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Cesare Battisti : Lettre ouverte au Président de la République

Publie le mercredi 24 mars 2004 par Open-Publishing

Lettre ouverte au Président de la République

Les comités de soutien contre

l’extradition de Cesare Battisti

et des autres réfugiés italiens

Ligue des Droits de l’Homme

138 rue Marcadet

75018 - Paris

le 15 mars 2004

Monsieur Jacques Chirac

Président de la République

Objet : Lettre ouverte au Président de la République, contre l’extradition de Cesare Battisti.

Monsieur le Président de la République,

Nous, citoyens français, profondément attachés aux valeurs de la République et de son Droit, nous nous tournons vers vous, et nous nous permettons de solliciter votre attention sur la demande d’extradition formulée par l’État italien à l’encontre de Cesare Battisti et d’autres réfugiés italiens en France.

Vous, le premier, croyez en la valeur et en l’honneur de la parole donnée par la République française, en son obligatoire pérennité, et en la nécessité de ne pas la voir bafouée. Vous avez à plusieurs reprises rappelé l’importance de son "strict respect". Si cette parole d’État venait à être reniée, que resterait-il de la crédibilité des engagements de notre pays ? Cette parole d’État, c’est vous qui en êtes le garant.

En 1985, la République française a donné sa parole et s’est engagée formellement à ne pas extrader les réfugiés politiques italiens rescapés des « années de plomb », et à leur accorder l’asile. Cette parole fut encore confirmée avec force en 1998 sous votre présidence, et avalisée par l’octroi à tous d’un titre de séjour. Sur la foi de cet engagement, de nombreux exilés italiens se sont installés en France, terre des droits de l’Homme qui leur offrait un refuge. C’est cette parole de la France qui risque d’être aujourd’hui trahie.

Le 7 avril prochain, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris examinera la demande d’extradition de Cesare Battisti. Aujourd’hui écrivain, il vit à Paris depuis treize ans avec ses deux enfants. Comme vous le savez, il fut jugé dans son pays par contumace pour des faits liés aux affrontements politiques et sociaux d’alors. Il y fut condamné, comme de nombreux autres, sur la base des déclarations négociées de « repentis », en échange d’une réduction de leur propre peine, ou souvent de sa suppression. En cas d’extradition, Cesare Battisti ne bénéficiera d’aucun nouveau procès en Italie, et y sera aussitôt emprisonné à vie.

Les faits qui font l’objet de la procédure d’extradition en cours sont les mêmes que ceux déjà examinés il y a treize ans par la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Paris qui, par deux arrêts rendus le 29 mai 1991, a déclaré Cesare Battisti non extradable. Une décision définitive a donc déjà été prise, refusant cette extradition. Or selon le principe, fondamental dans un État de Droit, au nom duquel « on ne juge pas deux fois la même chose », les arrêts de 1991 ne peuvent plus être remis en question sans que cela constitue une entorse gravissime aux fondements de notre droit.

Nous sommes déjà plus de 21.000 à avoir signé la pétition contre l’extradition de Cesare Battisti. Son cas concerne tous les réfugiés politiques italiens aujourd’hui abrités sur notre sol.

En accédant à cette demande d’extradition, ainsi qu’en acceptant toute autre demande qui viserait ces réfugiés italiens, la France se rendrait coupable de trahir et son droit, et sa parole. Or c’est sur le respect sans faille de ces valeurs que se fonde la solidité et la dignité de notre République. Cette République, sa parole, sa loyauté, son droit, il nous faut les défendre. Comme nous les avons défendus tous ensemble lors du second tour des élections présidentielles en mai 2002.

Aujourd’hui, de même, nous réaffirmons solennellement, et quelle que soit notre appartenance politique, notre attachement fondamental aux valeurs et aux principes républicains. À l’honneur de la parole de la République française dont vous êtes le garant. C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Président, de rappeler avec force la pérennité de la parole d’État qui fut donnée à Cesare Battisti et aux autres réfugiés italiens.

C’est sur vous que reposent notre confiance et notre espoir.

Dans cet esprit, nous nous permettons de solliciter de votre haute bienveillance une audience avec nos représentants afin de vous exposer nos préoccupations avant la date du jugement.

Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Président de la République, l’_expression de notre très haute considération,

Les Comités de soutien contre l’extradition de

Cesare Battisti et des autres réfugiés italiens