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" Si j’étais directeur de laboratoire, je démissionnerais aussi très certainement "

Publie le mardi 9 mars 2004 par Open-Publishing

( Christophe Prieur, 30 ans, chercheur )

Portrait d’un jeune chercheur un peu désenchanté

"Je passe un quart de mon temps à remplir des dossiers pour obtenir des financements". Christophe Prieur, 30 ans, chercheur en automatique à Cachan (Val-de-Marne), a signé -comme plus de 63.000 de ses collègues- la pétition "Sauvons la recherche". Il dénonce le "double discours" du gouvernement et assure que s’il était directeur de laboratoire, il démissionnerait lui aussi.
Marié, père de deux enfants, dont le dernier est né il y a quinze jours, il gagne "2.000 euros par mois à bac +8". "Je n’ai pas choisi cette voie pour avoir un énorme salaire et ça tombe bien", ironise-t-il.

C’est "progressivement" qu’il s’est tourné vers la recherche, après maths sup-maths spé à Louis Le Grand, l’Ecole normale supérieure-Cachan et une thèse en mathématiques appliquées à Orsay. "Naturellement, pour comprendre mieux le monde", explique-t-il.

Statutaire au sein du laboratoire Satie (Systèmes et applications des technologies de l’information et de l’énergie), il collabore avec des thésards et des post-doctorants qui sont en CDD (contrat à durée déterminée), ce qui pose un problème de "discontinuité" : "Des personnes effectuent une recherche et en fin de contrat. Donc, les recherches sont stoppées".

"Comme les jeunes représentent souvent le dynamisme des équipes, une incertitude pour les jeunes engendre une incertitude pour toutes les équipes", note Christophe Prieur, qui passe actuellement un mois à Toulouse pour ses travaux. "Ca casse certains élans", ajoute-t-il en déplorant un "nombre insuffisant" de places de chercheurs.

Pour pallier l’insuffisance des budgets, "une part importante de l’activité du chercheur consiste en la rédaction de projets pour obtenir plus de moyens des sources de financement comme la région, le ministère, le CNRS, l’Europe", affirme-t-il en précisant qu’il consacre lui-même un quart de son temps à remplir ce type de dossiers.

Selon lui, il y a "une incompréhension totale entre le monde de la recherche et le gouvernement actuel". Certes, les difficultés existaient déjà sous l’équipe Jospin, mais "c’était plus un statu quo. Mais là, il y a vraiment une volonté de diminuer les budgets et les recherches publiques sans proposer de financement alternatif, privé ou européen".

Christophe Prieur se dit "impatient". Il attend du gouvernement "moins de promesses et plus d’actes concrets". Et de dénoncer le "double discours" de Matignon.

La principale revendication des chercheurs - la transformation des CDD en CDI - "coûte 20 millions d’euros par an". "Ils refusent ces 20 millions alors qu’ils promettent beaucoup plus", s’étonne-t-il, en rappelant la promesse de trois milliards d’euros sur trois ans.

Christophe Prieur "approuve" la démarche des directeurs de laboratoire qui menacent de démissionner mardi de leurs charges administratives. "C’est très bien qu’ils utilisent leur fonction pour s’exprimer". A ses yeux, "c’est un symbole très fort de mécontentement du monde de la recherche publique".

"Si j’étais directeur de laboratoire, je démissionnerais aussi très certainement". PARIS (AP)

Texte et pétition : http://recherche-en-danger.apinc.org/article.php3?id_article=147