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Intervention de Walter De Cesaris à l’Assemblée nationale de la Gauche Européenne à Rome, 16 juin 2007

Publie le jeudi 28 juin 2007 par Open-Publishing

de de Walter De Cesaris traduit de l’italien par Karl&Rosa

Chères et chers camarades,
notre assemblée parle à toute la gauche et toute la gauche parle dans notre assemblée. Ceci est déjà en soi un évènement : toute la gauche, les partis de gauche, les grandes organisations du mouvement ouvrier, les grandes associations démocratiques et de bénévoles, les mouvements, les expressions des principaux conflits ouverts sur le territoire national.

Voilà déjà ce qu’est la Gauche européenne : une expérience concrète de rompre la division, la tentative de construire un espace public de la politique où construire des relations, où étendre et relier des cultures politiques, des langages, des pratiques qui sont différentes et qui veulent le rester mais en même temps instaurent un rapport, établissent une alliance, assument librement un lien d’appartenance.

Cette assemblée doit parler à tout le pays. Et elle doit dire peu de mots, simples mais clairs.

J’en dirai, moi, quelques-uns.

Nous voulons la vérité sur Gênes. Nous voulons la vérité sur la mort de Carlo et la vérité sur cette violence commandée et accomplie scientifiquement, pour transformer la grande mobilisation démocratique et populaire contre le G8 en une boucherie de dictature sud-américaine, de "nuit des crayons cassés". Une vérité qui émerge désormais des salles des tribunaux. Mais nous, nous voulons la vérité politique : les commanditaires, les relations et les responsabilités des plus hautes autorités du gouvernement et des fonctions de l’Etat, la trame internationale. Si ce n’est pas maintenant, à quand la Commission d’enquête sur Gênes ?

Nous, nous ne sommes pas d’accord, nous nous opposons et nous nous opposerons par tous les moyens démocratiques et même par la désobéissance non-violente à l’extension de la base de Vicence. Jusqu’au bout. Il ne s’agit pas d’un choix en notre nom propre. Nous pensons que la grande majorité du peuple qui a choisi une autre majorité politique pour le Gouvernement du pays ne partage pas cette décision. Ce qui compte le plus est que les citoyennes et les citoyens de Vicence n’en veulent pas. La souveraineté appartient au peuple et vaut plus que la signature de Berlusconi et même plus que celle de Prodi. Que l’on consulte directement les populations, que l’on ouvre des négociations !

Cela vaut pour la TAV [train à grande vitesse Turin-Lyon, Ndt], cela vaut pour Vicence. Pour nous, il n’y a aucun doute : nous sommes du côté du droit et des populations. Jusqu’à la fin, jusqu’à la pratique de la désobéissance civile. Comme dans le "trainstopping", comme à Scanzano.

Nous, nous voulons que s’ouvre finalement l’ère du dédommagement social. Pas dans un avenir qui s’éloigne chaque fois qu’il concerne les travailleurs, pas demain, mais aujourd’hui et avec les ressources qui sont vraiment là et pas avec ce qui reste une fois satisfaits tous les pouvoirs forts : des organismes a-démocratiques et technocrates des bureaucraties européennes à la Confindustria qui est laxiste quand il s’agit de récolter de l’argent, et ils en ont beaucoup récolté, même avec ce Gouvernement, et rigoureuse quand c’est au tour des travailleurs.

La première chose dans la réforme politique est de faire ce que l’on dit. Vous avez dit que vous aboliriez les mesures d’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite et vous devez les abolir. Vous l’avez dit, vous le faites et sans la ruse hypocrite de les remplacer par une augmentation beaucoup plus progressive. Et il n’y a pas d’avant ni d’après. En même temps, il y a une innovation en direction des droits : les droits civils, les unions civiles, l’abrogation de la loi Bossi-Fini. En somme, il s’agit de la question de faire sauter ce bouchon conservateur, ce bloc de pouvoirs qui entendent empêcher, bloquer le processus réformateur que mérite notre pays.

Un processus sans lequel nous fonçons rapidement vers la désillusion, vers la passivité et vers le précipice de la prévalence d’une culture réactionnaire de masse. Voici quelle est la tâche historique de la gauche aujourd’hui, ici et maintenant. Combler ce vide, ouvrir un véritable conflit avec détermination, conquérir une centralité, réduire progressivement la dimension des problèmes. Et la première dimension est la dimension européenne. Gauche européenne en Italie est la première subjectivité politique dans ce pays qui se constitue à partir de la dimension européenne. Jusqu’à présent, c’est le contraire qui s’était produit. Le Parti Démocratique, ils l’ont même fait, et ils ne savent pas où il ira en Europe.

Ce n’est pas un hasard si notre assemblée se tient en même temps que la Congrès de die Linke en Allemagne. Demain, nous aurons un rapport direct avec Bisky et Lafontaine. Aujourd’hui, depuis notre assemblée, nous les saluons et nous leur souhaitons un grand succès. Et Fausto Bertinotti, président de la Gauche européenne, est aujourd’hui à Berlin et sera demain ici à Rome. Et ça non plus, ce n’est pas une coïncidence.

Nous savons qu’il y a d’autres forces de gauche qui regardent en direction d’autres subjectivités. Les camarades de Gauche Démocratique regardent en direction du Parti Socialiste européen. D’autres ont d’autres références encore. Nous les respectons et ne pensons pas que cela empêche une confrontation, un dialogue, un pacte d’action commune, des formes d’unité à construire ensemble.

Nos positions sont claires dans nos documents. Je ne les répèterai pas. Je n’en dirai qu’une. Nous disons "la Gauche européenne est pour nous un point de départ et pas une conclusion". Il s’agit, je crois, d’une déclaration qui engage. Nous ne la demandons pas aux autres, elle vaut pour nous. Cela revient à dire que Gauche européenne naît pour rompre les cloisonnements, pas pour en créer un autre. C’est pourquoi je considère que penser la Gauche européenne comme un empêcheur ou un obstacle au rapport unitaire à gauche est non seulement une énorme erreur mais une incompréhension qui est le signe d’une véritable faiblesse politique et intellectuelle.

Nous sommes ici des cultures, des langages, des parcours différents. Nous sommes cela, pour le moment. Je souligne pour le moment. Quand nous avons commencé, nous ne savions pas combien nous serions aujourd’hui. Nous ne sous sommes pas assis autour d’une table, nous nous sommes retrouvés le long du chemin, et étant donné que nous ne sommes pas au bout de ce chemin, nous en rencontrerons encore tant d’autres.

Nous sommes déjà dans une autre dimension, il y a déjà la rencontre de cultures plurielles et multiples : Unis à Gauche et le forum des réalités de mouvement, la culture féministe qui intervient en tant que telle et l’écologie. Il y a l’originalité des adhérents individuels et l’innovation de la "mésorégion" du rapport du Midi avec la Méditerranée. Il y a les centres sociaux et les expériences de l’antagonisme. Il y a mes frères de Action. Et beaucoup d’autres encore. Tous là dedans et en dehors de là-dedans. Tous ensemble, chacun lui-même, et aussi chacun avec les autres qui sont dehors. C’est comme ça aussi que doit être demain.
Il y a plus de 50 associations locales. Mais nous n’en sommes qu’au début. Nous n’en sommes pas à faire le bilan, nous avons à peine franchi le seuil de la maison.

Nous n’avons pas de modèle, nous ne sommes pas un modèle.
Mais une structure en réseau, polycentrique, multiple, la méthode du consensus, les maisons de la gauche parlent d’une méthode qui peut, je crois, être aussi utile pour une plus large confrontation à gauche. Nous la ferons avancer avec toute la Gauche européenne.

Je n’aime pas les grands mots : nouveau début, une autre histoire démarre.

Le monde est plein de proclamations ronflantes. Nous avons la conscience de nos limites. Les choses, il faut d’abord les faire, puis nous en parlerons et, si nous en sommes capables, nous les théoriserons. Je dis seulement que rien ne sera comme avant.

Je veux remercier ici Leonardo, Gabriella, Francesca, Beatrice, Lucio, Elio, Alessandro et toutes et tous les camarades qui ont travaillé ces derniers mois et ces dernières heures dans l’ombre. Leur disponibilité et leur patience ont été décisives.

Aujourd’hui, c’est une belle journée. Il n’a pas été facile d’en arriver là.

Mais ne nous faisons pas d’illusions, camarades, les véritables difficultés commencent maintenant. Je peux seulement dire que nous essaierons et d’autres plus forts, je parle pour moi bien sûr, y parviendront.