe Confédéral de la Gauche Unifiée Europeenne, Gauche Verte Nordique (1994), pour en arriver au Parti de la Gauche Européenne (2004), objet de notre étude.

Pour commencer, nous introduirons tout d’abord une étude sur les différents positionnements au sein de la gauche par rapport à la construction européenne depuis 1956 ; positionnements qui, dans le processus d’intégration européenne et de la création plus ou moins tardive d’un parti européen de gauche, auront eu, et ont encore, un rôle déterminant.

1). Visions de la gauche par rapport à l’intégration européenne.

C’est un fait établi et reconnu que les partis de la Gauche d’Europe Occidentale ont tendu à considérer la construction européenne depuis 1957 avec d’intenses suspicions, quand ce n’était pas avec une grande hostilité.
Les partis socio-démocrates, qu’on peut appeler les partis de la Deuxième Internationale, avaient, depuis les déboires de 1914-18, lié leur destin au mât de l’ « Etat-Nation démocratique moderne » et aux politiques du keynésianisme national. La majorité ont continué dans cette voie, jusque dans les années 1980. Pat ailleurs, les partis communistes, les partis de la Troisième Internationale, tendaient vers leur propre version influencée par le soviétisme de la « voie nationale vers le socialisme » .

Sassoon, dans son histoire de la Gauche au vingtième siècle en Europe Occidentale, analyse par quel processus une majorité de partis socio-démocrates et une minorité de partis communistes arrivèrent, durant les années 70 et 80, à accepter la réalité de l’Union Européenne , et même plus, à « célébrer son potentiel progressif » .

En effet, les années 80 en particulier furent une décade de régression profonde pour la Gauche en général. La crise des partis communistes ne tolère pas la discussion tant les symptomes concordent. Elle se manifeste par le recul général de l’audience électorale des PC, recul qui a aboutit à la disparition totale de la scène électorale des minuscules partis autrichien, belge, britannique, danois, hollandais, norvégien et suisse, et au déclin de ceux qui eurent importance historique relative comme à Chypre, au Portugal, en Espagne, en Finlande, en France, en Grèce, en Italie et en Suède . Elle se manifeste également par une désaffection militante drastique et la réfraction de la diffusion de la presse communiste. Le changement des attitudes envers l’UE ne reflète pas nécessairement un changement profond dans la nature et la direction de l’intégration européenne, mais plus une perte de confiance profonde dans le keynésianisme national et dans le pouvoir de l’Etat-Nation en tant qu’agent du changement de la part de nombreux partis socio-démocrates et de gauche.

D’autre part, les années 90 ont démarré avec l’espoir que la chute du Stalinisme en Europe de l’Est, la fin de la Guerre Froide entre l’URSS et les USA, ainsi que la réunification de l’Allemagne pourraient entraîner une renaissance de la Gauche en Europe.

Dans cette étude, nous nous concentrerons sur ce que Dunphy a surnommé les « partis transformateurs » , les partis se situant à la gauche de la social-démocratie qui ont historiquement appelé à la transcendance du système économique capitaliste, et qui le font toujours actuellement.

Au départ, la majorité des partis de gauche s’opposaient à la CEE pour trois raisons principales : d’abord, ils voyaient la CEE comme un produit de la division de la Guerre Froide de l’Europe, qui avait comme logique la consolidation des structures du système capitaliste atlantique, c’est-à-dire, de constituer en quelque sorte le bras économique de l’OTAN. Deuxièmement, il y avait la grande crainte que les USA n’utilisent les institutions de la CEE afin d’établir son contrôle économique et politique sur l’Europe Occidentale, empêchant ainsi tout espoir de voir une Europe autonome. (Etant donné que les USA s’étaient servis du Plan Marshall pour forcer les communistes hors des coalitions gouvernementales d’après-guerre dans de nombreux pays en 1947-48, cette inquiétude n’était sans doute pas déraisonnable.) Troisièmement, un facteur qui influençait tant les partis social-démocrates que les communistes, les partis de gauche ne faisaient pas confiance en un traité qui avait été rédigé majoritairement par des élites de gouvernement centre-droit d’Europe Occidentale et qui semblait inspiré par les principes du libre marché capitaliste .

Pour Castellina, la Gauche a été lente à modifier ses positions. De nombreux partis communistes continuèrent à se montrer hostiles vis-à-vis de la CEE, et de nombreux partis socio-démocrates arrivèrent à accepter la réalité de la CEE mais en grande partie ils l’ignorèrent, concentrant principalement leurs efforts stratégiques au niveau national. Une remise en question profonde n’apparut au sein des partis de la Gauche que plus tardivement pendant les années 80, même si les origines de ce questionnement étaient déjà présentes dans certains partis bien plus tôt . Vers la moitié des années 80, on pouvait discerner quatre courants de pensée différents au sein de la Gauche en Europe occidentale.

La première et la plus distinctive des positions est celle qui perçoit la CEE comme un agent d’exploitation multinationale et d’hégémonie allemande ou américaine pure et simple. Dans cette perspective, l’UE menace les droits des travailleurs, les standards nationaux de sécurité sociale, la démocratie nationale et la souveraineté. L’UE engendre et promeut des inégalités économiques et un développement non-durable. L’UE se situe dans une relation d’exploitation des pays en voie de développement et des potentiels pays membres de l’Europe de l’Est. L’UE menace de devenir une nouvelle « superpuissance » militaire, et/ou de se placer sous le joug du militarisme américain. Pour toutes ces raisons, cette catégorie de partis s’oppose à l’adhésion de leur pays à l’UE et mène une campagne pour que les pays déjà membres de l’Union la quittent. Cette position caractérise les partis comme le Parti Communiste grec (KKE), les adhérents de gauche des mouvements anti-EU danois comme le « Mouvement de juin » ; et dans le passé, elle caractérisa aussi la majorité des partis nordiques gauche-verts, même si aujourd’hui ils ne sont plus aussi catégoriques.

La deuxième position rejoint en partie la première, dans le sens ou elle adhérerait avec la plupart des analyses précitées en ce qui concerne la création et le développement historique de l’UE, mais contrairement aux premiers, cette catégorie de partis ne se positionne pas en faveur d’une campagne contre l’adhésion des pays à l’UE. Ils perçoivent cela comme irréaliste, et même peut-être indésirable. Selon eux, cette position eurosceptique placerait la gauche au même rang que l’extrême droite, dont les argumentaires racistes et xénophobes constituent de fortes raisons pour ne pas partager leurs positions. Au lieu de cela, ce qui est recommandé est la restructuration complète de l’UE par l’intérieur, le changement complet de ses priorités, la contestation du libre-marché, de la logique capitaliste de l’Acte Unique, du traité de Maastricht, de la Politique Agricole Commune, des opérations de la Banque Centrale, etc. Cette position caractérise la plupart des partis nordiques gauche-verts, et par exemple, depuis la fin des années 80, le Parti Communiste français (PCF). Dans la pratique, cette position peut conduire ces partis à rejeter les aspects capitalistes de l’UE tels que le traité de Maastricht ou l’Euro par exemple, et ensuite supporter et même demander un approfondissement de la législation européenne en matière d’environnement ou de protection des travailleurs.

La troisième position est également critique vis-à-vis de la nature limitée et restrictive de l’UE comme elle a été développée jusqu’ à présent, mais elle reste beaucoup plus positive quant aux perspectives concernant une profonde réforme au niveau européen. D’une manière plus profonde que les tenants de la deuxième position, ses supporters perçoivent l’UE comme un agent potentiel de changement social et politique, ainsi que de régénération de la gauche en Europe. Ils défendent en général des thèses pour plus d’intégration européenne, parfois dans la direction d’une fédération politique, voyant dans le développement d’institutions politiques fortes, c’est-à-dire un Parlement Européen capable de légiférer et élire la Commission Européenne par exemple, la clé permettant de fournir à l’UE ce dont elle a besoin, et qui lui manque, pour contrer les corporations multinationales et élargir l’ « espace démocratique ». Une telle vision est profondément réformiste et aussi, bien sur, profondément idéaliste. Acceptant que le marché ne puisse soutenir les buts traditionnels de la gauche, sur la base par exemple des échecs des gouvernements Mitterrand et Papandhréou dans les années 80, les supporters de cette position posent comme principe la réinvention d’une forte social-démocratie interventionniste au niveau de l’UE comme la voie vers l’avant.

Une telle position était caractéristique du Parti Communiste Italien (PCI) pendant les années 70 et 80, et caractérise encore aujourd’hui les partis communistes d’Italie tels que la Refondation Communiste (PRC), d’Espagne tels que le PCE et la Gauche Unifiée (IU), certains partis de la gauche Nordique, et de nombreux partis à la gauche de la social-démocratie tels que le Parti du Socialisme Démocrate allemand (PDS). En fait, c’est sur ce terrain de « profond réformisme » que les pro-intégrationnistes des rangs des nouveaux partis de gauche, communistes, ex-communistes et socio-démocrates, trouvent en effet une base commune. C’est probablement le terrain de cet évasif « Eurocommunisme » dont Enrico Berlinguer et les Communistes italiens avaient rêvé, dans leur quête pour un « nouvel internationalisme » dessinant une troisième voie entre le communisme soviétique et la social-démocratie durant les années traumatiques suivant l’invasion soviétique de l’Afghanistan et de l’imposition de la loi martiale en Pologne.

Les tenants de cette catégorie représentent en fait le courant qui a donné naissance au Parti de la Gauche Européenne. Ils critiquent le néolibéralisme rampant et la faible régulation associée à ses politiques, ils recommandent entre autre un contrôle démocratique sur la Banque Centrale Européenne et la prioritarisation de la lutte contre le chômage.

La quatrième position est celle qu’on pourrait qualifier de « réformisme faible ». Une autre manière de décrire ce réformisme serait de contraster cette position de pro-intégrationisme non critique avec celle des pro-intégrationistes critiques précédemment étudiée. Cette approche supporte le « projet européen » sous l’argument de la « modernisation » sans le remettre en question et appelant à un compromis historique entre toutes les forces pro-européennes de centre-droit et de centre-gauche . Les tenants de cette position sont les partis socio-démocrates qui étaient au pouvoir en Europe du sud dans les années 80, le New Labour britannique de la fin des années 90, ainsi que d’autres partis socio-démocrates ailleurs. Aucun des partis de cette catégorie ne fait partie du présent groupe Confédéral GUE-NGL du Parlement européen ni du Parti de la Gauche Européenne.

2).Tentatives de coopération transnationale des partis communistes au niveau européen.

Au cours du précédent chapitre, le lecteur a pu observer qu’il existait une diversité de positions soutenues par les partis de la gauche envers les questions de l’intégration européenne. Ces positionnements sont déterminants pour envisager la création d’une entité commune supranationale. Actuellement le niveau d’internationalisme qui préoccupe les communistes se situe au niveau européen, puisque la globalisation passe d’abord par la régionalisation .

Ainsi ces différents courants ont donné lieu à de diverses stratégies de la part des partis de gauche en Europe. Après les expériences chaotiques d’internationalisme communiste du passé, les partis communistes ont tendu vers un repli sur soi et la recherche de leur propre « voie nationale vers le socialisme » durant les années 60 et 70 avec pour exception la tentative de l’Eurocommunisme . Ensuite, les difficultés de positionnement de ces partis vis-à-vis de la construction européenne ont engendré une frilosité quant à l’agrégation d’intérêts et un projet commun de la gauche au niveau européen.

Nous étudierons ci-après les différentes tentatives de coopération transnationale des partis communistes au niveau européen, avec, en 1971, l’Eurocommunisme, la formation du Groupe Communiste et Apparentés au Parlement Européen entre 1973 et 1989, le Groupe confédéral de la Gauche Unifiée Européenne/ Gauche Verte Nordique au Parlement Européen en 1994, pour en arriver à la naissance du Parti de la Gauche Européenne, présent objet de notre étude.

1. L’Eurocommunisme.

Dans les années septante, les partis communistes se sentent suffisamment forts pour défier ouvertement Moscou. Aussi, la détente permet-elle d’analyser la situation internationale autrement qu’en termes bipolaires. Les changements essentiels intervenus dans la ligne de certains partis communistes ne sont pas liés à un processus de crise ou d’affaiblissement, mais proviennent plutôt de l’idée que le modèle soviétique est inapplicable dans les pays capitalistes industrialisés. Selon Giorgio Napolitano, « ‘la voie nationale vers le socialisme’ constitua une double réponse, d’une part aux diktats dont l’IC et le Kominform s’étaient fait une habitude, et d’autre part, aux thèses des mouvements de 1968 et à leurs critiques contre l’URSS et le bureaucratisme » .

De cette idée a découlé « la nécessité de concevoir « un socialisme à visage humain » issu des traditions démocratiques du mouvement ouvrier européen » . Ce projet se veut inscrit dans les histoires nationales. Il s’agit aussi de démocratiser le fonctionnement interne des partis en assouplissant le principe rigide du centralisme démocratique. Comme le remarque Lilly Marcou, « à une époque où les mouvements politiques sont de plus en plus internationalisés et institutionnalisés, le communisme se nationalise. D’où cette impression d’une sorte d’eurocommunisme ‘chez soi’, ‘dans un seul pays’ (...) » . De plus ; Gilbert Wassermann ajote, « paradoxalement, même si ce terme [l’eurocommunisme] semble désigner une voie européenne, la stratégie envisagée reste partiellement pour le PCI, totalement pour le PCF, une voie nationale » . Si l’eurocommunisme est le résultat d’un long processus de maturation, on peut faire remonter sa naissance à la conférence des partis communistes des pays capitalistes de Bruxelles en 1974. Elle porte dès le départ les caractéristiques de l’eurocommunisme, dans le sens où les divergences entre les partis sont publiquement affirmées.

Mais c’est le sommet de Madrid en 1977 qui occupe le devant de la scène médiatique. Lors de la rencontre entre les trois leaders de l’eurocommunisme, l’italien Enrico Berlinguer, le français Marchais et l’espagnol Carillo, tous trois partagent les mêmes affirmations. Selon eux, la crise du système capitaliste appelait plus que jamais à développer la démocratie et le projet socialiste, ce qui commandait de lutter pour imposer une issue positive à cette crise et obtenir la défaite des orientations réactionnaires . . Mais les espoirs nés avec l’eurocommunisme restèrent éphémères car les désaccords entre les partis sont restes nombreux. Il faut noter que l’eurocommunisme, qui aurait pu être une étape vers la recherche d’un modèle de socialisme démocratique, s’est terminé à la même époque que la détente, qui avait justement permis son éclosion .

2. Les Communistes au Parlement Européen, 1973-1989.

Pour les nombreuses raisons évoquées dans le précédent chapitre, la formation d’un Groupe « Communistes et Apparentés » au PE durant les années septante ne réussit pas à transcender les énormes différences de positionnement qui séparaient les acteurs principaux en ce qui concerne la question européenne. L’éclatement de ce groupe en 1989 ne surprit dès lors que très peu les observateurs.

Le premier parti à siéger au Parlement Européen fut en 1969 le PCI. Il était ferme avec ses arguments réformistes et défendait l’idée que l’UE devait être modifiée de l’intérieur sur base de la demande de la classe des travailleurs et de sa conquête du pouvoir au sein même des institutions européennes. De l’autre coté se trouvait le PCF, qui prétendait toujours que son opposition à l’existence de l’UE était incompatible avec sa participation dans les institutions de l’UE. Le fait qu’il faille au moins 14 membres pour créer un groupe politique au sein du PE entraîna que la délégation du PCI ne constituait pas encore en soi un groupe formel, mais était située dans la catégorie des ‘non-alignés’.

Ce n’est qu’en 1973, que le PCF, révisant ses positions, accéda au PE avec quatre de ses représentants, et permis par conséquent la création du Groupe des « Communistes et Apparentés » au Parlement Européen, sous la présidence de Giorgio Amendola.

Dès le départ, néanmoins, il était clair que les divergences fondamentales qui existaient entre les positions des différents partis sur l’Europe additionnée à l’absence de volonté de la part du PCF d’accepter des infractions au principe du droit de chaque parti communiste à choisir sa propre « voie vers le socialisme » amoindrirent fortement la capacité du Groupe en tant qu’acteur institutionnel au niveau européen. De fait, le groupe fut caractérisé tout au long de son existence par son manque d’unité et de capacité, ainsi que le décrivit le Secrétaire Général de ce groupe Gérard Laprat lui-même, dans les termes « unité dans la diversité » . Le groupe ne parvint pas à se mettre d’accord sur une plate-forme commune, et, contrairement au groupe des socialistes par exemple, n’arriva jamais jusqu’au point de produire un Manifeste en vue des élections européennes. Son existence se poursuivit tel le reflet de la direction de l’internationalisme communiste jusqu’à sa dissolution en 1989 .

3. Le New European Left Forum - NELF.

Le New European Left Forum a été créé en 1991 sur l’initiative d’Izquierda Unida, qui était le parti de gauche le plus fort en Europe à ce moment-là. Le NELF avait comme idée de montrer qu’il existait un espace ouvert entre les partis Stalinistes et les partis socio-démocrates. Cet espace est celui de ces partis communistes et de gauche qui ont abandonné leurs traditions Stalinistes pour se réformer. Certains d’entre eux ont même laissé tomber leur appellation ’communiste’ afin d’éviter toute assimilation avec la tragédie du système soviétique. Le but ici était de construire une coopération libre et ouverte sur cette base, mais n’ayant rien à voir avec l’Union européenne. Les objectifs de cette organisation sont d’être « un réseau international non-staliniste de gauche » .

La création du NELF reflète l’évolution des partis de Gauche d’Europe occidentale après 1991. Il reflète en effet la volonté de quelques partis communistes qui ont estimé la nécessité de se séparer de l’influence soviétique, d’abord avec le mouvement de l’ "eurocommunisme" et plus tard avec un processus de réforme interne de leurs partis après 1991. Un exemple de ces phénomènes est l’Italie, avec le PDCI se divisant en ailes DS et PRC. L’espace ouvert est celui sur lequel le PRC, Refondazione Communista, est basé. Néanmoins, même si le PRC fut un acteur important dans l’évolution du positionnement les partis de la Gauche en Europe occidentale qui donna suite à la création du Parti de la Gauche Européenne, le débat sur la création d Parti de la Gauche Européenne ne fut pas amorcé au sein du NELF en tant que tel. Ainsi, comme le précise Stellan Hermannsson, « Il y avait un certain débat sur cela, mais il faut comprendre que le NELF est une organisation différente qui n’a aucun rapport avec un prétendu ’parti’ ; dans le sens d’un lieu de débat qui a sa spécificité pour les partis de gauche qui ne ressentent pas la nécessité de faire partie du PGE, parce qu’ils ont une vision différente de l’Europe et ne voient pas celle-ci devenir fédérale, ou bien qu’ils se sentent trop lointains des partis avec une tradition communiste forte. Ainsi pour eux, le NELF est une nécessité parce que c’est leur seul réseau européen de gauche » .

4. Deuxième tentative de coopération des Partis Communistes au niveau européen : le Groupe de la Gauche Unifiée Européenne/ Gauche Verte Nordique (GUE/NGL), 1994- .

Fondé en 1994, le Groupe Confédéral de la Gauche Unifiée Européenne/Gauche Verte Nordique se présenta comme la nouvelle forme du regroupement des partis communistes au Parlement Européen. Il est composé de partis Communistes et apparentés, ainsi que de partis écologistes de gauche et de partis indépendants de gauche . Le groupe GUE/NGL descend du précédent groupe de Communistes et Apparentés de 1979 au Parlement Européen. Après son éclatement en 1989, quatre partis, le PC italien, la GU espagnole, le PSP danois et le parti grec Synaspismos décidèrent de refonder un groupe entre eux, dénommé le Groupe de la Gauche Unitaire Européenne.

Ce fut alors le début d’un processus de rassemblement de toutes les composantes de la gauche non socialiste. Ce phénomène fut facilité par l’acceptation et la décision que ce regroupement était de nature flexible et ouverte, comme le mentionne le Président actuel du groupe, Francis Wurtz, dans sa relation introductive ; « Il s’agit d’un groupe confédéral au sein duquel chaque élément conserve sa propre identité et sa propre ligne politique » .

C’est ce rassemblement qui, élargi à d’autres partis, se refonde en juillet 1994 au début de la quatrième session parlementaire sous le nom de groupe Confédéral de la Gauche Unitaire Européenne. Les partis membres étaient à cette date la Gauche Unitaire Espagnole (IU) ; le Parti Communiste Français (PCF) ; la Refondation Communiste Italienne (PRC) ; le Parti Communiste Portugais (PCP) ; le Parti Communiste Grec (KKE) et le Synaspismos grec.

A la suite de l’élargissement de l’UE aux pays nordiques et à l’Autriche en janvier 1995, le groupe s’est agrandi pour inclure : le Parti de la Gauche suédoise (VP) et l’Alliance de la gauche finlandaise (Vas). Dans le même temps, le Parti populaire socialiste danois (SF) a rejoint le groupe et, avec les partis suédois et finlandais, a formé la composante Gauche verte nordique (NGL) à l’intérieur du groupe. Le groupe a été rebaptisé Groupe confédéral de la Gauche Unitaire Européenne-Gauche Verte Nordique, sous l’acronyme GUE/NGL.

En 1998, Ken Coates, un député européen qui avait été exclu du Parti travailliste britannique, a quitté le groupe du PSE pour rejoindre le GUE-NGL et Carlo Ripa di Meana, un député européen italien, membre de la Commission chargé de l’environnement, membre des Verts, a rejoint le groupe, permettant au GUE-NGL d’atteindre un effectif de 34 députés issus de 8 pays. Lors des élections européennes de 1999, tous les partis sortants ont réussi à assurer leur représentation au sein du nouveau Parlement. Ils ont été rejoints au sein du groupe par le Parti populaire socialiste danois (SF) et le Parti du socialisme démocrate allemand (PDS), qui avaient été auparavant partis membres associés. Le groupe a également accueilli un troisième parti venant de Grèce, le DIKKI, dont les députés sont membres à part entière et 5 députés européens venant de France, élus sur la liste LO-LCR, comme membres associés. Les partis non représentés au Parlement Européen actuellement mais qui entretiennent de proches relations de coopération avec le GUE-NGL comprennent : le Parti de la gauche socialiste norvégienne (SV) et Déi Lénk (LUX).

En 2001, deux députés - Ilka Schröder (Allemagne) du groupe des Verts et Freddy Blak (Danemark) du groupe du parti socialiste européen - ont rejoint le groupe GUE/NGL. En 2002, six députés - Ole Krarup et Jens Okking (DK) du groupe EDD et Gérard Caudron, Michel Dary, Sami Nair, et Michel-Angel Scarbonchi (FR) du groupe PSE - ont rejoint le groupe GUE/NGL. C’est le moment où le GUE-NGL a atteint sa représentation la plus élevée au sein du Parlement européen comme le quatrième plus grand groupe.
En 2003, en tant qu’élément du procédé d’accession de 10 nouveaux Etats membres, des observateurs ont joint le groupe de Chypre, la République Tchèque, la Lettonie, et la Slovaquie, et ceux-ci sont devenus des Députés Européens le premier mai 2004. En juin 2004, il y eut réélection de la majorité des partis membres du GUE-NGL. 39 MEP sont retournés au Parlement, et avec deux nouveaux députés de Sinn Féin, le groupe a maintenant 41 membres de 12 Etats membres .

La base idéologique commune de ce groupe est la volonté d’une construction européenne alternative. En effet comme le mentionne Thomas Raeck, il s’agit plus de travailler sur les convergences qui unissent les différents partis que sur leurs différences nationales, ainsi, dit-il, « la base commune du travail des députés est la compréhension commune des principales thématiques politiques qui servent de base au Groupe et la volonté de mettre en avant ces positions communes et valeurs dans les activités politiques du Groupe. La concentration est mise sur les convergences, et non pas sur les divergences et intérêts nationaux. Ces thématiques sont les questions de la paix et du rejet des activités militaires de l’UE partout dans le monde, de la construction d’une force militaire européenne et des interventions militaires pour solutionner les problèmes internationaux (Afghanistan, Irak), pour le respect du droit international comme base à la résolution des conflits et la coopération internationale, le développement et l’usage de moyens de prévention de crises civiles.

Pour le développement et la construction de l’UE : la demande d’une Europe sociale, une Europe de citoyens et non pas une Europe seulement économique et monétaire, dans ce sens le combat pour le respect des libertés civiles et les droits des citoyens et contre leurs limitations dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le slogan commun que nous partageons est « Une Autre Europe est Possible »- c’est pourquoi le Groupe investit dans la collaboration avec les mouvements sociaux, les unions de syndicats, les ONG, etc., et essaie de servir de lien entre le niveau des parlementaires européens et la société civile, pour par exemple combattre les délocalisations, la libéralisation du secteur public et des services en général à tous les niveaux, Gatt, UE, pays membres, niveau local, etc. » .

On peut observer que les exigences institutionnelles du Parlement Europeen pour l’obtention du Statut de Groupe Parlementaire ont en quelque sorte permit la reconstruction des liens transnationaux post-communistes. En effet, il n’était pas dit qu’après la chute de l’URSS, les partis communistes et ex-communistes essayeraient de récupérer une forme d’organisation au niveau européen. En même temps, le groupe n’aurait peut être pas été aussi éclectique dans sa composition, si le PE n’avait pas requis une base aussi large de coopération pour la formation d’un Groupe .
La nature technique et élitiste du Parlement Europeen a permis un choix d’alliés plus libre que les arènes nationales ne le permettent. Le GUE/NGL, comme d’autres groupes, est formé d’une adhésion centrale de base et d’une périphérie instable ; en ceci qu’il y a des differences considérables entre les partis du centre et ceux de la frange, et parfois ces derniers peuvent jouer d’une influence disproportionnée. Toutefois, si on se réfère au taux de cohésion de leur votes au PE, les membres du Groupe GUE/NGL présentent le chiffre assez élevé de 83,84%, ce qui est proche des 89% du Groupe PES, et surtout indique que ses partis membres sont bien plus accordés que lors de l’expérience du précédent Groupe des Communistes et Apparentés de 1984-89 .

Néanmoins, on observe qu’il y a toujours une thématique centrale qui sépare, voir oppose, les differentes constituantes du groupe GUE/NGL et qui affaiblit sa capacité d’action commune ; ce sont ses positions concernant l’importance de la souveraineté nationale et la défense de l’intérêt national, en opposition avec la volonté pro-européenne des partis centraux de construire un appronfidissement de la construction européenne de manière progressiste et alternative .

3) Transformations de la Gauche.

Il est nécessaire, à l’approche de l’analyse du PGE en tant que résultat de l’évolution des partis de gauche vis-à-vis de la construction européenne, mais aussi en tant que tels, d’inclure une étude sur les mutations encourues par ces partis depuis les années nonante, considerée par plusieurs auteurs comme la vague la plus profonde de changement partisan de l’époque récente . Confrontés à la crise des années quatre-vingt, les partis communistes ont chacun opéré de profonds changements dans leur organisation interne ainsi que dans le choix stratégique de leur électorat. Parfois, ils ont transformé leur vision jusqu’à se voir qualifier de « catch-all parties » . Tous les PC se sont confrontés à une semblable remise en question de leur projet général, de leur doctrine, de leur identité, de leur stratégie, de leur organisation et de leurs modalités spécifiques d’insertion dans les sociétés ouest-europeénnes.

Il important ici de comprendre le caractère spécifique diagnostiqué par Balandier qui a servi longtemps de base à l’évolution des PC . Celui-ci énonce que le communisme par définition a toujours été soumis à des tensions internes et à des conjonctures favorables ou néfastes : en effet y sont à l’œuvre des processus contradictoires engendrés par des « dynamiques du dehors » et des « dynamiques du dedans ». Les « dynamiques du dedans » provenant du type de rapports centre-périphérie qui régissaient le monde communiste : le centre veut sans cesse exercer son controle, imposer un mode de comportement unifiant et homogénéisateur sur des réalités plurielles, et se réfère à un corps de doctrine qu’il cherche à ériger en orthodoxie universelle. Les « dynamiques du dehors » découlent directement du lien séminal et fondateur de leur légitimité, que les partis communistes tissent avec la lutte des classes, les conflits, les mouvements sociaux, qui les rend, plus que toute autre formation, tributaires des conjonctures sociales . Mais ici l’originalité de la crise a été plus profonde, car le bouleversement des annees quatre-vingt et quatre-vingt dix a engendré une profonde remise en question de ces organisations allant jusqu’à questionner leur existance.

L’effondrement du bloc de l’URSS a engendré celui de ce qui subsistait de doctrine, d’identité et d’organisations communes fondées sur la centralité et le rôle prééminent de l’URSS et du camp socialiste. A cela viennent s’ajouter les effets des mutations des sociétés dans lesquelles évoluent les PC. Ces mutations sont socilogiques, économiques, sociétales, politiques et institutionnelles. Au niveau sociologique, on a pu constater un transfert massif de population du secteur primaire vers le secteur secondaire, et de ces deux derniers vers le secteur tertiaire. Evolution capitale pour l’analyse des formations de gauche tant il est vrai que leur électorat et la majorité de leurs adhérents étaient historiquement liés à la classe ouvrière et à la paysannerie. Ensuite, en matière économique, la mondialisation des échanges économiques et des finances s’est intensifiée ; et les centres de décision se sont internationalisés. L’européanisation de la décision politique, économique et sociale ont poussé les partis politiques et les syndicats à se métamorphoser. Ces facteurs ont posé des questions et des problèmes partiellement nouveaux pour la gauche européenne et l’ont obligé à envisager une réorganisation dans laquelle le niveau traditionnel, l’Etat-nation, est remis en cause .

L’importance déjà accordée à la formation de partis politiques au niveau européen dans le Traité de Maastricht constituait le germe d’une évolution déterminante puisse qu’aussi bien les partis, depuis leur création, ont été des acteurs aux plans national et sub-national et ont donc fondé leurs rapports de force à ces échelons. De plus, les mutations sociatales faisant suite à l’ébullition de mai 1968, ont entraîné que des les revendications de type qualitatif ont pris de plus en plus de valeur et de signification pour les nouvelles générations, surtout en matière de démocratie et de citoyenneté. Certains auteurs ont vu dans l’émergence de partis « verts » et des mouvements écologistes la preuve d’un échec de la gauche à se muer en porteuse de ces nouvellles aspirations. D’autres y ont décelé plutôt un début de nouvelle identité politique et d’organisation pour la gauche et un instrument privilégié d’adaptations aux mutations de notre société .

Nous analyserons le cas de l’émergence du PGE dans le cadre d’une réponse à ces diverses mutations institutionnelles, économiques et sociétales.

III. Le Parti de la Gauche Européenne.

1. La création du Parti de la Gauche Européenne

En juin 1998, des personnalités de certains partis de gauche, socialistes, communistes et rouges-verts de l’Union européenne se sont rencontrées à Berlin à la veille des élections de 1999 au Parlement Européen pour penser de nouvelles formes et voies de coopération. Beaucoup de partis de l’Europe transformatrice, après une phase de réorientation difficile de leur politique après les bouleversements de 1989/91, avaient atteint la conclusion qu’il était temps de créer une collaboration plus concrète, afin de transmettre un profil commun à cette Gauche européenne .

Suite à la réunion, treize partis de Gauche européens en janvier 1999 à Paris ont, pour la première fois, élaboré et lancé un appel commun aux élections européennes adressé à toutes les personnes vivant dans l’Union Européenne. Dans cet appel, les partis participants ont formulé des buts communs et des idées clefs pour une Europe sociale et écologique, démocratique et de paix, sur base de la solidarité aussi bien qu’un plan de buts communs pour leur coopération dans l’UE. Après les élections de juin 1999, le Groupe Confédéral de la Gauche Unifiée Européenne/Nordic Green Left (GUE/NGL) dans le Parlement européen a été formé sur cette base.

Au cours de la réunion mentionnée ci-dessus, le Président du PDS, Lothar Bisky, avait déclaré le besoin de penser au-delà des formes préexistantes de coopération parlementaire dans le Parlement européen et au NELF (New European Left Forum) : Il visait à la conception de nouvelles voies de travail politique commun, indépendantes des voies qui caractérisent les différents partis au niveau de leur rapport à l’Union européenne et des pas d’intégration en cours.

Sur l’invitation de la coalition grecque des Gauches, les Mouvements et Écologie, SYNASPISMOS, a été lancée, à la mi-mars 2003, une instruction de travail - passée et convenue à l’occasion des réunions du NELF de Copenhague et Paris (2002) - en vue de lutter activement pour la création d’un Parti européen de Gauche. La même année, ont suivi de nouvelles réunions de travail du groupe d’initiative, au cours desquelles des débats ont eu lieu à propos de la création d’un Document Politique de Base (le manifeste) aussi bien que sur la structure nécessaire et la base pour des transactions (les statuts).

En janvier 2004, a eu lieu à Berlin une réunion de partis, qui en passant un appel commun à tous les partis de gauche intéressés en Europe, ont initié la fondation du Parti de la Gauche Européenne. 11 partis ont répondu à cet appel ; et d’autres représentants de partis présents à Berlin ont déclaré qu’ils observeraient activement le processus. (Appel de Berlin du 10 et 11 janvier 2004).

La réunion suivante d’Athènes du groupe initial (tous les partis ayant signé l’initiative de Berlin, ouverte aussi aux partis observateurs intéressés) a émis un accord, début février, pour la convocation du congrès de fondation du Parti de la Gauche Européenne pour le 8 et 9 mai 2004 à Rome. Un groupe de travail préparatoire international a été formé auquel ont adhéré les représentants de tous les partis de l’initiative .

Il y avait un accord sur le fait que le nouveau travail sur la création d’un parti de Gauche devait avoir lieu ouvertement et d’une manière transparente, le but étant d’impliquer l’adhésion des partis, et de discuter ensemble des pas politiques concrets avec eux ainsi qu’avec les sympathisants. En même temps, cela impliquait le domaine très sensible de la souveraineté et l’indépendance des partis - qui particulièrement au niveau européen avait une grande résonance avec "le patronage" par Moscou et d’autres centres de partis dirigeants d’Etat à l’époque de la confrontation des blocs Est-Ouest, avec des tentatives d’aller vers des chemins liés aux développements indépendants (Eurocommunisme), avec les événements en Hongrie (1956), Prague (1968) et en Afghanistan (1978) et les controverses en résultant au sein de la Gauche internationale. Cet accord tient aussi compte des processus autour de l’apparition de nouveaux partis de Gauche émancipatrice démocratique, qui ont gagné une place dans la société en raison de leur lutte pour des alternatives dans leurs pays respectifs .

La dynamique de la rencontre de Berlin a promu la discussion dans les partis de Gauche en Europe. Cette situation de débat englobe l’approbation et les contradictions parmi des partis de Gauche hétérogènes et les mouvements : Il y a en effet, à l’heure actuelle, une grande diversité de positionnements parmi ces différentes forces, occasionnant un développement disparate qui manque d’unité On pourrait donc observer que la gauche confronte un choix historique. Il y eut beaucoup de débats européens autour de la question : qui pouvait et qui devait être membre, quel devait être le profil et comment les partis membres auraient-ils la garantie d’avis démocratiques et d’indépendance dans une telle organisation européenne unifiée, qui devait constituer plus qu’une organisation de regroupement ’parapluie’. En fait, il découle consciemment du modèle historique défini comme l’association européenne des partis de Gauche - composé de partis membres et d’observateurs.

A ce jour les partis membres du Parti de la Gauche Européenne sont : le Parti communiste d’Autriche (KPO), le Parti du socialisme démocratique de la République tchèque, le Parti social-démocrate du travail d’Estonie, le Parti communiste français (PCF), le Parti du socialisme démocratique d’Allemagne (PDS), la Coalition de la Gauche, du Progrès et des Mouvements-Synaspismos de Grèce, de Parti ouvrier d’Hongrie, le Parti de la Refondation communiste d’Italie (PRC), le Parti de l’Alliance socialiste de Roumanie, la Refondation communiste de Saint Marin, le Parti communiste de Slovaquie, le Parti communiste d’Espagne (PCE), la Gauche Unie et Alternative d’Espagne (EUA), la Gauche Unie d’Espagne (IU), le Parti suisse du travail suisse, le Parti de La Gauche du Luxembourg, et le Bloco Esquerda portugais .

Remarques concernant les partis de gauche qui n’ont pas adhéré au Parti de la Gauche Européenne.

Comme nous l’avons étudié, il y a toujours à ce jour de nombreuses divergences au sein des partis de gauche en Europe. Nombre d’entre eux se positionnent contre l’idée d’un avenir fédéral concernant la construction européenne, où n’adhèrent pas complètement avec les idées du Parti de la Gauche Européenne. Il existe différentes raisons pour lesquelles de nombreux partis ont refusé de se joindre au PGE. Parmi les raisons principales, ces partis ne perçoivent pas l’Union Européenne comme un terrain fertile des luttes de la gauche.En ce sens, Pedro Marset explique : « Il y a certains partis pour lesquels le sentiment national et anti-européen est plus fort que la compréhension de la nécessité de créer un parti de gauche au niveau européen. Ils ne comprennent pas qu’à l’heure actuelle la « lutte des classes » se déroule au niveau européen, en même temps qu’au niveau national » .

Malgré tout, il se peut que la situation évolue. Ainsi il est possible que ces mêmes partis modifient leurs positions après avoir pu observer le travail et l’évolution du PGE. Thomas Raeck s’exprime sur ce sujet par ces mots : « Les partis qui rejettent actuellement le PGE ont besoin d’un temps de réflexion et d’observation sur le bon fonctionnement du PGE et sur sa collaboration au niveau interne. Jusqu’à un certain point il y a aussi des positions politiques différentes qui vont continuer d’exister, comme par exemple le rejet des Nordiques ou autres de l’UE, la compréhension commune des partis socialistes réformés ou des partis communistes, mais ces derniers éléments sont plus idéologiques, et je crois que ce sont plus les positions communes concernant les questions les plus vitales sur la vie des gens qui devraient dominer » . Ainsi, on constate que l’expérience des partis en ce qui concerne leur collaboration au niveau interne du Parti de la Gauche Européenne sera un facteur déterminant quant à l’adhésion future d’autres partis. Néanmoins, les positions idéologiques de ces partis restent un facteur très important à ce niveau.

En comparaison avec la formation des autres fédérations européennes de partis, on peut observer que le déterminant pro-integrationniste par rapport à l’adhésion des partis est de poids. En effet, on peut observer qu’il est un facteur déterminant dans l’adhésion des partis au Parti de la Gauche Europeenne. Tandis que l’existance d’une possibilite de collaboartion large dans la representation des partis formant un Groupe au PE avait permit un regroupement de partis communistes et ex-communistes sous l’égide du Groupe GUE/NGL après la chute de l’URSS, les partis initiateurs de la formation du PGE ont établit une norme supplémentaire d’adhésion idéologique et tactique au niveau de leur position concernant l’approfondissement de l’intégration européenne. Phénomène qui, en se voulant progressite, se delaisse d’une part importante des partis qui partagent le même dessein anti-capitaliste.

2. Le programme politique du Parti de la Gauche Européenne.

Tout d’abord, il est nécessaire de déterminer les positions idéologiques que le Parti de la Gauche Européenne propose de défendre pour ensuite analyser de quelles manières celui-ci y répond.

Le parti de la Gauche Européenne se base sur les traditions du mouvement socialiste, communiste et ouvrier, du féminisme et du mouvement pour l’égalité des sexes, du mouvement pour l’environnement et le développement durable, de la paix et de la solidarité internationale, des droits de l’homme, de l’humanisme et de l’antifascisme, de la pensée progressiste et libérale, tant au plan national, qu’international. Il veut défendre l’héritage commun de ces luttes émancipatrices, percevant celui-ci comme constituant la richesse et la particularité de l’évolution de la construction politique et sociale de l’Europe. Néanmoins, il condamne fermement les pratiques du Stalinisme : « Nous le faisons dans la contestation sans réserve des pratiques non démocratiques et des crimes du stalinisme, qui furent en contradiction absolue avec les idéaux socialiste et communiste. » .

Dans le Manifeste, le PGE déclare : « Des intérêts divers sont en conflit dans l’UE. Pour nous, cela crée un nouvel espace politique pour la lutte des classes et pour la défense des intérêts des travailleurs et de la démocratie, y compris au sein de la société européenne avec ses organisations et institutions dont le Parlement Européen. » .

La réalité de crise de la conjoncture actuelle à laquelle il faut répondre est ici définie comme le résultat du capitalisme et du déficit démocratique des institutions de L’Union Européenne. « En Europe, dans chacun de nos pays, les gens souffrent des politiques du capitalisme mondialisé mises en oeuvre par des gouvernements dans l’intérêt du grand capital et des lobbies, qui sapent les solidarités et des acquis sociaux conquis de haute lutte. C’est l’attaque générale contre les systèmes de retraite, le démantèlement et la privatisation de la protection sociale, la soumission des services publics et de secteurs aussi essentiels que la santé, l’éducation, l’agriculture, la culture et les biens communs comme l’eau et d’autres ressources naturelles aux règles du marché, la précarisation et la déréglementation du marché du travail. C’est une accentuation de la répression antisyndicale et une politique de criminalisation de l’immigration. » Et de rajouter, « Enfin, ce qui est au cœur de la crise de l’Union Européenne, c’est la démocratie. » .

Le Parti de la Gauche Européenne veut proposer des alternatives à ce modèle de développement : « Nous voulons établir une politique de gauche avec un projet politique à long terme, indépendant et maîtrisé, contribuant à la réalisation de la solidarité et de la démocratie, d’alternatives sociales et écologiques. » . Le sujet politique qu’il représente doit s’insérer dans le creux de la construction européenne et de ses institutions, car ses supporters perçoivent l’UE comme un agent potentiel de changement social et politique, ainsi que de régénération de la gauche en Europe. « Pour nous, l’Europe est, en matière de politique internationale, un espace de renaissance des luttes pour une autre société » . En effet, comme nous l’avons expliqué auparavant dans ce travail, le PGE représente la volonté de ces partis « transformateurs » à caractère profondément réformiste qui voient dans l’Union Européenne un terrain fertile pour la lutte des classes, et dans la réforme interne de ses institutions une voie plus démocratique. Ils défendent en général des thèses pour plus d’intégration européenne, parfois dans la direction d’une fédération politique.

Ils voient dans le développement d’institutions politiques fortes, c’est à dire un Parlement Européen capable de légiférer et élire la Commission Européenne par exemple, la clé permettant de fournir à l’UE ce dont elle a besoin, et ce qui lui manque, pour contrer les corporations multinationales et élargir l’« espace démocratique ». Ainsi ils déclarent : « Nous voulons agir pour que les institutions élues, le Parlement européen et les Parlements nationaux, ainsi que les comités représentatifs (Comité économique et social et Comité des régions) aient plus de pouvoir d’action et de contrôle » , et aussi, « Nous donnerons un rôle accru au Comité des régions et au Comité économique et social en tant qu’organes institutionnels essentiels à la politique démocratique et régionale de l’UE. Elles doivent prendre part au processus de décision dans les institutions européennes. » . Dans le but d’élargir complètement l’espace démocratique, le PGE s’engage aussi à renforcer la participation citoyenne et sa représentation dans les processus décisionnels de l’UE : « Nous nous efforcerons sans cesse d’élargir l’action, la participation et le contrôle des citoyens à tous les niveaux et à toutes les étapes de la construction de l’Europe. » .

La base populaire de ces demandes est justifiée par l’émergence croissante des manifestations du mouvement alter mondialiste qui s’élève de manière plurielle et grandissante contre les méfaits engendrés par la globalisation néoliberale. Ainsi, Fausto Bertinotti, Président actuel du PGE faisait cette observation lors de son discours à Rome lors de la création du Parti de la Gauche Européenne : « Nous avons découvert la possibilité de construire un mouvement pour la paix sans précédents dans le monde, capable de porter 110 millions de personnes dans une même journée dans les différentes places et rues du monde et de se faire définir par le *New York Times* "La deuxième puissance mondiale". » .

Et il ajoute « Nous voyons la portée mondiale du “mouvement alter mondialiste”, ses échanges grandissants, sa coopération mutuelle ainsi que son influence dans et sur les mouvements sociaux, qu’ils soient des travailleurs, féministe, écologiste et démocratique ; en termes d’une nouvelle participation au combat pour le changement. » . Pour conclure sur l’affirmation que ce courant est le lit de la refondation et rénovation de la gauche au sein du PGE. « Le mouvement et les mouvements marquent donc la ligne de partage à l’intérieur de laquelle nous pouvons placer notre renaissance, la renaissance d’une histoire politique. » .

Ainsi il explique et justifie la nécessite de créer un parti politique qui possède une structure organisationnelle ouverte, capable de représenter les différents objets de ces luttes et de travailler à l’élaboration de réponses communes directement liées aux demandes de la population. Nous étudierons de quelle manière ces structures sont développées au sein du PGE dans le chapitre suivant.

3. Organisation interne.

La création d’un parti au niveau européen est conditionnée par les exigences strictes du Parlement Européen ; tant au niveau administratif que politique. Afin d’obtenir le financement du Parlement Européen, le PGE a dû remplir les pré réquisits mentionnés dans le Règlement relatif au statut et financement des partis politiques au niveau européen. Celui-ci mentionne que le parti demandeur doit fournir les documents attestant qu’il remplit les conditions suivantes : avoir la personnalité juridique dans l’Etat membre où il a son siège ; être représenté, dans au moins un tiers des états membres, par des membres du Parlement européen ou dans les parlements nationaux ou régionaux ou dans les assemblées régionales, ou avoir réuni, dans au moins un quart des Etats membres, au moins trois pour cent des votes exprimés dans chacun de ces Etats membres lors des dernières élections au Parlement européen ; respecter, notamment dans son programme et par son action, les principes sur lesquels l’Union européenne est fondée, à savoir les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’Etat de droit ; avoir participé aux élections du Parlement européen ou en avoir exprimé l’intention (art. 3) . En outre, celui-ci doit fournir un programme politique qui expose les objectifs du parti politique au niveau européen (manifeste), et un statut définissant en particulier les organismes responsables de la gestion politique et financière (art. 4) . Tous les documents nécessaires ayant été fournis, et avec le support de 14 députés membres du Groupe parlementaire GUE/NGL , le PGE fut attribué un montant de 280.366 euros par le Parlement européen. Les 75% de ce budget provenant du PE et les 25% restants devant être versés par les partis membres.

Du point de vue organisationnel, le PGE a décidé de se doter des structures traditionnelles à tous les partis européens ; un Secrétariat de permanents à Bruxelles, un Comité Exécutif composé de deux représentants de chaque parti membre, un Président, le Congrès, la Réunion des leaders. La grande différence ajoutée ici au PGE est son incorporation de ‘groupes de travail’ transversaux qui sont en relation avec la société civile, les mouvements, et individus intéressés. C’est pour cela que le PGE se surnomme « Un parti de réseaux » . Cette structure particulière reflète la décision du PGE d’ouvrir la politique aux citoyens, et de travailler en parallèle avec les mouvements sociaux pour porter leurs demandes.

Nous ferons ici l’analyse de la structure et du fonctionnement du PGE en commençant par l’étude du rôle attribué à chaque organe du parti. Comme mentionné précédemment, le Parti de la Gauche Européenne comporte les organes suivants : le Congrès, le Conseil des Présidents, et le Bureau Exécutif et le Secrétariat .

1) Le Congrès

Le Congrès est composé de 12 délégués de chaque parti membre. La clé de répartition du nombre de délégués est fixée par chaque Congrès pour le Congrès suivant. Les délégués sont élus par leurs partis. Tous les autres participants sont observateurs sans droit de vote. Il s’agit des représentants des partis ou organisations observateurs, membres du Bureau Exécutif non délégués, invités, y compris les membres des Groupes Parlementaires des partis de Gauche au Parlement Européen, dans les Parlements Nationaux ou dans d’autres organes ou réseaux européens. D’autre part, le Bureau Exécutif est habilité à inviter au Congrès des représentants d’autres partis ou organisations.

Le Congrès approuve et adopte les documents fondamentaux et les statuts, il ratifie l’admission des partis ou organisations politiques candidats, élit le président et le vice-président de la GE sur la base de la proposition du Conseil des Présidents en respectant le principe de rotation. Le Congrès établit le plan d’action en accord avec le Conseil des Président-e-s ; décide des déclarations politiques de la GE et des recommandations au Bureau Exécutif ; élabore les orientations communes pour les élections au Parlement Européen ; commente le rapport d’activité relatif à la période écoulée ainsi que le programme des travaux à venir présenté par le Bureau Exécutif ; propose des discussions sur et/ou dans les partis ou organisations politiques membres à propos des développements politiques ou sur des questions spécifiques. Les modifications des statuts et du Manifeste sont décidées par le Congrès après débat approfondi sur le sujet au sein de chaque parti membre.

Le Congrès tient au moins une session tous les deux ans calendaires. Il est convoqué par le Bureau Exécutif, qui peut également décider de la convocation d’un Congrès extraordinaire. Une réunion du Congrès doit se tenir au moins six mois avant les élections suivantes du Parlement Européen. Le Congrès se réunit en alternance dans différents états membres de l’Union Européenne ou dans des pays où existent des partis ou organisations politiques membres.

2) Le Conseil des Présidents

Le Conseil des Président-e-s se réuni au moins deux fois par an. Les membres sont les Président-e-s de tous les partis membres, le/la Président-e GE. Le Conseil des Président-e-s peut inviter d’autres représentants des organes de la GE ou de partis ou organisations politiques membres de la GE à participer à une réunion. Le Conseil des Président-e-s a un droit d’audience, d’initiative et d’objection dans les dossiers politiques d’importance quant au Bureau Exécutif, il adopte des résolutions et recommandations qui sont transmises au Bureau Exécutif et au Congrès, il décide des demandes d’adhésion à la GE.

3) Le Bureau Exécutif

Le Bureau Exécutif est composé de : le/la président(e) et le/la vice-président(e), le trésorier, des autres Membres élus par le Congrès sur la base d’une clé de répartition de deux personnes de chaque parti membre à parité de genre, le Chef du Secrétariat (sans droit de vote). Les réunions du Bureau Exécutif ont lieu au moins quatre fois par an. La convocation d’une réunion du Bureau Exécutif peut également être demandée par un parti ou organisation politique membre.

Le Bureau Exécutif met en œuvre les décisions sur la base et les orientations du Congrès et en accord avec le Conseil des Président(e)s. Il détermine les orientations politiques de la GE entre les Congrès. Il propose, planifie et convoque les initiatives politiques, pour la GE, convoque les conférences ou rencontres thématiques. Il crée des groupes de travail ad hoc ou permanents, dont les responsables sont choisis et les tâches définies par le Bureau. Le Bureau Exécutif convoque le Congrès, fixe les propositions d’emploi du temps et de lieu de réunion, propose le règlement intérieur et l’ordre du jour. Le Bureau Exécutif est également autorisé à désigner des groupes de travail sur des dossiers et questions politiques spécifiques en conformité avec le plan d’action établi par le Congrès en accord avec le Conseil des Président-e-s.

4) Le Président

Le/la Président-e est élu-e par le Congrès. Un candidat à la Présidence de la GE est présenté par le Conseil des Président-e-s jusqu’au Congrès suivant inclus. Les candidatures devront suivre le principe de rotation. Sur proposition du Conseil des présidents, le Congrès élit un(e) vice-président(e) sur la base d’un quota de genre.
Le/la Président-e doit accomplir les tâches suivantes avec l’aide du Secrétariat : gérer les affaires courantes et préparer les réunions du Bureau Exécutif, entretenir des relations avec l’ensemble des premiers responsables des partis membres, développer des relations avec tous les partis observateurs, exécuter les décisions et les ordonnances respectives du Bureau Exécutif, entretenir les contacts de la GE avec les groupes parlementaires dans lesquels il y aurait des députés des partis de gauche au sein du PE et dans d’autres institutions européennes / internationales, représenter la GE dans les contacts avec les représentants des organisations et institutions, y compris les autorités de l’UE, les syndicats, organisations non gouvernementales et associations. Le vice-président(e) aide le président(e) dans l’accomplissement de ses fonctions.

5) Le Secrétariat

Le Secrétariat met à exécution des décisions des organes de la GE. C’est un comité auxiliaire dirigé par le/la Président-e. Le Bureau Exécutif a la responsabilité de sa composition et de sa fonction, y compris du financement et du personnel. En particulier, il a la responsabilité d’assister le/la Président-e, préparer et organiser les réunions, entretenir les contacts avec les partis et institutions membres, entretenir les relations avec les médias, organiser les archives, assurer la transparence de tous les travaux politiques. Dans la pratique, le secrétariat s’occupe de transmettre les informations entre les Présidents et les membres du comite exécutif aussi bien qu’entre les coordinateurs des groupes de travail et le corps de gestion du PGE. Le secrétariat publie un calendrier politique avec les dates des réunions du PGE. Dans le futur, il devrait également publier un bulletin mensuel pour les ONG, pour les observateurs et d’autres partis ou organisations.

Il est un acteur central en ce qui concerne la communication interne du parti entre ses différents organes, mais aussi avec les differents acteurs de la scène politique. On peut dénombrer ici six taches de collaboration. Au niveau interne, il y a la communication entre les Membres du conseil de management du PGE (Comite Exécutif, Conseil des Présidents), la communication avec les partis membres, et la communication entre les groupes de travail et les structures des partis membres. Au niveau externe, figurent la communication entre Comite Exécutif du PGE et le groupe GUE/NGL au Parlement Européen, la communication avec les ONG (organisations non gouvernementales) et le public européen, et la communication avec d’autres partis de gauche (non limités a l’Europe). Cette communication véritable se fonde également sur la transparence et l’utilisation des outils internet. Le PGE insiste sur ce fait dans ses statuts comme l’indique cette affirmation : « La présence sur le web véritable et actualisée est la condition la plus importante pour la transparence du PGE. Tous les documents, les résolutions et les protocoles doivent être publiés de cette façon. »

Observations générales

La grande différence ajoutée ici au PGE dans sa structure organisationnelle est son incorporation de ‘groupes de travail’ transversaux qui sont en relation avec la société civile, les mouvements, et individus intéressés. C’est pour cela que le PGE se surnomme « Un parti de réseaux ». Cette structure particulière reflète la décision du PGE d’ouvrir la politique aux citoyens, et de travailler en parallèle avec les mouvements sociaux pour porter leurs demandes. On peut lire sur le site Internet du PGE : « Le Parti de la Gauche Européenne est ouvert à chacun, qui est intéressé par l’action de Gauche. Nous avons donc ouvert nos structures et sommes devenus une organisation de réseaux » .

Il y a six ‘Groupes de Travail’ qui ont été établis et qui travaillent de manière transversale en collaboration avec divers mouvements. Ceux-ci sont : le ‘groupe de travail sur la politique économique’, le ‘réseau d’activistes sur la politique locale’, le ‘réseau régional des Pays Baltes’, le ‘réseau des homosexuels, lesbiennes, bi & transsexuels activistes de gauche, et le ‘réseau des Femmes’. Les groupes de travail s’organisent par exemple par mailing-lists. Chaque Groupe de travail doit avoir un membre dans le Comité exécutif, qui prend la responsabilité de leur problématique particulière .

Leur mode de fonctionnement varie, mais on accorde une importance particulière à ce que les différents pays soient représentés, car comme il l’est mentionné dans les statuts : « Etant une association pluraliste, les procédures de la GE doivent être choisies de façon à garantir les droits de sensibilités différentes. »

Dans cette même optique, le PGE s’efforce de coopérer avec les Groupes Parlementaires de la Gauche dans d’autres organes et réseaux européens (GUE/NGL). Elle se propose également d’établir des formes de coopération avec les organisations de jeunesse de la Gauche Européenne représentant des organisations nationales ou régionales aussi bien que des structures européennes et d’autres réseaux internationaux (ENDYL).

4. Travail politique effectué par le PGE.

Le travail politique effectué en 2004 par le PGE remplit principalement le programme initial défini dans la Description du Programme de Travail qui avait été remise au Parlement Européen lors de la demande de financement pour l’année 2004 .

Le rapport de l’année peut être séparé en quatre parties : premièrement, le travail qui fut destiné à l’approfondissement de la coordination des partis membres ; deuxièmement, l’activité centrée sur la préparation de programmes et d’alternatives politiques ; troisièmement, nous évaluerons les activités politiques au sein de la société européenne, et quatrièmement, nous analyserons les autres activités politiques du PGE .

a) Activités de coordination des partis membres du PGE.

On peut observer que l’activité de coordination des partis membres a été difficile vu l’inexpérience des participants dans ce domaine. En effet, comme le mentionne Pedro Marset, membre du Comite exécutif, et ex-eurodéputé au groupe GUE/NGL « Il existait déjà une expérience de travail commun au sein du Groupe parlementaire du GUE/NGL, mais cette expérience était plutôt de nature confédérale, sans l’adoption de lignes d’action politique communes aux problématiques européennes. C’est pour cette raison que s’est fait rapidement sentir la nécessité d’arriver à une unité et à une coordination croissante, surtout en ce qui concerne le Manifeste et les Statuts » . Ainsi, plusieurs réunions du Comite Exécutif furent organisées, des réunions bilatérales entre le PGE et les présidents de ses partis membres, et des réunions de coordination des partis membres aux différents niveaux politiques (européen, national, régional, municipal) avec le PGE.

Il y eut 6 réunions du Comite Exécutif, sur base d’une réunion tous les deux mois. En 2004, il y eut trois réunions ; une en juillet (2-3) à Berlin, une en septembre (11-12) à Bruxelles, et une en novembre (7) à Paris. En 2005, il y en eut encore trois autres : à Berlin en janvier (9-10), à Bruxelles en mars (11-12), et à Rome en juin (4-5). Ces réunions se déroulèrent en anglais (avec l’assistance de traducteurs professionnels).

La procédure de travail était la suivante : sur proposition du Comite Exécutif étaient présentées par le secrétariat les diverses propositions des partis membres concernant les questions d’actualité au niveau européen. Comme le dit Pedro Marset, trésorier du PGE et membre du PCE du Comite Exécutif : « L’action programmatique se décide à partir de l’analyse politique de la réalité sociale européenne et de son programme et calendrier politique, c’est ce qui détermine quels vont être les objectifs prioritaires du PGE. Un exemple a été le Traité de Constitution pour l’Europe, tant en ce qui concerne les réponses de la population que les alternatives à proposer à celle-ci. Il y a aussi des thèmes obligés, tels que les syndicats, les travailleurs, les salariés, les services publics, l’égalité des femmes, le respect de l’environnement, le combat pour la paix et le refus de la guerre, etc. » . Les décisions se prirent au consensus, et d’aucune manière le PGE ne se mit dans une position où il imposerait ses décisions aux partis membres. D’ailleurs, Dominic Heilig, membre du secrétariat du PGE, précise que : « le PGE est une sorte d’organisation fédérale transnationale, elle ne fut pas créée sur base de clivages comme l’ont été les partis nationaux.

Le PGE est un acteur indépendant qui est légitime par ses partis membres. Il doit donc essayer de bien se positionner quand il prend des décisions. Il pourrait, en tant qu’acteur indépendant, imposer des décisions sur ses partis membres, mais il ne le fait pas car ses partis membres doivent avoir la garantie qu’ils sont libres de décider pour continuer le travail de coopération. Chaque parti national évolue dans son contexte national et surtout de manière propre, ce n’est pas au PGE de lui imposer quoi que ce soit. » . Il n’y a par conséquent aucun transfert de souveraineté de la part des partis membres envers le PGE. En effet, Pedro Marset précise : « Chaque parti fait ce qu’il veut dans son propre pays. Seulement en ce qui concerne les politiques européennes, globales, il y a-t-il discussion et accord par « consensus » de l’attitude et la conduite à adopter » .

On observe que la culture politique au sein du PGE à l’heure actuelle est très consensuelle, comme le précise Dominic Heilig, membre du Secrétariat : « Pour l’instant, il n’y a pas encore eu de grands débats ou de critiques fortes provenant d’un parti en particulier, car nous sommes encore dans une étape de consolidation. Les différents partis sont contents de se retrouver ensemble et entretiennent un climat amical et une action tournée vers le consensus » . Concernant l’influence des partis membres, du point vue du fonctionnement et de la théorie, tous les partis ont la même importance et le même droit à ce que leurs opinions soient prises en compte. Cependant, il existe une différence entre la théorie et la pratique, car comme le mentionne Pedro Marset, « on ne peut pas cacher qu’au sein du PGE on écoute avec plus d’intérêt les partis qui ont plus de poids et de représentation démocratique populaire (plus de conseillers, de parlementaires et d’europarlementaires) » . Malgré cela, il précise qu’il n’y a pas de compétition entre les partis, car le plus important à ce stade du développement du PGE est de profiter de chaque apport fait par les partis membres ; « On ne peut pas dire qu’il y ait compétition, sinon maturité et profondeur dans les apports. A ce moment-ci de notre développement, les apports d’idées et de propositions qui aident au développement du PGE sont de plus grand intérêt. » . La majorité des décisions politiques adoptées à ces réunions ainsi que l’agenda de ces réunions sont publiées et disponibles via internet.

Le même travail de dialogue et de coordination entre les partis membres s’est prolongé au cours de diverses réunions. On peut mentionner les réunions bilatérales qui eurent lieu entre le Président du PGE, Fausto Bertinotti, et des représentants nationaux de divers partis membres et observateurs. En novembre 2004, il y eut à Prague une réunion bilatérale avec le Président du Parti Communiste Tchèque, Miroslav Grebenicek, et d’autres représentants de pouvoir du parti. En décembre 2004, eut lieu une réunion similaire à Vienne avec le Parti Communiste Autrichien, ainsi qu’à Budapest avec G. Thürmer, Président du Parti Hongrois des Travailleurs. D’autres initiatives sont programmées pour 2005.

Il y eut également une réunion très importante pour la coordination des partis membres du PGE, où, pour la première fois, se sont rencontrés les représentants des différents niveaux ; européen, national, régional et municipal des partis membres du PGE. C’est la réunion surnommée “ParlaCon 05”. Elle se déroula en Allemagne à Potsdam les 18, 19,20 mars 2005. Il y fut établi un groupe de travail permanent spécialement consacré à cette thématique, c’est le groupe de travail dénommé ‘Le réseau d’activistes sur la politique locale’ car « Malgré les différences de lois nationales, des régions et des municipalités - les autorités locales - obtiennent de plus en plus les tâches - et ont plus de fonctions et de devoirs d’aborder des questions sociales dans l’UE » .

En guise de conclusion à ce chapitre, il nous est possible d’affirmer que le PGE remplit la fonction de socialisation politique européenne en favorisant les contacts, les échanges informels, la transmission d’expériences mutuelles. De la sorte, il engendre une certaine européanisation de l’appareil des partis en créant un noyau d’experts européens. Ils facilitent également l’intégration aux travaux communautaires de pays candidats ou non à l’adhésion en associant à leur fonctionnement une série de partis extra communautaires. Les statuts d’observateurs ou de membres associés jouent à cet effet le rôle d’antichambre .

Il répond aussi de cette manière au paradigme de l’école néo-fonctionnaliste qui argumente que l’intégration européenne et celle des partis politiques relève de la compétition entre les partis nationaux. Les partis politiques sont les seules institutions capables de relier la compétition entre les élites au niveau national et le niveau européen, et de faciliter le processus par lequel les acteurs politiques dans les cadres distincts nationaux sont persuadés de tourner leurs loyautés, leurs attentes et leurs activités vers un nouveau centre. De là, les partis européens émergent comme le résultat d’une politique de « spill-over » [débordement] .

Aussi, l’observation des travaux et réunions organisées au sein du PGE nous permet de vérifier la thèse de Magnus Johansson selon laquelle le processus dans lequel les élites politiques s’influencent réciproquement de par la socialisation et l’apprentissage entraîne la possibilité éventuelle de redéfinir leurs intérêts et préférences. Ce postulat qui suggère que les intérêts et les préférences, d’origine interne et non externe, ont un impact transformateur sur la formation identitaire, et que les partis politiques peuvent donc engendrer la transformation . Pedro Marset déclare : « Il est évident que le fait d’avoir de multiples réunions du Comité Exécutif du PGE favorise un rapprochement des points de vue et positions lors de l’adoption des objectifs et stratégies » . Il convient toutefois de recadrer cette influence au seul niveau des problématiques européennes, car ce phénomène ne pourrait influencer les élites politiques au niveau national « seulement en ce qui concerne les thèmes communs qui ont les deux dimensions, la nationale et l’européenne. Par exemple la question des referendums dans chaque pays sur la Constitution Européenne » .

b) Activités de production et de préparation de programmes alternatifs concernant les questions de politique européenne.

Dès le début, le PGE était conscient qu’il fallait élaborer des propositions et des alternatives concrètes aux problèmes de la société d’aujourd’hui. Pour ce faire, il constitua des réseaux de partis membres prenant en charge de différentes questions concrètes : l’emploi, la paix, l’économie, la jeunesse, les femmes, les services publics, les pays de l’Est, etc. Pour ces séminaires il était nécessaire d’avoir une participation égalitaire de la part des différents partis membres.

Il y eut d’importantes réunions de production collective pour l’élaboration d’une proposition pour une Constitution Européenne alternative. Par exemple les réunions appelées « European developments » de Rome (octobre 2005) et de Madrid (novembre 2005). Lors de ces réunions fut développé un travail de production d’alternatives pour une autre Europe plus juste, démocratique, soutenable, et de paix. Ainsi, il fut déclaré que : « Nos évaluations à propos de la Constitution Européenne élaborée par la Convention étaient négatives, dans le sens où elle empirait la situation des populations européennes, d’où le besoin de présenter le NON au projet de Traite de Constitution Européenne aux différents referendums successifs, mais aussi de démontrer qu’il existe une possibilité d’établir une autre Constitution Européenne qui soit sensible aux valeurs européennes de solidarité, de paix, de la défense de la démocratie et des droits de l’homme. » .

Dès lors, le PGE participa activement dans les campagnes des différents pays concernant les referendums à propos du Traité établissant la Constitution Européenne. Il y eut une réunion entre représentants du PGE et des partis membres espagnols (PCE, IU, EUA) à Barcelone en novembre 2004 pour organiser en Espagne la campagne du NON au TCE. Il y eut également de nombreuses réunions entre le PGE et les représentants du PCF entre mars et mai 2005 pour organiser la campagne du NON en France.
Les réunions de Paris du 22 et 23 décembre présentèrent également la même orientation, dans l’objectif de préparer une alternative aux questions du modèle économique et du monde du travail.

On peut observer que le PGE travaille activement à la production d’alternatives concrètes, non seulement par un travail d’articulation et d’intégration entre ses différents partis membres, mais aussi en collaboration avec la société civile à travers les réseaux des ses ‘groupes de travail’. Cette action est relayée par ses actions politiques au sein de la société européenne.

c) Activités politiques au sein de la société européenne.

L’objectif de tout le travail politique précédemment détaillé est évidemment de rentrer en contact avec la population, et de faire connaître le programme et les propositions du PGE. Car, comme il a déjà été établi, les élections du Parlement Européen ont échoué à mobiliser un haut pourcentage d’électeurs, celles-ci accusant un caractère d’ « élection de deuxième ordre », ceci malgré le développement de l’institutionnalisation des partis européens. Donc la volonté d’accroître la participation politique des masses dans le travail politique des partis européens devient une priorité. Ainsi, Pedro Marset déclare : « Il est clair que notre intérêt est de démontrer que depuis que le PGE existe, il y a plus d’intérêt à participer aux élections et de nous élire puisqu’il y a un instrument commun dans toute l’UE, le PGE avec ses alternatives sur tout ce qui se passe en Europe. De cette manière nous pensons que la participation de la partie de la population qui nous est le plus favorable pourrait augmenter » .
Dans ce but, le PGE participa activement à plusieurs rencontres et activités politiques. Par exemple, il fut représenté par une délégation aux festivals et congrès de ces partis membres et de leurs journaux respectifs, tels que celui du PCF et de « L’Humanité » (Paris, 8-10 septembre 2004), du PCE et de « Mundo Obrero » (Madrid, 17-19 septembre 2004), de Synaspismos (Athènes, 3-4 octobre 2004), et du PRC (Rome). De la même manière, le PGE fut présent aux réunions du New European Left Forum (NELF), le plus important rassemblement bi-annuel des partis de la Gauche en Europe ; celle de décembre 2004 à Rome, et de juin 2005 à Stockholm.
A d’autres occasions, l’objectif du PGE fut de faire connaître ses points de vue lors de différents forums, lors du Forum Social Européen (FSE) de Londres les 15,16, 17 octobre 2004, en participant aux séminaires organisés concernant des thèmes tels que ‘la justice sociale et la solidarité’, et en informant le public à propos de l’existence du PGE, à l’aide d’affiches et de banderoles et de drapeaux portés par les militants des partis membres du PGE lors de la grande manifestation de clôture du Forum Social Européen. Le PGE participa également au Forum Social Euro - Méditerranéen de Barcelone en juin 2005, ainsi qu’au 6ème Forum Social Mondial de Porto Alegre en janvier 2005 et au Forum social de Sao-Paulo en juillet 2005.

Le PGE fut aussi présent lors de la grande manifestation de Bruxelles le 19 mars 2005, intitulée « Pour une Europe de Paix et de Solidarité », dont un des thèmes principaux était la contestation de la Directive des Services ‘Bolkestein’ dirigée à la privatisation des services publics. Ainsi qu’à la réunion du 18 mars co-organisée par le groupe GUE/NGL et ATTAC au Parlement Européen sur les mêmes thèmes. Une autre activité interne qui devint ensuite aussi externe et sociale fut la préparation d’alternatives à la Constitution Européenne avec un débat large et ouvert sur les questions de la guerre et de la paix. Il y eut à cette fin, une initiative pour imprimer un grand nombre de brochures et tracts reprenant les positions du PGE dans le but d’informer un maximum la population.

Par ces actions, le Parti de la Gauche Europeenne remplit une fonction de communication et d’éducation politique. Il remplit le rôle principal dont il est doté par le PE, il « contribue à la formation d’une conscience politique européenne ».

e) Autres activités du PGE.

Parmi les autres activités qui ont eut lieu au cours de cette première année, il faut mentionner le développement des différents groupes de travail, et tout particulièrement celui consacré aux femmes, appelé ‘EL Fem’, qui organisa de nombreuses réunions (Rome 17-19 novembre 2004, Paris avril 2005, Berlin juin 2005) où furent développées des structures (création de ses propres listes de groupe e-mail, établissement des procédures de discussion, réunions avec d’autres mouvements d’activistes, etc.). Sous le thème « Femmes - Mouvements - Pouvoir. Patriarcat et Pouvoir », il y a eu une réunion du groupe EL Fem à Berlin où fut adoptée une motion qui sera proposée à l’assemblée des femmes du Premier Congrès du Parti de la Gauche Européenne le 7 Octobre à Athènes. Dans cette plénière et dans le Congrès du parti qui suivra, placé sous le titre Quelle Europe voulons-nous ?, El-fem voudrait introduire les initiatives suivantes : un manifeste féminin sur la stratégie de féministes marxistes en Europe et dans le Parti de Gauche Européenne ; une motion appelée éléments d’une Europe féminine, qui doit être intégrée dans la motion générale du parti au Congrès ; une motion sur le statut, qui inscrira l’aspiration de la Gauche Européenne à être un parti féministe dans tous les articles importants de ses statuts et mettra dans le préambule : « EL-fem est un sujet politique féministe, qui travaille au sein de la Gauche Européenne et s’organise d’une façon autonome et horizontale. EL-fem construit des relations avec des mouvements féministes, avec des réseaux et des organisations et des associations de femmes et toutes les femmes, qui luttent pour les droits des femmes et pour la paix. »

Un autre groupe de travail qui se développa au cours de cette année est le ‘Groupe de travail sur l’économie ‘ qui réfléchit plus particulièrement aux alternatives possibles quant au modèle économique et au monde du travail. Ce groupe se rencontra à Paris en décembre 2004, et établit des propositions pour le Sommet Européen de mars 2004. Les premiers projets sont : à l’occasion du sommet européen de Bruxelles de mars 20/21, la publication du papier de discussion/ propositions du PGE quant à une réforme du Pacte de Stabilité de l’UE en rapport avec une réorientation définie du rôle de la Banque Centrale Européenne et dirigée vers l’introduction de nouveaux critères de développement économique, en particulier de plein emploi et de ’Sécurité sociale’ ; de commencer ensemble un processus de discussion jusqu’à juin 2005 et adopter comme premier pas une déclaration commune sur la délocalisation, et une conférence sur les questions de l’emploi. Egalement, fut initié le ‘Groupe de travail des politiciens des métropoles’, qui se rencontra à Rome en février 2005. Il fut aussi établi qu’il était nécessaire de créer un ‘Groupe de travail de préparation pour les thèses du 1er Congrès du PGE’, qui aura lieu en octobre 2005 à Athènes.

IV. Les fonctions du Parti de la Gauche Européenne :

Nous avons présenté en première partie les différentes approche de théorisation des partis politiques européens qui déterminent leur rôle et aussi leurs fonctions. A présent nous nous proposons de confronter ces postulats théoriques avec la réalité du Parti de la Gauche Européenne.

Nous travaillerons méthodiquement sur base des différentes fonctions attribuées aux partis européens par Simon Hix. Celles-ci étant diagnostiquées comme : l’articulation des intérêts et l’agrégation, la communication politique, la participation politique, le recrutement politique et la gouvernance .

1. « L’articulation des intérêts et l’agrégation » :

Nous avions diagnostiqué plus haut que les alliances de classe au niveau européen étaient valables pour soutenir le clivage gauche-droite, mais pas en ce qui concernait le clivage pro ou anti-intégration. Ce postulat théorique envisageait que ce dilemme pourrait présenter des problèmes conséquents d’instabilité partisane pour les partis européens, ceux-ci devant s’organiser pour qu’il n’y ait pas de compétition de partis dans cette dimension politique. Ainsi certains partis pouvaient choisir de refuser de se différencier par rapport aux autres partis sur cette dimension par des positions identitaires nationalistes, ou bien les partis pouvaient choisir de refuser d’aborder les questions de l’intégration européenne pendant la compétition électorale . En considérant les positions défendues par le Parti de la Gauche Européenne, nous pouvons établir qu’il a choisi de défendre les positions de la gauche mais en choisissant de n’englober que la partie pro-intégrationniste de celle-ci. Dès lors, si on observe et se réfère au graphique, il résulte qu’il ne comprendra plus que l’articulation des intérêts des ‘professionals/ white collar employees/ students’, qui représente la classe moyenne . Par ce choix stratégique, le PGE ne porte plus les intérêts de la classe ‘skilled workers/ manual workers/ unemployed’, qui ont plus tendance à se positionner dans une dimension anti-intégrationniste, et sont d’ailleurs toujours représentés par le Groupe GUE/NGL qui est de nature plus large et flexible dans sa composition, et qui ne reprend pas les thèmes pro et anti-intégration européenne, dans la détermination des ses membres. Par ailleurs, cette observation rejoint sans nul doute la volonté de transformation et de régénération de la gauche adoptée par le PGE. Celle-ci se distingue par une approche progressiste de la construction européenne via sa transformation de l’intérieur, et non pas par une opposition à celle-ci.

Car les mutations économiques, politiques et institutionnelles de notre époque ont posé des questions et des problèmes partiellement nouveaux pour la gauche européenne et l’ont obligé à envisager une réorganisation dans laquelle le niveau traditionnel, l’Etat-nation, est remis en cause . De plus, elle vise à répondre aux demandes plurielles de la société européenne, demandes qui sont incarnées dans l’émergence d’une grande diversité de mouvements sociaux que nous pouvons qualifier d’altermondialistes, dont la base sociologique large reflète les mutations sociologiques, économiques, sociétales, politiques et institutionnelles de notre époque. Celles-ci ont entraîné que les revendications de type qualitatif ont pris de plus en plus de valeur et de signification pour les nouvelles générations, surtout en matière de démocratie et de citoyenneté. C’est vis-à-vis de l’ensemble de ces mutations que la gauche dont nous parlons a voulu orienter sa transformation, et dès lors, il est inéluctable que le choix de sa base électorale se modifie également. On reprendra ici l’argument développé par Balandier qui soumet l’évolution de la gauche radicale aux conjonctures sociales. « Les « dynamiques du dehors » découlent directement du lien séminal et fondateur de leur légitimité, que les partis communistes tissent avec la lutte des classes, les conflits, les mouvements sociaux, qui les rend, plus que toute autre formation, tributaires des conjonctures sociales » .

Au niveau interne, nous pouvons vérifier la validité de la thèse de Magnus Johansson en affirmant que le travail de collaboration et de production de propositions communes effectuées lors des différentes réunions tenues au sein du PGE a engendré un processus où les élites politiques s’influencent réciproquement, en créant la possibilité de redéfinir leurs intérêts et préférences . Nous avons pu confirmer ce phénomène par l’existence d’un accord commun de tous partis membres du PGE à se positionner et à faire campagne pour le ‘NON’ au Traité de Constitution Européenne à la tenue des referendums dans leurs pays respectifs. Néanmoins, cette affirmation doit être limitée aux seules décisions concernant les thématiques européennes, étant donné l’autonomie des partis membres du PGE dans leur organisation nationale .

Les décisions se prennent au consensus, et en aucune manière le PGE ne se met dans une position où il imposerait des décisions aux partis membres. Les partis membres du PGE qui ne font pas encore partie de l’UE ont également pu profiter de ces expériences de travail de collaboration interne, et de la sorte, ont certainement pu mieux considérer leurs futures positions dans l’intégration européenne. Le PGE joue ainsi un rôle dans le processus d’intégration européen. On reprendra ici la thèse de Magnus Johansson selon laquelle les partis politiques sont les seules institutions capables de relier la compétition entre les élites au niveau national et le niveau européen, et de faciliter le processus par lequel les acteurs politiques dans les cadres distincts nationaux sont persuadés de tourner leurs loyautés, leurs attentes et leurs activités vers un nouveau centre. Cette critique constructive de l’inter-gouvernementalisme, tenant plus de l’idéalisme, suggère que les intérêts et les préférences, d’origine interne et non externe, ont un impact transformateur sur la formation identitaire, et que donc les partis politiques peuvent enclencher la transformation .

Les réseaux transnationaux de partis émergent comme le résultat d’une politique de « spill-over » [débordement] . On répond ici positivement à l’affirmation du Parlement Européen qui reconnaît l’importance des partis politiques européens « en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union » .

En conclusion, il nous est possible d’affirmer que le PGE remplit la fonction d’articulation des intérêts et l’agrégation. De plus, il engendre une certaine européanisation de l’appareil des partis en créant un noyau d’experts européens. Il facilite l’intégration aux travaux communautaires de pays candidats ou non à l’adhésion en associant à leur fonctionnement une série de partis extra communautaires . Le PGE joue un rôle important de cette manière à l’approfondissement de l’intégration européenne.

2. « La communication et l’éducation politique » :

Nous avons pu observer que, comme le montre le rapport des activités du Parti de la Gauche Européenne pour l’année 2004-2005, les actions en vue de conscientiser la population européenne ont été nombreuses.

Le PGE a participé à de nombreuses manifestations sociales et politiques où il a distribué des tracts à la population dans le but de se faire connaître, d’informer la population sur les enjeux européens et des positions défendues à ce sujet par le PGE. Par exemple, les membres de son comité exécutif ont participé aux séminaires de discussion organisés dans les forums sociaux.

En outre, le relais de représentation et de publicité du PGE au sein de ses partis membres est notoire. Ceux-ci affichent à coté de leur logos respectifs, le logo du PGE lors de différentes manifestations politiques, et ont inclut un lien direct à la page web du PGE sur leur site internet. Certains d’entre eux ont aussi publié les manifestes et statuts du PGE dans leur langue nationale pour le distribuer à leurs adhérents.

Aussi, la page web du PGE est-elle actualisée et fournit une information ample. Il décrypte l’actualité européenne et informe des actions menées par ses différents ‘groupes de travail’, mais aussi des actions de ces partis membres. Il explicite les positions politiques du PGE en fournissant les documents adoptés après chaque réunion. Il expose également les modalités d’organisation du parti, et invite les personnes intéressées à s’investir politiquement en collaborant à diverses activités de sensibilisation et d’échange d’idées.

La fonction de communication et d’éducation politique est menée de front par le PGE, car elle constitue un pilier important de son fonctionnement et de sa légitimité. Il remplit le rôle principal dont il est doté par le PE, il « contribue à la formation d’une conscience politique européenne ».

3. « La participation politique » :

Les postulats théoriques énoncés à ce sujet en première partie avançaient que, si la participation des grandes figures des partis domestiques dans le travail des partis européens s’était accrue, la participation au niveau des masses dans le travail des partis européens restait très limitée . Au niveau du PGE, la volonté d’ouvrir le débat politique aux public et aux masses est importante puisqu’elle constitue une base de son travail politique. Elle se traduit par la possibilité d’adhésion individuelle, la possibilité aux citoyens de participer aux groupes de travail et aux Congrès, et la forte présence du PGE lors des Forums sociaux et des manifestations européennes. Il est également prévu que sa page internet permette des débats par le développement d’une structure interactive de forums. Dans le futur un accroissement de la participation politique citoyenne est à envisager via l’action du PGE, autant de par ses membres que par la participation citoyenne aux prochaines élections européennes.

C’est aussi dans ce but que le PGE a été créé, pour accroître la représentativité non seulement de la population, mais aussi des partis membres qui le composent. Au niveau des élites, on peut observer un accroissement notoire de la participation des grandes figures des partis domestiques dans le travail du PGE, notamment au cours des réunions bilatérales avec les leaders des différents partis membres, que lors dès sommets des leaders.

4. « Le recrutement politique » :

Les partis européens ne sont pas directement responsables du recrutement des leaders politiques pour le pouvoir exécutif dans les institutions de l’UE, dans le sens de la fonction que remplissent les partis politiques nationaux pour leurs gouvernements respectifs. Néanmoins, les partis européens ne peuvent pas placer leurs leaders aux positions du pouvoir exécutif, mais ils peuvent influencer le processus en déterminant les nominations des commissaires . En ce qui concerne la fonction de recrutement politique, il n’est pas facile de déceler ce phénomène à l’heure actuelle, vu la jeunesse du Parti de la Gauche Européenne.

5. « La gouvernance » :

D’un point de vue strict, le PGE comme tous les autres partis européens n’exerce aucune fonction de gouvernement au niveau européen. Néanmoins, nous pouvons deviner qu’il ait pour but d’exercer une certaine influence sur la prise de décision. Sa stratégie d’influence reflète le mode décentralisé de la prise de décision au sein des institutions européennes.

Pour le moment, le PGE se contente d’approfondir sa collaboration interne et d’accroître sa légitimité vis-à-vis des acteurs européens, que ce soit la population ou les députés parlementaires. L’idée centrale du PGE est, comme le dit Pedro Marset, l’utilisation maximale de la démocratie pour accroître le pouvoir du parti : « La forme de « conquête du pouvoir » n’est pas encore définie. Mais il paraît implicite que le but de la construction d’un parti soit cette « conquête du pouvoir ». Nous pouvons anticiper en affirmant que cette conquête du pouvoir doit consister en l’utilisation maximale de la démocratie et l’impulsion des idées socialistes démocratiques pour défendre la majorité de la population » .

Néanmoins, à cette stratégie de base, s’ajoute l’impact que peuvent avoir les réunions des leaders lors des sommets européens ou le vote des MEPs du Groupe GUE/NGL qui partagent les positions du PGE. Le PGE n’organise pas encore de réunions de leaders précédant la tenue des sommets européens. Par ailleurs, on pourrait voir se dessiner une possibilité d’influence du PGE sur le groupe GUE/NGL. La volonté de la part du PGE d’influencer les membres du groupe parlementaire GUE/NGL n’est pas entière, de part la nature confédérale du groupe, ce qui pousse Pedro Marset à s’exprimer dans les termes suivants : « La volonté de la part du PGE d’influencer les membres du groupe parlementaire GUE/NGL ne s’opère pas de manière spécifique, vu qu’en principe le GUE/NGL et le PGE sont deux réalités différentes et autonomes.

Néanmoins, il est aussi évident que dans les questions européennes, lorsqu’il y a des décisions prises par le PGE, ces idées sont proposées et discutées au sein du GUE/NGL sans aucune pression d’hégémonie, mais de débat politique, vu que le GUE/NGL est une organisation confédérale qui permet à chaque participant de voter et de faire ce qui lui semble opportun, sans aucune discipline ». Thomas Raeck, le député secrétaire général du GUE /NGL ajoute au sujet des perspectives d’un approfondissement de la collaboration du groupe avec le PGE : « Je dirais que objectivement oui, mais jusqu’à présent, on ne peut pas faire de lien direct avec le Groupe GUE/NGL, car seulement la moitié de ces partis membres font aussi partie du PGE. Il y a un cadre limite pour celle-ci comme je l’ai dit précédemment. Jusqu’a présent le PGE n’est pas élu au PE, seulement une partie de ses partis membres. C’est pourquoi il ne peut pas y avoir une forme de coopération directe, seulement sur certaines questions politiques au cas par cas. Cette situation changera quand il y aura des élections pour le PE sur base de listes des partis européens. » .

Cependant, il y a de nombreux MEPs du GUE/NGL qui font aussi partie du PGE et, comme l’indique Perdo Marset, ceux-ci reflètent les positions du PGE lors de leurs votes aux sessions parlementaires. « Pour l’instant, il y a des députés européens qui proviennent de partis membres du PGE et, en principe, ils se doivent de refléter ce qui a été mis en accord au PGE, pour peu que cela concerne des thématiques européennes » . Le PGE exerce une certaine influence, quoique limitée, sur la prise de décision au niveau européen par le biais de son influence sur le groupe GUE/NGL et certains de ces membres.

Aussi, de par leur travail au sein du PGE, les décisions des élites politiques au niveau national peuvent-elle être influencées en ce qui concerne les décisions au niveau européen : « Seulement en ce qui concerne les thèmes communs qui ont les deux dimensions, la nationale et l’européenne. Par exemple la question des referendums dans chaque pays sur la Constitution Européenne » . Il est utile de rappeler ici que ce phénomène n’a pas de répercussion quant aux options stratégiques choisies par les partis au niveau purement national, chaque parti étant indépendant de ses choix à ce niveau comme nous l’avions explicité plus haut.

Nous pouvons répondre de cette manière au paradigme de l’école néo-fonctionnaliste qui argumente que l’intégration européenne et celle des partis politiques relève de la compétition entre les partis nationaux. Les partis politiques sont les seules institutions capables de relier la compétition entre les élites au niveau national et le niveau européen, et de faciliter le processus par lequel les acteurs politiques dans les cadres distincts nationaux sont persuadés de tourner leurs loyautés, leurs attentes et leurs activités vers un nouveau centre .

CONCLUSION

Les exigences institutionnelles du Parlement Européen, pour l’obtention du Statut de Groupe Parlementaire, ont en quelque sorte permit la reconstruction des liens transnationaux post-communistes. En effet, il n’était pas évident qu’après la chute de l’URSS, les partis communistes et ex-communistes essayeraient de récupérer une forme d’organisation au niveau européen. En même temps, le groupe GUE/NGL n’aurait peut-être pas été aussi éclectique dans sa composition, si le PE n’avait pas requis une base aussi large de coopération pour la formation d’un Groupe .

En comparaison avec la formation des autres fédérations européennes de partis, nous pouvons observer qu’en ce qui concerne la formation du Parti de la Gauche Européenne, le déterminant pro-intégrationniste quant à l’adhésion des partis est de poids. En effet, nous avons pu observer qu’il est un facteur qui détermine l’adhésion même des partis au Parti de la Gauche Européenne. Tandis que l’existence d’une possibilité de collaboration large dans la représentation des partis formant un Groupe au PE avait permit un regroupement de partis communistes et ex-communistes sous l’égide du Groupe GUE/NGL, les partis initiateurs de la formation du PGE ont établit une norme supplémentaire d’adhésion idéologique et tactique au niveau de leur position qui rejoint de très près les directions pour un approfondissement de l’intégration européenne. Phénomène qui, en se voulant progressiste, se délaisse d’une part importante des partis qui partagent le même dessein anti-capitaliste.

Cette observation rejoint sans nul doute la volonté de transformation et de régénération de la gauche adoptée par le PGE. Celle-ci se distingue par une approche progressiste de la construction européenne via sa transformation de l’intérieur, et non pas par une opposition à celle-ci. Car les mutations économiques, politiques et institutionnelles de notre époque ont posé des questions et des problèmes partiellement nouveaux pour la gauche européenne et l’ont obligé à envisager une réorganisation dans laquelle le niveau traditionnel, l’Etat-nation est remis en cause . De plus, elle vise à répondre aux demandes plurielles de la société européenne, demandes qui sont incarnées dans l’émergence d’une grande diversité de mouvements sociaux que nous pouvons qualifier d’alter mondialistes, dont la base sociologique large reflète les mutations sociologiques, économiques, sociétales, politiques et institutionnelles de notre époque. Cette transformation rejoint les postulats des politologues qui avaient décelé ce phénomène comme un début de nouvelle identité politique et d’organisation pour la gauche et un instrument privilégié d’adaptations aux mutations de notre société .

Cette nouvelle identité politique et d’organisation de la gauche se traduit dans l’organisation interne des structures du PGE et dans son mode de travail. Nous avons pu vérifier cela en observant l’émergence d’une structure organisationnelle interne ouverte et originale qui inclut la participation de divers ‘groupes de travail’ où les représentants de la société civile indépendants peuvent participer au travail d’élaboration de propositions politiques. C’est ainsi que le PGE se définit comme un parti de réseaux. Il en découle que la communication et d’éducation politique est une fonction menée de front par le PGE, puisqu’elle constitue un pilier fondamental de son fonctionnement et de sa légitimité. Ainsi, le PGE remplit le rôle principal dont il est doté par le PE, celui-ci étant de contribuer à la formation d’une conscience politique européenne.

En ce qui concerne la participation politique, on peut attendre, dans le futur, que les actions du PGE conduisent à un accroissement de la participation politique citoyenne, autant de part le vote de ses adhérents que par une participation citoyenne en masse aux prochaines élections européennes. C’est aussi dans ce but que le PGE a été créé, pour accroître la représentativité non seulement de la population, mais aussi des partis membres qui le composent. Ainsi il remplit la deuxième fonction qui lui est attribuée par le PE, qui est de contribuer à l’expression de la volonté politique des citoyens.
Au niveau interne, nous avons pu vérifier que le PGE remplit la fonction d’articulation des intérêts et l’agrégation. Au niveau des élites, nous avons pu observer un accroissement notoire de la participation des grandes figures des partis domestiques dans le travail du PGE, notamment au cours des réunions bilatérales avec les leaders des différents partis membres, que lors des sommets des leaders. Aussi, par le travail de collaboration et de production de propositions communes effectuées lors de différentes réunions tenues au sein du PGE, le PGE a engendré un processus où les élites politiques s’influencent réciproquement, en créant la possibilité de redéfinir leurs intérêts et préférences .

Cette affirmation se limite aux seules décisions concernant les thématiques européennes, étant donné l’autonomie des partis membres du PGE dans leur organisation nationale. Nous pouvons répondre positivement au paradigme de l’école néo-fonctionnaliste qui argumente que l’intégration européenne et celle des partis politiques relève de la compétition entre les partis nationaux ; car les partis politiques sont les seules institutions capables de relier la compétition entre les élites au niveau national et au niveau européen, et de faciliter le processus par lequel les acteurs politiques dans les cadres distincts nationaux sont persuadés de tourner leurs loyautés, leurs attentes et leurs activités vers un nouveau centre . Le PGE joue un rôle important dans l’approfondissement de l’intégration européenne également ; car il engendre une certaine européanisation de l’appareil des partis en créant un noyau d’experts européens, et il facilite l’intégration aux travaux communautaires de pays candidats ou non à l’adhésion en associant à son fonctionnement une série de partis extra communautaires.

D’un point de vue strict, le PGE, comme tous les autres partis européens, n’exerce aucune fonction de gouvernement au niveau européen. Néanmoins, il a pour but d’exercer une certaine influence sur la prise de décision. Dans ce but, sa stratégie d’influence reflète le mode décentralisé de la prise de décision au sein des institutions européennes. Nous avons pu observer que le PGE a choisi prioritairement d’approfondir sa collaboration interne en vue d’accroître sa légitimité envers les acteurs européens, que ce soit la population ou les députés parlementaires. Mais aussi, nous avons diagnostiqué que, de par leur travail au sein du PGE, les décisions des élites politiques au niveau national pouvaient être influencées en ce qui concerne les décisions, et aussi au niveau de la prise de décision au niveau européen dans le cas ou ces élites siégeaient également dans les organes décisionnels de l’UE, que ce soit au Parlement Européen, ou face au Conseil et à la Commission. De plus, nous avons observé que le PGE exerce une certaine influence, quoique limitée, sur la prise de décision au niveau européen par le biais de son influence sur le groupe GUE/NGL et certains de ces membres.

Pour conclure, nous avons confirmé que le PGE jouait un rôle dans le processus de l’intégration européenne, mais aussi dans la redéfinition des intérêts et stratégies des ses partis membres au niveau européen. Dès lors, nous sommes dans la possibilité d’affirmer que les intérêts et les préférences, d’origine interne et non externe, ont un impact transformateur sur la formation identitaire, et que donc les partis politiques peuvent enclencher la transformation . C’est de cette manière que la régénération de la gauche pourra continuer de s’approfondir dans le futur au niveau européen.

La nécessité d’élaborer des propositions communes au sein du Parti de la Gauche Européenne entraîne un repositionnement continu des ses partis membres, et une adaptation aux déterminants institutionnels dans lequel celui-ci s’insère, c’est-à-dire le cadre institutionnel de l’Union Européenne et son développement, ainsi que celui du processus de l’intégration européenne. On peut dès lors établir une certaine coïncidence entre les deux variables ; l’intégration européenne stimule de manière déterminante la régénération de la gauche portée par le développement du Parti de la Gauche Européenne.

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Syllabus :

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Documents internes du PGE :

44. Manifeste du Parti de la Gauche Européenne.
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Entretiens :

47. Interview de MARSET, P., membre du Comité Exécutif du PGE, membre du PCE
48. Interview de HERMANSSON, S., agent de liaison du NELF, membre du Parti Suédois de la Gauche, vice - secrétaire général du GUE/NGL.
49. Interview de RAECK, T., vice - Secrétaire Général du GUE/NGL.
50. Interview de HEILIG, D., membre du Secrétariat du PGE.

Sources multimédia :

Organisation du PGE :

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Histoire du Groupe GUE/NGL
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Partis politiques européens.
L’Observatoire Législatif, http://www2.europarl.eu.int/oeil/fi....

Elections européennes.
http://www.elections2004.eu.int/ep-...

Bibliographie complémentaire :

51. BACETTI, C., “After PCI : Post-Communist and Neo-Communist Parties of the Italian Left After 1989”, in, BOTELLA, J., and RAMIRO, L., (eds.), The crisis of Communism and Party Change. The evolution of West European communist parties, ed. Institut de Sciencies Politiques i Socials, Barcelona, 2003.

52. CUNHA, C., “ Mais Portugal ! Mais CDU !”... mais PCP ? The Portuguese Communist Party at the turn of the 21st Century”, in, BOTELLA, J., and RAMIRO, L., (eds.), The crisis of Communism and Party Change. The evolution of West European communist parties, ed. Institut de Sciencies Politiques i Socials, Barcelona, 2003.

53. KALYVAS, N., MARANTZIDIS, N., « The Two Paths of the Greek Communist Movement (1985-2001)”, in BOTELLA, J., and RAMIRO, L., (eds.), The crisis of Communism and Party Change. The evolution of West European communist parties, ed. Institut de Sciencies Politiques i Socials, Barcelona, 2003.

54. LECLERCQ, C., PLATONE, F., “A Painful Moulting : the “Mutation” of the French Communist Party”, in, BOTELLA, J., and RAMIRO, L., (eds.), The crisis of Communism and Party Change. The evolution of West European communist parties, ed. Institut de Sciencies Politiques i Socials, Barcelona, 2003.

55. NAIF, N., L’eurocommunisme en Belgique. Crise et débats autour d’une voie belge au socialisme ( 1954-1982), ed. Centre des Archives communistes es Belgique et Centre d’Histoire et de Sociologie des Gauches de l’ULB, Bruxelles, 2004.

56. NEGEBAUER, G., “ The Party of Democratic Socialism in Germany : Post-Communists with a New Socialist Identity or as Replacement of Social Democracy ?”, in BOTELLA, J., and RAMIRO, L., (eds.), The crisis of Communism and Party Change. The evolution of West European communist parties, ed. Institut de Sciencies Politiques i Socials, Barcelona, 2003.

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58. VINER, L., Sinistre Alternative e Cosmotron Europa, prefazione di Fausto Bertinotti, ed. Punto Rosso, Milano

http://www.la-gauche.org/article.php3?id_article=279