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ETA dément son implication dans les attentats

Publie le samedi 13 mars 2004 par Open-Publishing

La piste du terrorisme islamiste est prise au sérieux dans les attentats qui ont fait 199 morts à Madrid jeudi. L’Espagne a rendu hommage aux victimes.

alors que huit millions d’Espagnols descendaient dans les rues de toutes les grandes villes du pays pour s’élever contre le terrorisme (lire en p. 4), l’enquête sur les attentats qui ont fait 199 morts et plus de 1 400 blessés à Madrid jeudi matin a connu, vendredi soir, un nouveau rebondissement qui tend à remettre en doute la version officielle. Vers 18 heures, l’organisation séparatiste armée basque ETA, désignée comme principal suspect par le gouvernement de José Maria Aznar dès jeudi, a démenti tout rôle dans les massacres. « L’organisation ETA n’a aucune responsabilité dans les attentats de jeudi », a affirmé un correspondant anonyme disant parler au nom d’ETA au journal indépendantiste basque Gara, canal habituel de communication de l’organisation, ainsi qu’à la télévision publique basque ETB.

Vraisemblable. Le parti indépendantiste basque (interdit) Batasuna, considéré comme la vitrine politique d’ETA, a estimé que l’appel anonyme reçu par Gara « présentait beaucoup de garanties de véracité ». Dès jeudi, le leader séparatiste basque Arnaldo Otegi avait imputé la responsabilité du massacre à « un groupe lié à la résistance arabe ». Madrid avait alors rejeté avec mépris ces déclarations, réaffirmant sa conviction qu’ETA était « l’auteur de ces atrocités ». « Cela ne fait aucun doute dans mon esprit », avait même précisé, jeudi, le Premier ministre, José Maria Aznar.

Le démenti d’ETA, s’il est authentifié, serait d’une importance capitale : tout au long de sa macabre histoire, ETA n’a en effet jamais eu pour habitude de nier l’existence d’attentats qu’elle avait commis. Avec une exception cependant, celle de la « tuerie d’Hipercor » à Barcelone : en juillet 1987, 21 personnes avaient été tuées dans l’explosion d’une bombe. Dans un premier temps, ETA avait nié être à l’origine de cet attentat sanglant. Par la suite, l’organisation armée basque avait reconnu avoir déposé la charge, tout en affirmant avoir alerté la police pour qu’elle procède à l’évacuation des lieux avant la déflagration.

Al-Qaeda. Plusieurs éléments avaient poussé, dès jeudi soir, le ministre de l’Intérieur, Angel Acebes, à reconnaître que « toutes les pistes [restaient] ouvertes ». Notamment la découverte dans une camionnette stationnant aux abords de la gare d’Alcala, point de départ des trains frappés par les bombes, d’une cassette contenant des versets du Coran et de sept détonateurs. Puis la revendication de l’attentat par Al-Qaeda par le biais du journal arabe Al-Qods publié à Londres, ainsi que l’extrême précision des bombes et la sophistication de l’opération.

Vendredi, de nouveaux éléments sont venus renforcer les doutes sur la piste ETA. Le ministère de l’Intérieur a confirmé les informations de la radio Cadena Ser selon laquelle la police était en train d’examiner une bombe, la treizième de la série déposée par les terroristes dans quatre trains de banlieue. Dix ont explosé, la police ayant fait sauter les deux autres. Citant une source antiterroriste, la même radio a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’« un explosif habituel d’ETA ». En revanche, il serait employé par « un autre groupe terroriste, lié à l’islamisme ». Cet explosif serait du plastic « Special C » fabriqué en Espagne par l’ancienne entreprise Rio Tinto. Les détonateurs, reliés à un téléphone portable, seraient également de fabrication espagnole. Informations étayées par des sources de la police scientifique citées par El Pais et pour qui explosifs et détonateurs ne seraient pas non plus du type de ceux utilisés par ETA. Une information que le ministre de l’Intérieur a contredit hier soir, indiquant que la bombe désamorcée contenait un explosif déjà utilisé par ETA : le « Goma 2-eco ».

Contradictions. Dans l’après midi, Angel Acebes s’était montré plus prudent que la veille. Au cours d’une conférence de presse, le ministre de l’Intérieur avait, certes, réitéré que le modus operandi désignait ETA, car comparable - selon lui - à l’attentat avorté du 24 décembre sur la ligne Irun et Madrid. Mais il s’est empressé d’ajouter que « l’enquête peut parfaitement changer de direction ».

Sa collègue des Affaires étrangères, Ana Palacio, n’en a pas moins envoyé une circulaire aux ambassadeurs d’Espagne à l’étranger pour leur demander de défendre la thèse ETA. Selon plusieurs médias , Ana Palacio ajoute dans la même missive que le ministre de l’Intérieur lui a confirmé qu’ETA est bien l’auteur du carnage. Une polémique a en tout cas commencé en Espagne. Le dirigeant communiste Gaspar Llamazares et le dirigeant nationaliste basque Juan José Iberrexte ont tous deux exigé que le gouvernement « ne dissimule aucun élément de l’enquête à des fins électoralistes ».