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Italie : pas de grâce pour Sofri

Publie le samedi 20 mars 2004 par Open-Publishing

Les députés ont rejeté la réforme du droit de grâce qui aurait permis la libération de l’ancien leader de Lotta Continua.

Par une salve d’applaudissements, la majorité gouvernementale de Silvio Berlusconi a accueilli, mercredi, le rejet par la Chambre des députés de la réforme du droit de grâce, qui condamne Adriano Sofri à demeurer en prison. Ancien leader du mouvement d’extrême gauche Lotta Continua (LC), l’intellectuel, aujourd’hui âgé de 61 ans, a écopé en 1997 de vingt-deux ans de réclusion pour avoir commandité le meurtre, en mai 1972, du commissaire de police Luigi Calabresi sur la base du seul témoignage d’un ancien militant de LC. Incarcéré à Pise après huit procès contradictoires, Sofri a toujours clamé son innocence.

Solidarité. De nombreux hommes politiques, artistes et intellectuels se sont mobilisés pour réclamer la libération de cet universitaire et journaliste de renom qui, dès 1976, avait décidé la dissolution de Lotta Continua. Même Berlusconi s’était prononcé, en 2002, en faveur de sa remise en liberté. En juillet dernier, le président, Carlo Azeglio Ciampi, avait également fait part de sa disponibilité à signer la grâce de Sofri. Mais, techniquement, cette demande doit être soumise au chef de l’Etat par le garde des Sceaux. Or l’actuel ministre de la Justice, Roberto Castelli (Ligue du Nord), s’est toujours opposé à un acte de clémence envers Sofri.

Ces derniers mois, une solution semblait sur le point d’être trouvée à travers la réforme du droit de grâce. Selon le projet de loi du député vert Marco Boato, ce pouvoir devait devenir l’apanage exclusif du chef de l’Etat. Mais, en contradiction avec les orientations de Berlusconi, la majorité de droite, à l’initiative d’Alliance nationale, a voté massivement contre la modification de la procédure. La Ligue du Nord, mais aussi le gros des troupes des centristes de l’UDC et de Forza Italia se sont opposés à la mesure. « C’est un grand jour pour la justice », s’est réjoui le vice-président du Sénat (Ligue du Nord), Roberto Calderoli. « Le vrai visage de la droite liberticide et vindicative a prévalu », s’est indigné le secrétaire des démocrates de gauche, Piero Fassino.

Mais, dans l’entourage de Berlusconi aussi, la décision de la Chambre a provoqué de sérieux remous. Engagé depuis des années pour la libération de Sofri, le directeur du quotidien Il Foglio (contrôlé par l’épouse du chef du gouvernement), Giuliano Ferrara, a publié un éditorial au vitriol, hier. Evoquant une droite « misérable », l’ancien porte-parole de Berlusconi a dénoncé la « trahison de la parole donnée » et s’en est pris au chef du gouvernement « particulièrement distrait quand il ne s’agit pas de ses propres affaires ». « Je n’ai pas changé de position », a répliqué Berlusconi, qui s’est réfugié derrière la liberté de vote de sa majorité : « Parfois, je regrette de ne pas être un dictateur... »

Liberation