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Il faut tenir compte des impondérables

Publie le samedi 27 mars 2004 par Open-Publishing
2 commentaires

de Luca Casarini et Guido Lutrario

Chère Rossanda, nous ne sommes d’accord quasiment sur rien de ce que tu as écrit à propos de ce qui est arrivé à Fassino. Ce n’est pas une nouveauté que nous ne sommes pas d’accord, certes, et d’ailleurs sur l’évaluation de la contestation au secrétaire Ds, tu peut te vanter d’être en bonne compagnie. Il y en a beaucoup qui pensentcomme toi à gauche.
Partons d’un premier point : pensez comment aurait été beau, coloré et joyeux
un cortège d’une multitude de personnes radicalement contre la guerre, phagocyté et changé dans son esprit et dans son âme par la présence indolore de l’état major réformiste, certes un peu rabroué, mais accueilli somme toute comme un "camarade qui se trompe", mais qui s’assagira.

Un peu comme aux dernières marches Perouse-Assise, la Trimurti Fassino Rutelli
Castagnetti serait devenue une partie de la synthèse politique de cette multitude, évidemment sans son consensus. C’est-à-dire la guerre au Kosovo et les bombardements en Afghanistan seraient devenus, comme s’évertue à le dire D’Alema, une autre chose (bonne) par rapport à ceux en Irak. C’est-à-dire les morts civils enterrés par les cluster bomb en Serbie ou par les ogives thermobares à Kabul seraient légitimes, au contraire de ceux qui ont été désintégrés par les missiles Usa à Bagdad. Cette opération, à savoir réduire la radicalité de l’opposition à la guerre globale permanente à un simple choix sur l’intensité de la guerre, donnée immuable et objective, qui est laide et fausse si elle est gérée par Bush ou Berlusconi, mais qui est "douloureusement" la seule chose à faire, même pour l’humanité, si elle est gérée par Kerry ou Fassino, est désormais explicite. La petite formule sauve-conscience, ou plutôt sauve-consensus, est qu’elle soit autorisée par l’ONU, qui comme tout le monde le sait se targue d’un Conseil de sécurité composé de pays comme les USA et la Russie, qui sont le nec plus ultra de la démocratie, comme ils le démontrent, de l’Amérique latine à la Tchétchénie. C’était cela le sens de la présence forcée de Fassino .

Et en effet, de toute manière, la gestion du genre "unité nationale" "de l’incident" qui lui est arrivé au cortège est faite pour légitimer cela. Aujourd’hui, Fassino
déclare, en contre-attaquant, qu’il veut aller à Nassiryia, chez les carabiniers
des bataillons d’assaut, pour les saluer et leur rendre hommage, parce qu’ils "sont
nos soldats". Comme Zapatero, qui après la cuite électorale dit que s’il retire
d’une main les soldats de l’Irak, il renforce de l’autre les contingents militaires
espagnols en Afghanistan. Après, certes, il y a les petites échauffourées, celles
de chez nous, qui, si on y pense bien, sont même intéressantes : les gauches,
qui après doivent s’allier pour battre Berlusconi aux législatives, sont deux,
pas plus : une soi disant réformiste et une autre soi disant radicale. L’une doit
aller à la pêche parmi les dits modérés du mouvement contre la guerre et l’autre
parmi les dits radicaux. Il est intéressant de voir combien il y en a qui ne
tiennent pas compte des impondérables. Un impondérable qui pourrait même décider
que les mouvements sont une chose et les partis en sont une autre, et qu’ils
ne sont pas sur le même plan. Mais surtout combien de comptes ne sont faits que
pour encaisser, sans rien donner en échange.

Au contraire. Au chœur de demandes du retrait des troupes, en tant que donnée
politique forte et opposée à la logique de la guerre, on répond désormais que
s’en aller ne serait qu’une folie. A la désertion de la guerre globale, c’est
aussi cela, l’esprit de tant d’hommes et de femmes dans les rues de par le monde,
on répond que qui déserte aide la terreur. En la divisant même, la terreur : les
massacres sont ceux du 11 septembre, de Madrid, de Nassiryia. Les milliers de
morts à cause des bombardements ne sont, au contraire, "que" guerre. Et après,
comme parmi des millions de personnes augmente la sensation que cette fois on
se moque de nous tous sur la vie, pas sur la politique économique, pas sur la
loi des finances, mais précisément sur l’existence elle-même, alors il faut aussi,
avec arrogance, venir au cortège et dire que la paix on la fait aussi en votant
pour une guerre. La contestation, pour nous, même si nous faisons partie - comme
vous dites - d’une "petite minorité", plus, selon quelques-uns, "de voyous",
ou d’"obtus", trouve ses raisons, simples, dans le fait que nous ne voulons pas
accepter cette opération.

En ce qui concerne la "violence", laissons tomber s’il te plait et sur cela tu
seras sûrement d’accord toi aussi : à part la juste réaction de tant de gens aux
coups de pied, aux coups de poing, aux matraques flexibles en fer du service
d’ordre des Ds, est-ce que c’est un paradoxe auquel nous seront toujours condamnés
que de devoir nous justifier pour avoir bousculé des gens qui votent pour les
guerres ou qui instituent des centres lager pour les migrants ?

traduit de l’italien par karl et rosa

27.03.2004
Collectif Bellaciao

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