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Massacre du code du travail dans le silence général

Publie le samedi 24 novembre 2007 par Open-Publishing
6 commentaires

de Gérard Filoche

Le code du travail va être réécrit en quelques heures à l’Assemblée nationale, le 27 novembre et le 4 décembre.

En 2005, une commission de cinq « rédacteurs » avait été mise en place et il était prévu de publier le nouveau code en mai-juin 2006 si la grande mobilisation victorieuse contre le CPE ne l’avait empêché. Au forcing, l’UMP a glissé dans la loi « sur le développement de l’actionnariat salarié », publiée le 30 décembre 2006, un « cavalier parlementaire », l’article 57, renouvelant les délais du 1er janvier au 30 septembre. Puis le ministre Gérard Larcher a annoncé qu’ils allaient le passer avant la présidentielle. Tous les syndicats ont protesté : « Ne faites pas de coup de force, pas à marche forcée ! » Mais Larcher, Villepin, Chirac et Sarkozy l’ont imposé quand même, le 7 mars, en Conseil des ministres. On a donc pu, dans ce pays, en dépit de l’opposition totale des syndicats, changer le code du travail de fond en comble.

On est, depuis le 1er octobre, dans une zone de non-droit : quel code s’applique, l’ancien ou le nouveau ? La partie réglementaire serait prête le 1er janvier 2008, applicable le 1er mars 2008 au plus tard. La partie législative n’entrerait, semble-t-il, mais c’est contesté, en vigueur qu’à ce moment-là.

Sur le fond, ils n’ont rien simplifié, ils ont complexifié : « Plusieurs mois, voire plusieurs années seront sans doute nécessaires pour que ce nouveau code révèle tous ses secrets », a reconnu Christian Redé, l’un des cinq rédacteurs du « comité d’experts ».

Il y avait 271 subdivisions, on en arrive à 1 890. Il y avait 1 891 articles de loi, il y en a 3 652 ! Ils ont déclassé près de 500 lois en décrets modifiables à l’avenir… sans repasser par le Parlement. Ils font s’écrouler toutes les jurisprudences, abrogent des articles clés, restructurent le fond théorique et pratique du code. Tout est modifié. Dans les questions d’hygiène, de santé, de sécurité, les obligations des employeurs sont devenues un élément avec « les obligations des travailleurs » faisant partager les risques et responsabilités avec les salariés – ce qui est un recul décisif d’un siècle !

Certaines catégories de salariés sont externalisées vers d’autres codes : salariés agricoles, assistants maternels, salariés du transport, des mines, de l’éducation, marins, dockers. Les contrats de travail sont de plus en plus précaires avec la permissivité à l’égard du marchandage du prêt de main-d’œuvre : intérim et CDD, salariés détachés, pigistes, indépendants, etc. Les moyens de contrôle de l’inspection du travail sont démantelés, ainsi que les obligations d’information de l’employeur (registres, affichage). On a une quasi-suppression du droit pénal du travail : plus de sanctions prévues en récidive pour les employeurs. Les prud’hommes sont quasi supprimés, le nombre de délégués baisse. La question de la durée du travail est renvoyée à la partie « salaires ».

L’apprentissage a été chassé de la partie « contrat de travail » pour être renvoyé à la formation professionnelle. Le droit de grève a été introduit dans la partie « négociation collective » alors que c’est un droit constitutionnel non négociable. L’inspection du travail, indépendante des gouvernements en place du fait de la convention 81 de l’Organisation internationale du travail, a été renvoyée dans la partie « administration du travail ».

Tous les professionnels – syndicalistes, inspecteurs du travail, juristes, avocats, magistrats – signent des pétitions, des appels contre ce massacre. Des recours devant le Conseil d’Etat ont été déposés contre cette étrange procédure, alors le gouvernement envisage de passer par l’Assemblée plus tôt que prévu : le 27 novembre en commission. Ce n’est pas un classique débat parlementaire, il s’agit de ratifier une ordonnance. On peut encore rétablir ce qui a été supprimé (nous avons fait le travail, avec quelques inspecteurs du travail, et proposons environ quatre cents modifications pour réintroduire le droit constant).

Le code du travail, c’est le droit le plus intime, le plus quotidien, pour seize millions de salariés du privé, mais aussi le droit le moins connu, le plus contesté, le plus fraudé. C’est la base de l’Etat de droit dans l’entreprise. C’est le seul droit qui protège – trop fragilement – et contribue à fixer le coût de la force de travail de 91 % de la population active.

C’est un droit évolutif, élaboré en cent trente ans, avec des hauts et des bas, minutieusement, sous l’impact des luttes sociales et politiques. Chaque ligne, chaque article, chaque alinéa représente de la sueur et des larmes, des souffrances et des grèves, des victoires et des échecs, produits de toute l’histoire des mouvements sociaux de notre pays. C’est un texte de notre droit qui ne devrait pas être réécrit. Ce qui est effrayant, c’est le silence général, déterminé, étouffant sur une telle affaire. Pas de une. Pas de débat. Pas d’explication. Motus et bouche cousue de tous. Il paraît que c’est « trop compliqué » pour « intéresser les gens » alors que la vie de seize millions de salariés en dépend et qu’ils savent, souvent instinctivement, ce qui va en résulter pour eux : des conditions de travail dégradées, une souffrance accrue, une protection moindre, des salaires bloqués et des droits syndicaux diminués.

http://www.liberation.fr/rebonds/293225.FR.php

Messages

  • Bien d’accord.

    Ne faudrait-il pas lancer une pétition contre cette récriture qui n’a pas été négociée avec les syndicats ? Pour qu’il en soit question plus largement ?

    JeanNimes

    • UN REFERENDUM est necessaire et indispensable ,on ne peut pas recodifier le code du travail sans
      concerter les 20millions de salariés , dans quel pays sommes nous si nos dirigeants font tout et n’importe quoi sans concerter le peuple dans sa majorité , que font les syndicats ,que font les inspecteurs du travail qui savent que plus tard les salariés seront laminés et passés au rouleau
      compresseur du patronat charognard et sans concessions sociales , ils faut prevenir tous les
      salariés par courrier de ce nouveau code du travail , ; pourquoi les medias ne font pas leur boulot ,les
      journalistes doivent le mettre sur la table ; apres la constitution modifier sauce sarko et passée sans
      referendum , alors qu’il est noté que toute modif dans la constitution 2005 europeenne doit donner
      lieu a un nouveau referendum obligatoire !! ;
      REVEILLONS NOUS PEUPLE DE FRANCE ,personne ne doit modifier LE CODE DU TRAVAIL SANS UN
      REFERENDUM AU PREALABLE ; tous les salariés sont concernés par ces attaques sur le code du travail,
      c’est un acquis social important et un contre pouvoir face au medef ,cet assassin du peuple qu’il faut
      combattre plus que jamais ; souvenez vous des parole de la parisot : la vie est precaire ,la sante
      est precaire ,le travail est precaire , mais pour elle LES PROFITS SONT ETERNELS !! cette droite est a vomir , on le sait , pourrie jusqu’au trognon ;le peuple attend quoi pour se reveiller ? !que le ciel
      leur tombe sur la tete ,ou quoi ,réveillez vous bordel !! ,réagissez ,tout le monde dans la rue ,avant
      qu’on se retrouve en slips !! foi de christophe maignard ,le soixante huitard !! ...
      PS : vous etes au courant que 63 tribunaux prudhommaux salariés vont etre supprimés , alors
      bon courage les salariés quand vous aurez un probleme avec votre boss , vous allez etre mal barrés !!

    • d’aprés ce que je viens de lire , j’ai l’impression que les conseils des prud’hommes ne seront plus trop necessaires avec le nouveau code du travail.

      et puis c’est bien de dire il faut mais que faites vous , vous ?

      pour Mr Filoche , vous nous dites que les inspecteurs proposent 400 modifications . Que faut il faire en tant que citoyen lambda pour vous aider à faire passer ces propositions ?

      Marielle

    • je vous remercie de votre post indigné ! depuis 3 jours, je poste, je mail, je contacte organisations syndicales et politiques pour signaler CE MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, comme a écrit un ami, DU CODE DU TRAVAIL. INDIFFERENCE TOTALE !!!
      Moi, je suis en retraite, mais je suis révoltée par l’acharnement de ce pouvoir à CASSER LA FRANCE.
      Je pense à nos enfants et petits-enfants, et à tous les salariés qui vont vivre un enfer au travail. Durée légale du travail revue à la hausse, salariés sortis du code du travail et dépendant d’autres codes, moins payés (intérimaires et contrats précaires : suppression de la prime de fin de contrat), mise à mal des délégués syndicaux, délégués du personnel, des comités d’entreprise, de la médecine du travail, de l’inpection du travail, des prud’hommes, sont touchés également, les contrats de travail, l’hygiène et la sécurité, les salaires et le smic, .........................................
      C’EST INTOLERABLE !!!!!!!!!! CHACUN DOIT POSTER, MAILER, ECRIRE aux syndicats, politiques (député, maire)
      ET PARTICIPER A UN GRAND MOUVEMENT SOLIDAIRE ET UNITAIRE POUR REFUSER LA RECODIFICATION
      (terme plus élégant que massacre !!!) DU CODE DU TRAVAIL. IL EN VA DE L’AVENIR DE TOUS !
      Merci.

  • Bon courage au monde du travail pour lui permettre d’exercer ses droits dans l’avenir !

    nb : l’ordonnance chiraco-sarkosiste du 12 mars dernier sera effective au 1 mars 2008 (art 14)