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POUR UN AUTRE ETAT AU SERVICE DU SALARIAT

Publie le dimanche 30 décembre 2007 par Open-Publishing
8 commentaires

Le trajet vers l’alterdémocratie est long, plus long que le pense certains camarades… Est-ce à dire alors qu’il ne faille pas s’aventurer plus avant ? Evidemment cela ne participe pas directement d’une démarche d’ « éducation populaire tournée vers l’action » et encore moins d’un programme électoral.

En décrivant les caractéristiques fondamentales et distinctive d’une « autre démocratie / alterdémocratie : du trajet au but »
http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=58009

je n’ignorais pas les mesures de rupture préconisées par ATTAC ni même celles défendues ailleurs. Reste qu’il n’est pas interdit de se poser la question non seulement de la pleine démocratie représentative mâtinée de démocratie participative (qui semble l’horizon de certaines mesures) mais encore d’une démocratie radicalement différente, une alterdémocratie.

Par contre, ce que j’aurais pu dire de plus en évoquant le trajet c’est de poser la question de l’Etat adapté. Car la théorie de la souveraineté-commission ne suffit pas car le champ économique n’est pas abordé.
« La souveraineté-commission, une théorie transitoire vers l’alterdémocratie ? »
http://www.france.attac.org/spip.php?article7308

Etat adapté à l’alterdémocratie ? Plus qu’un changement de forme de l’Etat ou de régime donc. Question difficile car disons le nettement, l’alterdémocratie ne va pas s’épanouir avec l’Etat démocratico-libéral actuel (1) que l’on connaît mais avec un autre appareil d’Etat est néanmoins nécessaire, largement transformé par l’introduction des syndicats et des associations de consommateurs. La richesse et même accrue de la vie syndicale et associative est un gage contre le totalitarisme.

I - UN « ALTER ETAT » COMME OUTIL D’UNE ALTERDEMOCRATIE

Avant le dépérissement final de l’Etat capitaliste un autre Etat doit advenir : un Etat prolétarien ou un Etat populaire à dominante salariale. Car ainsi que l’indique B Friot, le salariat exploité, dominé, opprimé a vocation à s’ériger en classe universelle et avec lui les autres couches sociales dominées. Ce faisant, au fur et à mesure de la disparition de la bourgeoisie du moins du capital comme rapport social, le salariat libéré modifie les institutions, les institutions politiques et administratives. Une certaine division du travail subsistera mais fort différente de celle appliquée ici et maintenant.

Cela suppose de multiples dépassements sectoriels donc des conquêtes partielles avec effets cliquets ici et là mais aussi au terme d’une période longue de l’établissement de l’hégémonie salariale une rupture révolutionnaire opérant le basculement dans l’autre société et la constitution d’un Etat éco-socialiste articulant la « centrité » (J Bidet) pour la planification éco-socialiste et l’autogestion à la base, les « soviets » dans l’entreprise, les « conseils » dans les quartiers, les assemblées régionales de la planification démocratie des choix de production durables. Car il y aura besoin d’une croissance minimale (alter croissance car productrice de valeur d’usage et non de valeur d’échange liée à une décroissance de la production des armes lourdes) pour assurer le développement des écoles, des transports publics, des logements dignes et spacieux pour tous, des hôpitaux,

Pour cela il faut se battre sans discontinuer pour l’appropriation publique et sociale, pour la démarchandisation de la société sous de multiples aspects. Il faut aussi engager en même temps que la répartition des richesses une force réduction hebdomadaire du temps de travail pour laisser place aux activités citoyennes de construction d’un « autre monde »

II - UN « ALTER ETAT » QUI RECONNAIT LA CONFLICTUALITE DE LA SOCIETE CIVILE

Un Etat laïc éco-socialiste respectera la société civile et sera contre le totalitarisme.

A) Le gage de la reconnaissance de la diversité de la société civile : sans sexisme ni racisme

Dans les dictatures réactionnaires les femmes et les étrangers voient leurs droits réduits. Le sexisme et le racisme se répandent aisément. La laïcité ne sera pas confondue avec la guerre aux religions qui pourront toujours se pratiquer mais en respectant le cadre laïc. On ne peut guère se lancer en conjecture sur le point de savoir si les croyants vont on non s’inscrire dans la dynamique d’émancipation en créant une théologie de la libération. Reste que les éléments réactionnaires faisant le jeu du capital déchu seront contestés comme tous les autres.

Revenons à la société civile : Voici la définition de K MARX : « La société civile embrasse l’ensemble des rapports matériels des individus à l’intérieur d’un stade de développement déterminé des forces productives. Elle embrasse l’ensemble de la vie commerciale et industrielle, d’une étape et déborde par là même l’Etat et la nation, bien qu’elle doive par ailleurs s’affirmer à l’extérieur comme nationalité et s’organiser à l’intérieur comme Etat » in L’idéologie allemande (p 104)

La société civile est clivée par de multiples rapports sociaux dont le plus central est le rapport capital / travail. Les dictatures ont pour point commun de détruire ou « couper les ongles » des organisations de défenses et promotion du salariat. Ecraser la société civile revient en fait à interdire les syndicats et les partis de gauche pour laisser place aux grands patrons influents, aux religions et à leur « dignitaires » à la famille. L’Espagne de Franco, le Portugal de Salazar, la Grèce des colonels, l’Italie mussolinienne, la France de Pétain ont procédé ainsi avec des variations qui tiennent à leurs histoires spécifiques.

B) Contre le totalitarisme

L’Etat éco-socialiste ne reproduira pas le modèle stalinien au sens de l’Etat parti totalitaire.

Il ne s’agira pas de l’Etat d’un parti ni d’un homme. Des mesures seront prises pour contrecarrer la concentration des pouvoirs au sommet de l’Etat. La durée des mandats et leur renouvellement limité après élection (ex : 3 x 3 ans maxi) ne sont qu’une des garanties.
Même la Haute Noblesse d’Etat (cf Bourdieu) perdra ses privilèges bureaucratiques.

Il n’y aura pas d’idélologie d’Etat officielle même si une idéologie dominante aura probablement supplanté la « pensée unique » néolibérale. Il n’y aura pas de presse d’Etat unique.

Il s’agira d’un Etat politique qui laissera place au droit (2), un Etat politique expression de la démocratie et instrument de celle-ci ne recouvrira pas la société civile d’une volonté disciplinaire (y compris contre les anarchistes). Il y aura certes des enjeux de pouvoir autour des médias, autour des polices privées du capital « finissant » comme de la police d’Etat. En fait l’Etat socialiste se construira sur une voie à la fois pacifique (solidarité accrue, plus d’égalité, beaucoup moins d’oppression, répartition des richesses) et conflictuelle. Mais il s’agira d’une conflictualité qui bridera les couches dominantes victimes du partage des richesses.

C) De quelques distinctions

Philippe DUJARDIN in « 1946, le droit mis en scène » distingue (p114) l’Etat total ou totalitaire de l’Etat tutélaire et de l’Etat totalitariste. Son propos concerne les Etats capitalistes.

 Tutélaire est l’Etat qui s’érige en négation des corps intermédiaires traditionnels tout autant que des classes sociales et de leurs organisations. Cet Etat instaure entre le sujet individuel et lui une vacuité qui se donnera pour la garantie de la sûreté personnelle, qui sera, en fait, le lieu où s’abîmeront sûreté, liberté individuelle et collective « sitôt que le souverain le demande » (JJ Rousseau)

Totalitariste : se dit d’une forme caractéristique de l’Etat capitaliste, ou l’on prétend faire pièce à la « frammentarieta » de l’Etat libéral et du syndicalisme libre (Gentile) ou faire retour à l’unité supposé des temps « prépluralistes » (C Schmitt) en abolissant la distinction société civile/ Etat.

Christian DELARUE
Commission « démocratie » d’ATTAC France

Notes :
1) David MANDEL : UNE CRITIQUE DE L’ETAT DEMOCRATIQUE
http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=55814

2) Lire « L’Etat de droit en question » in « L’Etat de droit » : Travaux de la mission sur la modernisation de l’Etat publié sous la direction de Dominique COLAS - PUF nov 1987
Notamment :
  De l’Etat de droit à l’Etat politique par Dominique ROUSSEAU
  Le retour de l’Etat de droit. Le débat en France par Michel MIALLE

Messages

  • Le terme "capitaliste" est de trop dans cette phrase : C’est une erreur.

    Avant le dépérissement final de l’Etat capitaliste un autre Etat doit advenir : un Etat prolétarien ou un Etat populaire à dominante salariale.

    L’Etat du salariat est un Etat post capitaliste, un Etat socialiste. Le dépérissement de l’Etat c’est l’avènement du communisme.

    Etat du salariat ou Etat populaire car dans le salariat il y a une très petite couche qui capte de la richesse via du "salaire" et qui donc n’est pas du salariat dominé et encore moins exploité bien au contraire. Par contre on trouve des couches sociales non salariées, indépendantes qui subissent sous des formes diverses la domination du mode de production capitaliste. A ces nuances près c’est bien le salariat qui est candidat à l’émancipation face à la bourgeoisie.

    CD

  • L’etat est un moyen de domination d’une classe pour imposer ses intérêts sur ceux d’une autre classe (K Marx). Evidemment on parle de l’état "régalien" : Finances, Police, Armée, Justice, Diplomatie ; pas des PTT, Sports ou transports. Les preuves de ce fait sont innombrables et quotidiennes.

    Pour avoir un état au service du "salariat" (pb : Lagardére est salarié... mon voisin paysan n’est pas salarié..), il faut par une prise du pouvoir, violente ou démocratique, sur l’état pour l’utiliser afin faire prévaloir les intérêt du salariat. Attac a encore un peu de chemin à faire pour être crédible sur ce sujet.

    CN46400

    • Bonjour,
      Semer l’illusion que l’Etat est neutre,qu’il suffit de le prendre,de l’occuper pour le mettre au service d’une autre politique,plus a gauche
      ou meme revolutionnaire ;est la pratique politique de la"Gauche" depuis des decennies !!!
      C’est d’un autre "Etat"qui n’est plus l’Etat Bourgeois" dont nous aurons besoin,mais avant il faut se debarrasser de celui
      qui nous ecrase tous !!
      Depuis la Commune de 1871, on n’a pas avançé sur la question,d’abord parce qu’on a refusé la question.

    • Marx disait que l’etat n’est ni neutre ni impartial, mais depuis Marx il s’est passé des choses, ne serait-ce que le statuts des fonctionnaires (M Thorez) qui organise, dans la trensparence les carrières et les émoluments des fonctionnaires d’exécution. Les autres, haute fonction publique, restant dans l’orbite du pouvoir élu, donc révocables à tout moment. Si on n’a jamais eu à déplorer la mort d’un bourgeois dans une manif, c’est pas parceque les CRS sont plus cool avec eux, c’est parceque les bourgeois n’ont pas besoin de manifester pour défendre leurs intérêts. Les lois étant faites par et pour eux.

      C’est pas l’état qui a empéché la gauche d’appliquer une politique de gauche, c’est un "clan" de la gauche qui quand il ne pouvait pas entraver le vote d’une loi, s’employait à en saboter l’application (SRU, loi Hue etc...) ; Par contre celles qui lui convenaient étaient appliquées illico (privatisation FT.....)

      Le pb c’est de savoir quels intérêt on veut privilégier, ceux de la bourgeoisie ou bien ceux du prolétariat, pas de culpabiliser les fonctionnaires.

      CN46400

    • à CN46400

      L’etat est un moyen de domination d’une classe pour imposer ses intérêts sur ceux d’une autre classe (K Marx). Evidemment on parle de l’état "régalien" : Finances, Police, Armée, Justice, Diplomatie ; pas des PTT, Sports ou transports. Les preuves de ce fait sont innombrables et quotidiennes.

      OK

      Pour avoir un état au service du "salariat" (pb : Lagardére est salarié... mon voisin paysan n’est pas salarié..), il faut par une prise du pouvoir, violente ou démocratique, sur l’état pour l’utiliser afin faire prévaloir les intérêt du salariat. Attac a encore un peu de chemin à faire pour être crédible sur ce sujet.

      Lagardère fait parti de cette infime minorité de faux salariés qui perçoivent un « salaire « de captation indue des richesses produites par les salariés ordinaires, captation qui le place parmi les capitalistes (à discuter). Les paysans non salariés subissent la reproduction du capital. Leurs conditions de vie les rattachent pour bcp d’entre eux au salariat qui est la classe qui affronte directement le patronat et qui est de très loin majoritaire dans la société ; Le capital crée partout l’extension du salariat et la réduction en nombre de la petite bourgeoisie traditionnelle.
      ATTAC a évidemment pas de « leçons à donner ». Mais le débat permet d’avancer.

       - - - - -
      à 86 201

      Semer l’illusion que l’Etat est neutre, qu’il suffit de le prendre, de l’occuper pour le mettre au service d’une autre politique, plus a gauche ou même révolutionnaire ; est la pratique politique de la"Gauche" depuis des decennies !!! C’est d’un autre "Etat"qui n’est plus l’Etat Bourgeois" dont nous aurons besoin,mais avant il faut se debarrasser de celui qui nous ecrase tous !! Depuis la Commune de 1871, on n’a pas avançé sur la question,d’abord parce qu’on a refusé la question.

      D’accord. L’Etat n’est pas neutre et il ne suffit pas de le conquérir et l’occuper pour le mettre au service du salariat. L’Etat au service du salariat n’est plus l’Etat capitaliste. Il est sous le contrôle des délégués des conseils lesquels sont eux-mêmes contrôlés par la base pour éviter la formation d’une couche bureaucratique qui exproprie le salariat- producteur.

      D’accord avec la réponse de CN46400 qui distingue les fonctionnaires d’exécution au sens très large du terme de la Haute Noblesse d’Etat (cf Bourdieu dans la Misère du monde notamment)

      Christian D

    • pour continuer :

      QUE FAIRE DE LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE ?

      I - La Noblesse d’Etat avatar d’une société qui reproduit les inégalités

      On doit à Bourdieu des études très fouillées sur la Noblesse d’Etat. La Révolution française n’aurait-elle pas terminé son « travail » ? Oui et non ! La différence entre la noblesse d’hier et celle d’État est que la première était héréditaire alors que la seconde se recrute par concours.
      Un pas immense est franchi. Un tel saut qualitatif représente bien un changement radical de société que l’on ne saurait oublier car un retour en arrière est toujours possible. La Révolution bourgeoise a bien alors terminé son travail mais (2) en bloquant brutalement sa dynamique interne profonde qui n’entendait nullement laisser le Tiers-état dans la même situation sous un autre nom : peuple puis classe ouvrière, puis salariat.

      Ce qui légitime la constitution d’une « élite » d’une Noblesse d’Etat (qui n’est pas nécessairement la bourgeoisie) c’est le discours sur l’égalité des chances. L’égalité des chances est bien la mystification qui sert de paravent à l’acceptation des inégalités. Tony Andréani et Marc Féray l’ont démontré dans un ouvrage marquant (1). « L’opposition entre l’égalité des chances et l’égalité des conditions, évoquée par Minc, se rattache directement à l’opposition classique entre égalité formelle et égalité réelle ». Car les libéraux ont une vision statique de l’individu. D’ailleurs, la réprésentation-modèle de l’égalité des chances c’est la ligne de départ d’une course ou tous et toutes sont alignés à égalité. Le modèle étant un peu cru (quoique conforme à son idéologie) alors certains ont cherché une « juste égalité des chances » qui compensent plus les handicaps génétiques que les handicaps sociaux. En fait, « plus la structure sociale sera égalitaire et moins le travail de compensation des handicaps de naissance sera ardu » Le véritable combat est là.

      II - Autonomie relative des « sommets de l’Etat » ?

      La la Haute fonction publique – HFP- est composée des membres du Conseil d’Etat, de la Cour des comptes, de l’inspection des Finances, de la Préfectorale, de la Diplomatie, de l’Administration centrale et d’autres « Grands Corps de l’Etat » ainsi qu’il est coutume de dire.

      Le communisme comme mouvement réel visant à la destruction de l’ordre inégal se doit de savoir ce qu’il fait de la Haute fonction publique.
       Est-elle une couche sociale instable majoritairement perméable aux revendications du reste salariat dominé, les employés, ouvriers, cadres moyens et même pour parti la couche des cadres supérieurs (les A+ de la FP sont à la fois dominés et dominants mais de façon variable : un inspecteur principal – IP - sera plus « dominé » que « dominant ») ?
       Est-elle le relais de la bourgeoisie à force d’une part de proximité (privée) voire de symbiose et d’autre part de « pantouflage » (professionnel) entre le public et le privé ?

      III – L’analyse d’Yves ROUCAUTE

      Elle concerne le seul PCF car bien implanté dans la société civile française et parfois dans l’appareil d’Etat (mais tout « communiste » au sens de participant au mouvement conscient d’abolition du capital a intérêt à s’approprier les leçons de cette histoire). Dans son ouvrage « Le PCF et les sommets de l’Etat » Y ROUCAUTE montre que l’analyse et l’attitude historique du PCF a varié en fonction de sa proximité avec le Pouvoir d’Etat. L’ouvrage écrit en 1981 ne dit rien des conceptions de la HFP des membres du PCF nommés par la suite ministre ou secrétaire d’Etat, ni quels rapports ils ont entretenu avec la Haute Fonction publique entre 1981 et aujourd’hui.

      IV – Que faire ?

      Il faut « modifier la composition de la haute fonction publique, son mode de recrutement fondé sur la seule excellence scolaire, de façon à rompre sa proximité avec les classes aisées » dit Yves SALESSE Haut fonctionnaire, coprésident de la Fondation Copernic (3).

      Ne pas oublier d’abolir les privilèges du « train de vie » de ces hauts fonctionnaires : appartements luxueux sous payés pour certains, voitures « de fonction » hors mission.

      La féminisation de la HFP et son ouverture aux couches populaires sont nécessaires.

      Mais le problème majeur reste de donner contenu aux missions de service public, à celles qui n’en ont plus (accueil des migrants par exemple) et en donner d’autres à celles qui sont dévoyées (Police par exemple). Une telle réorientation bouscule ce qui est possible pour l’Etat capitaliste.

      Christian DELARUE
      chrismondial blog

      Notes :

      1) « Discours sur l’égalité parmi les hommes : Penser l’alternative » .L’Harmattan 1993.

      2) Daniel Bensaid dans « Moi la Révolution » montre bien cette dynamique qui perdure.

      3) Yves Salesse, Réformes & Révolution, Propositions pour une gauche de gauche, Agone, 2001

    • L’altermondialisme a mis l’accent sur d’autres question que celle de la transition au socialisme ou d’éco-socialisme (si l’on introduit la question écologique). Du coup ce moindre intérêt pour cette question génére des approximations et des erreurs. Vu l’état actuel des débats, j’assume mes faiblesses. Ainsi, si l’on choisi un type d’analyse comme celles de Mandel alors un "oubli" est à noter .

      D’après Ernest MANDEL, la société post-capitaliste issue de la rupture avec l’Etat bourgeois ne peut pas être ‘socialiste’ dans un seul pays . En conséquence il s’agit simplement une société de transition entre le capitalisme et le socialisme. Le concept de "transition au socialisme" ( introduit après la révolution d’Octobre) différe de la notion de socialisme comme ‘transition au communisme’ que l’on peut trouver chez Marx. Je n’ai pas abordé cette question pour faire l’économie d’un débat.
      Les implications de la notion de transition

       S’agissant de la SOCIETE : La transition au socialisme implique une réalité ‘ni capitaliste ni socialiste’. La principale caractéristique que Mandel mettait en avant pour illustrer le caractère non-socialiste des sociétés de transition au-delà du déni absolu de tout pouvoir de décision des travailleurs, était la persistance de l’argent et des catégories marchandes. Symétriquement, il voyait la preuve du caractère non-capitaliste de ces sociétés dans les limites mêmes de la domination de la loi de la valeur et dans la substance non marchande de la planification soviétique.

       S’agissant de l’ETAT : L’État en transition’ a un contenu de classe contradictoire. Le seul fait ‘certain’ est que la bourgeoisie n’est plus dominante, car si elle l’était, ou si elle le redevenait, la société ne serait plus ‘en transition’. Mais des ‘aspects bourgeois’ de l’État de transition existent bien. Relèvent d’un État ‘bourgeois’ selon Trotsky l’existence-même d’un appareil d’État séparé, et le droit égalitaire ‘formel’. En outre, dans la transition, l’État devra protéger certaines formes de propriété privée, etc..

      Christian DELARUE

      chrismondial blogg

    • DIFFERENCIATION ETAT / REGIME POLITIQUE.

      Nicolas BENIES in L’ Après libéralisme (PEC La Brèche 1988 p 30 et 31)

      Dans les faits la politique d’austérité est contradictoire avec la nécessité pour le régime politique d’apparaître légitime aux yeux de la grande masse des citoyens . Les nécessités de l’accumulation obligent l’Etat à remettre en cause les conquêtes de la classe ouvrière, et donc à ne plus apparaitre comme l’arbitre entre les classes . C’est pourtant l’intérêts des régimes politiques.

      La différenciation Etat / régime politique est issue de l’analyse de Marx dans le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte qui montre que le régime politique incarnant l’Etat à un moment donné peut se constituer contre la bourgeoisie et s’appuyer sur la classe moyenne. C’est la quintessence de cet adage : "La bourgeoisie règne mais ne gouverne pas "(1), du moins le plus souvent. La bourgeoisie délègue ses pouvoirs politiques pour conserver l’essentiel : les rapports de production capitalistes. Ainsi, et Marx en fait une brillante démonstration le régime politique apparait au-dessus des classes alors que la nature de l’Etat reste capitaliste.

      Cette analyse eminamment dialectique a été souvent mal perçue, beaucoup d’auteurs ont cru discerner deux définitions de l’Etat (2), alors que Marx part de la définition abstraite de l’Etat, "capitaliste collectif en idée", pour appréhender le régime politique qui représente la forme de l’existence de l’Etat. Il s’agit donc de deux niveaux d’abstraction différents, mais qui ne se conçoivent pas l’un sans l’autre.

      Ce qui permet de comprendre que la politique étatique qui correspond aux nécessités de l’accumuation du capital, de sa valorisation, prime sur les nécessités de la légitimation. Car pour apparaître légitime, un gouvernement doit pouvoir satisfaire quelques revendications des travailleurs ("le grain à moudre" pour parler comme les dirigeants syndicaux réformistes) et, plus généralement, être perçu comme le garant des acquis, par l’intermédiaire de lois et donc du développement du droit, en particulier du droit du travail. Toutes choses qui expliquent l’abandon des politiques de relance keynésiennes, adéquates à la longue période decroissante mais qui ne répondent plus aux nécessités de l’accumulation en période de crise. Et aussi ce que les politologues appellent "l’usure des équipes au pouvoir", qui provient directement de la mise en oeuvre de la politique d’austérité, conduisant aux attaques répétées contre le niveau de vie et les conditions de travail de la majorité de la population. Ce n’est que pendant la période dite de prospérité (les "Trente Glorieuses", qui n’ont pas duré trente ans et n’ont pas été glorieuses, sinon pour l’accumulation capitaliste) que les impératifs de l’accumulation et de la légitimation ont pu coïncider.