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Venezuela, la dictature qu’il n’y a pas

Publie le mardi 4 décembre 2007 par Open-Publishing
8 commentaires

Les résultats officiels rendus publics cette nuit à Caracas disent que les NON à la transformation en sens socialiste de la Constitution bolivarienne de 1999, voulue par le président Hugo Chavez, l’auraient emporté avec une différence d’à peine 124 962 voix sur presque neuf millions, en obtenant 50,7% des voix contre 49,3% de OUI. La donnée décisive a été la hausse de l’abstention, 45% contre 30% environ de toutes les consultations importantes des dernières années.
De Gennaro Carotenuto

Le président Chavez a reconnu la défaite, mais il n’a pas eu besoin d’inviter au calme les siens, car la journée d’hier a aussi été une journée électorale tranquille à Caracas et un exercice de démocratie pleine, inclusive, à laquelle depuis moins d’une décennie participent aussi les exclus de toujours.

51% ne suffisent pas

Le résultat du référendum entraîne deux réflexions importantes, la première politique, la deuxième médiatique. Le vote d’hier a dit que la proposition intégrationniste bolivarienne, aussi bien sociale que régionale latino-américaine, recueille le consensus des 2/3 des Vénézuéliens tandis que la transformation en un état socialiste perd des parts de consensus surtout dans l’aile socio-démocrate du mouvement. C’est comme si le projet bolivarien avait hier atteint sa limite extrême, sa ligne de plus grande expansion.

Les prochaines semaines diront si la possibilité de réabsorber l’aile socio-démocrate dans le mouvement bolivarien sera la plus forte ou si primera l’avant-gardisme de l’aile révolutionnaire qui soutient qu’il n’y a pas de révolution par la voie électorale. Cette aile a toujours été jusqu’ici contrôlée par les succès répétés et par les améliorations matérielles évidentes des conditions de vie des classes populaires durant ces années de gouvernement bolivarien.

La donnée politique la plus significative a été saisie par le président lui-même dans son discours de cette nuit : « dans une situation de quasi égalité, il est préférable d’avoir perdu plutôt que d’avoir dû soutenir et gérer une victoire aussi importante avec une marge aussi étroite ». C’est un réflexe à la Allende et encore plus à la Berlinguer : la révolution par voie électorale, on ne peut pas la faire avec 51% des voix ». Pendant la campagne électorale chilienne de 1970, les Quilapayun chantaient : « cette fois, il ne s’agit pas de faire un président (qui peut et doit gouverner avec 51% des voix) mais de faire un Chili bien différent ». Au Venezuela non plus, il ne s’agissait pas hier de faire un président mais de transformer le pays. Une chose que l’on ne peut pas faire en paix et en démocratie – que cela plaise ou non, la caractéristique principale du chavisme – avec une marge restreinte de voix.

Ceci dit, une lecture réductive de la défaite d’hier ne peut pas passer. Chavez a fait hier un pas plus long que sa jambe et réabsorber le contrecoup de la défaite ne sera pas facile. Plutôt que consolider le processus, il est parti à l’assaut du ciel et pour l’instant il a dû renoncer.

La défaite électorale représente maintenant une inconnue et il n’était probablement pas nécessaire de s’y soumettre pour en avoir l’intuition mais ces dernières années un électoralisme exaspéré a été l’arme légitime et légitimante pour se défendre de la manipulation et de l’agression continuelle contre le mouvement bolivarien.

L’opposition marque ainsi un point après des années de défaites. Mais elle continue à être peu présentable même dans ses parties les meilleures comme en témoigne un mouvement estudiantin comiquement soucieux que l’université reste élitaire et ne devienne pas de masse (sic !).

Mais où est la dictature ?

Et venons-en au deuxième point, pas moins important que le premier. La CNE (la Commission électorale) n’est donc pas un pantin du régime si elle verbalise tranquillement une défaite due à quelques milliers de voix. Hugo Chavez n’est donc pas un féroce dictateur s’il a tranquillement reconnu la défaite et n’a pas déchaîné ses prétendues milices. Du pipeau, que du pipeau et certains – s’ils n’étaient pas de trop mauvaise foi – devraient l’admettre, de la presse vénézuélienne à la presse internationale, en passant par la presse italienne, les Pierluigi Battista, les Gianni Riotta, les Omero Ciai, les Angela Nocioni e ainda mais.

La défaite avec une marge très étroite au référendum dévoile de la manière la plus claire la bassesse d’une décennie de manipulations de l’information dans le sens anti-chaviste, l’invention de sang-froid d’une inexistante dictature chaviste, le bobard d’un manque présumé de liberté d’expression au Venezuela. Où est la dictature ? Où est le régime autoritaire ? Où est la répression ? Le journalisme à l’anglo-saxonne ne se faisait pas avec les faits mais avec les opinions. Allez, sortez les faits !

Au Venezuela, il est bon de le rappeler une fois de plus, il y a des dizaines de partis d’opposition, les élections sont les plus surveillées du monde, un semi-monopole médiatique de télés et de journaux de l’opposition continue à exister, il y a pleine liberté de presse et même pleine liberté de marché. L’opposition continue à avoir de son côté le soutien des Etats-Unis, des hiérarchies catholiques, du Medef local, du FMI et des multinationales étrangères. Est-ce un hasard si ce sont les mêmes qui organisèrent et soutinrent le coup d’état du 11 avril 2002 ?

La défaite dans le référendum dévoile alors de façon claire que contre la démocratie vénézuélienne a été bâti un cordon sanitaire de mensonges visant à empêcher par tous les moyens que se répande l’infection d’un gouvernement qui a fait de l’intégration sociale et régionale sa raison d’être.

Et alors ce qui fait surface est autre chose et c’est très grave. L’anti chavisme des grands médias a toujours été un anti chavisme idéologique. Ces dernières années ils n’ont jamais parlé du Venezuela bolivarien, ils n’ont jamais critiqué Chavez à cause des mille défauts ou fautes qu’il peut avoir commises. Cela n’avait pas d’importance ; il était plus facile de construire un masque de mensonges autour du bronzé bavard de l’Orénoque plutôt que de parler de choses concrètes, de l’échec historique du néo libéralisme pour expliquer ce qu’était la démocratie participée et les efforts surhumains pour redonner de la dignité aux millions de victimes du modèle instauré en Amérique latine.

On dévoile aujourd’hui au grand soleil la grande contradiction du système médiatique mainstream : les grands médias commerciaux n’ont jamais été indépendants mais ils répondent idéologiquement à la pensée unique néo libérale. Comme la pensée unique s’est attribuée à elle-même le copyright du terme de démocratie, quiconque ose mettre en doute que néo libéralisme et démocratie sont des synonymes doit être puni, dénigré, démonisé.

Et alors, précisément la défaite au référendum se transforme au contraire en une nouvelle légitimation pour le mouvement intégrationniste de toute l’Amérique latine et de la démocratie vénézuélienne de Hugo Chavez en particulier. Et ceux qui pendant ces années ont répandu du poison et des mensonges et qui l’ont décrit comme un régime autoritaire et une dictature devraient se couvrir la tête de cendres. Ce sera dur…

http://www.gennarocarotenuto.it

traduit de l’italien par karl&rosa

Messages

  • Une démocratie est beaucoup plus que la garantie du vote, M. Carotenuto.

  • le non du courageux peuple vénézuélien ressemble à s’y méprendre au non français à la constitution européenne de 2005, vous ne trouvez pas ?

    de toute évidence, la propagande des médias toute à la cause du pouvoir : c’était comme en France, les scènes de liesse populaire dans la capitale : c’était aussi émouvant qu’au soir du 29 mai 2005

    bravo aux vénézuéliens, courageux opposants au pouvoir, pouvoir quasiment sarkozien de Chavez

    Victor H

    • J’aurais plutôt tendance à dire qu’il s’agit du contraire.
      Le TCE apportait plus de libéralisme, ce qui n’aurait pas été le cas de cette réforme.

      G.B.

    • GB,je ne vous connais pas mais je suis d’accord avec vos propos ,vous avez à faire avec quelques nuls qui n’y entendent rien au processus Latino,je pense que vous vous êtes apperçù de leur orientation,et vous perdez du temps avec eux ils ne méritent pas vos réponses parce que ils ne comprenent rien.Amicalement. AL de Toulouse

    • Mais au Venezuela ne vous déplaise

      C’est SOURTOUT L’ABSTENTION QUI A GAGNE

      ce qui n’a pas été le cas ici

      L’opposition a mis le paquet en distribuant des tracts sous formes de BD dans les quartiers moins favorisés, des petites histoires où le peuple se voyait enlever sa petite chaumière, ses enfants, etcc..

      Sachez qu’au contraire la Réforme interdisait la saisie pour dettes de la résidence principale d’un citoyen..

      Les opposants hargneux ont fait du prosélytisme à tout va et comme ce sont souvent des gens "bien" ,riches, de la race des seigneurs comme on dit en France maintenant, ils ont impressionné le petit peuple qui a préféré s’abstenir.

  • Pourquoi les médias dominants se couvriraient-ils la tête de cendres ? Ils savent pertinement qu’ils mentent effrontément et que la seule évocation du mot socialisme (pas celui du PS) leur file des boutons. Il suffisait d’entendre Adler ce matin :"la phrase de Juan Carlos a eu un effet euphorisant sur la population vénézuelienne" pour mesurer la dose de haine contenue dans ses propos avant qu’il ne soit coupé dans son élan, sans doute par un commando chaviste. Comme disait Coluche,déja à propos des médias : "quand on a rien à dire il faut fermer sa gueule". Lul