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Suite au vote de la LEN au Sénat

Publie le mercredi 14 avril 2004 par Open-Publishing

La LEN est une loi dangereuse qui fait le jeu des censeurs, des intérêts industriels et d’une France que la liberté d’expression a toujours dérangé.

Les associations à l’initiative de la Lettre Ouverte adressée le 6 avril à Patrick Devedjian, à Jacques Chirac et à tous les présidents les groupes parlementaires pour demander le report de ce texte fourre-tout et dangereux prend note de la volonté du gouvernement Raffarin III de poursuivre dans le non-dialogue.

A l’issu d’un pseudo débat consensuel, le Ministre Devedjian a souhaité faire voter à la hussarde un texte déséquilibré, profondément contesté, qui aura, tout le monde le sait, des conséquences désastreuses pour les libertés d’expression, d’opinion et d’information sur internet. Sans apporter aucune solution aux problèmes qu’il prétend résoudre.

Les quelques trente associations de défense des libertés, d’acteurs des réseaux et de syndicats signataires l’avaient dit dans leur Lettre Ouverte. Nous le réaffirmons. La LEN offre tous moyens aux censeurs de tous poils, aux industriels de la culture et de la communication, aux multinationales et aux VIP soucieux de leur précieuse image, et plus généralement à tous ceux qui ne tolèrent pas la critique et la dissension. Elle n’en laisse aucun aux internautes et à la société civile pour défendre leurs droits. Le résultat sera une inévitable inflation judiciaire, et une mise en coupe réglée de l’internet non-marchand.

Ce gouvernement, comme d’autres avant lui, entend contrôler internet. Pour ce faire, il rend pénalement et civilement responsables les fournisseurs, hébergeurs et gestionnaires de listes et de forums de discussion. Il les oblige, dans le doute, à censurer préventivement tout contenu qui leur sera signalé comme non pas « illégal » mais « illicite. » C’est le moyen de faire taire la société civile qui a trouvé dans internet le média d’expression et d’information dont elle avait besoin.

Il est inacceptable et dangereux que des prestataires, dont la mission est technique, puissent à la place du juge décider de ce qui est « illégal. » A plus forte raison juger de l’« illicite », sans que celui-ci soit défini (Art. 2 bis- I- 2 et -3). Les jurisprudences passées l’ont assez démontré. Dès qu’il s’agit d’atteinte à la morale, d’atteinte à l’image d’une personne ou à celle d’une entreprise, ou de droits de propriété, les juges eux-mêmes se contredisent.

Il est inacceptable et dangereux que la loi pousse l’autorité judiciaire à imposer aux prestataires ­ en premier lieu aux hébergeurs ­ une censure préventive des contenus avant même qu’ils n’aient été jugés et hors tout débat contradictoire.

Il est inacceptable et dangereux que le délai de prescription de trois mois, garde-fou de la liberté de la presse depuis 1886, ne s’applique pas aux publications sur internet. Prétendre, comme le fait la LEN, qu’il s’applique une fois ces publications suspendues est une mascarade indigne (Art. 2 bis ­ IV bis).

Il est inacceptable et dangereux que la détention et la mise à disposition de certains outils et programmes informatiques nécessaires à la sécurisation des machines, puissent être assimilées à l’intention d’en user à des fins délictueuses (Art. 34).

La voie choisie par le ministre et le gouvernement Raffarin n’est ni celle de la « république numérique », ni celle de la démocratie. C’est celle de l’arbitraire et de la censure. C’est celle d’une réduction toujours plus inquiétante de la présomption d’innocence et des principes fondateurs de la justice.

Une Commission mixte paritaire va avoir lieu avant la validation finale du texte par l’Assemblée. Nous appelons tous ceux au nom de qui politiques et lobbies industriels prétendent parler ­ les prestataires techniques, les internautes, les acteurs des réseaux et de la société civile, les auteurs, les artistes, les informaticiens ­ à refuser cette loi d’esprit sécuritaire niant les droits les plus fondamentaux.

Nous les appelons à manifester leur mécontentement auprès de tous ceux qui soutiennent la LEN et qui se félicitent de son passage.

Fédération Informatique et Libertés, Globenet et La Ligue Odebi

Lettre Ouverte
 http://www.vie-privee.org/comm265

Contacts Presse
La FIL : ca@lafil.org

Informations et Actions
 http://www.vie-privee.org
 http://www.odebi.org ­ Pétition contre la LEN
 http://www.iris.sgdg.org ­ Pétition contre la LEN
 http://odebi.org/boycothon ­ Boycothon contre l’e-censure

Le texte actuel
 http://ameli.senat.fr/publication_pl/2003-2004/144.html

Principales dispositions

Chapitre II ­ Les prestataires techniques Article 2 bis I. ­ 2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage [] de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.

3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible. L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.

[...] 7. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. Le précédent alinéa est sans préjudice de toute activité de surveillance ciblée et temporaire demandée par l’autorité judiciaire.

[...] 8. L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

[...] Article 2 bis ­ IV bis (nouveau). ­ Les dispositions des chapitres IV et V de la loi du 29 juillet 1881 précitée sont applicables aux services de communication au public en ligne.

Toutefois, l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par ladite loi se prescriront après trois mois révolus, à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message susceptible de déclencher l’une de ces actions.

La prescription acquise dans les conditions prévues par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 précitée demeure applicable à la reproduction d’une publication sur un service de communication au public en ligne dès lors que le contenu est le même sur le support informatique et sur le support papier

[...] Article 34

I. ­ Après l’article 323-3 du code pénal, il est inséré un article 323-3-1 ainsi rédigé : « Art. 323-3-1. ­ Le fait, sans motif légitime, d’importer, de détenir, d’offrir, de céder ou de mettre à disposition un équipement, un instrument, un programme informatique ou toute donnée conçus ou spécialement adaptés pour commettre une ou plusieurs des infractions prévues par les articles 323-1 à 323-3 est puni des peines prévues respectivement pour l’infraction elle-même ou pour l’infraction la plus sévèrement réprimée.