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TERRORISME & POUVOIR

Publie le mardi 20 avril 2004 par Open-Publishing
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« Les barons de France, les clercs et les laïcs, convirent entre eux qu’en
toute cité qui ne voudrait pas se rendre, tout le monde, dès qu’elle
serait prise, serait passé au fil de l’épée et tué »[Chronique de la
croisade des Albigeois]

On a pu lire, après l’attentat du 11 mars 2004 à Madrid, que ce jour là,
"le prix de la vie humaine avait baissé". C’est une analyse d’amnésiques.
Oublier les cortèges d’horreurs provoqués par les luttes de pouvoir tout
au long de l’histoire, c’est perdre de vue les causes fondamentales qui
conduisent aux massacres et se condamner à répéter ad vitam aeternam "plus
jamais ça" sans que rien ne cesse. L’histoire du terrorisme n’est en effet
rien d’autre que l’histoire du pouvoir, de sa conquête, de sa
consolidation et de sa défense. Mais l’idéologie dominante a enterré le
véritable sens historique et politique de la Terreur pour en galvauder le
terme et le détourner de sa signification profonde. Il y a cela plusieurs
raisons.

La corrélation entre Terreur et Pouvoir est évidemment de nature à
remettre en cause les bases du centralisme et de l’impérialisme qui sont
les fondements de l’État, qu’elle que soit sa forme. Par conséquent,
l’amnésie est souvent volontaire, car cette corrélation est à l’opposée du
discours dominant qui consiste à s’en remettre au Pouvoir pour se protéger
de la Terreur. Cette amnésie et nécessaire pour pouvoir présenter les
démocraties bourgeoises comme un rempart, grâce à la baguette magique
antiterroriste que serait le bulletin de vote.

LA DOCTRINE DE LA TERREUR

Pourtant, ces mêmes démocraties sont nées d’une force centripète -le
centralisme- et d’une force centrifuge -l’expansionnisme-. Comme tous les
États, tyrannies ou démocraties, elles ont organisé ces forces pour
imposer les ambitions de la classe dirigeante. Invariablement, cela s’est
traduit par l’apparition d’une armée, de forces de répression, qui ont
utilisé et qui utilisent la Terreur comme instrument de soumission et
d’assujettissement des populations.

Dès la Grèce antique, berceau de la démocratie et cœur de la polis
citoyenniste, nous voyons se déchaîner la violence étatiste la plus
bestiale. Alexandre de Macédoine, élève d’Aristote, pour assurer son
hégémonie en Grèce, fait raser la cité de Thèbes, puis, pour asseoir son
autorité sur l’Asie, fait brûler la ville de Persépolis. Dans les deux
cas, l’armée macédonienne -qui pratiquait les assemblées générales et le
droit de vote- violera, torturera et assassinera systématiquement les
habitants.

Gengis-Khan, Ivan le terrible, Pizarre, consolideront leur pouvoir sur de
nouveaux sujets par des massacres épouvantables. Dans chacun de ces
exemples -et il y en a bien d’autres-, il s’agit de soumettre par la peur
les populations en leur infligeant une commotion psychologique terrifiante
afin de les écraser sur le plan mental et de leur enlever toute velléité
de rébellion ou d’opposition. Ceci est la base de la Terreur politique.
Pour persuader ses propres troupes d’employer la Terreur, le pouvoir va
utiliser diverses idéologies. Les nationalismes et les religions ont
périodiquement servi de soubassements aux ambitions et aux délires de la
tyrannie. Ce fut le cas des croisades. Que dira le légat du Pape pour
justifier l’extermination des habitants de Béziers en 1209 ? "Tuez-les
tous, Dieu reconnaîtra les siens" ! Pour les mêmes raisons d’intimidation,
l’Inquisition dans les pays catholiques, mais également Calvin à Genève,
puis les Jacobins en France mettront cette terreur à l’ordre du jour.

L’Espagne en 1936 va subir une croisade à la fois nationaliste et
religieuse. L’Allemagne nazie et la Russie stalinienne amalgameront des
notions nationalistes et "scientifiques" pour parvenir à leurs fins ; la
"science" faisant dans ce cas office de religion. La propagande
massivement utilisée par ces dictatures va s’attacher à justifier la
politique de terreur pour pouvoir la revendiquer. Il est en effet
important pour les dictateurs que leur cruauté soit connue afin
d’affaiblir psychologiquement le camp adverse, pour lui faire peur et le
paralyser.

Les stratégies militaristes, dont les finalités sont soit de défendre soit
de conquérir un pouvoir, ont toujours pris en compte ce qui précède. Leurs
buts, la conquête ou la défense du pouvoir, sont toujours les mêmes. Leurs
deux moyens principaux aussi. Le premier vise à impressionner et
déstabiliser l’adversaire, c’est la guerre psychologique, dont fait partie
la Terreur. Le deuxième cherche à faire l’unité dans son propre camp
 autour du chef, autour du pouvoir- contre l’ennemi, c’est le rôle de la
propagande.

La doctrine stratégique de l’ère industrielle est une doctrine de Terreur
qui associe ces deux composantes en intégrant les technologies nouvelles :
les médias et les armements modernes. L’Espagne fut sur ce plan un terrain
d’essai. Le général fasciste Queipo de LLano fut le premier à se servir à
Séville de la radio à de telles fins de propagande, les bombardements
aériens de Madrid, à l’automne 1936, furent avec ceux de Guernica, les
premiers bombardements de ce type imposés à une population civile. Ils
signeront d’ailleurs la fin de la guerre frontale qui avait atteint son
paroxysme durant la guerre de 14-18. Le choc psychologique était également
le but recherché lors des bombar-dements incendiaires sur les populations
civiles de Londres, de Dresde ou lors des bombardements nucléaires sur le
Japon. Les protagonistes du deuxième conflit mondial ont appliqué les
mêmes stratégies, mais, alors que les Alliés appliquent la terreur pour
obtenir la soumission, les puissances de l’Axe se sont servi de la terreur
non pour soumettre mais pour anéantir et liquider physiquement des
populations civiles.

Lors de la guerre froide, on parlait d’équilibre de la terreur pour
évoquer une partie de poker diplomatique menée par les dirigeants des
grandes puissances qui prenaient en otage la population mondiale. La
planète entière a vécu pendant des décennies sous la perpétuelle menace de
bombardements nucléaires. La montée en puissance de cette course aux
technologies mortifères, est toujours un facteur important de la
croissance du capitalisme qui profite de cette production industrielle.
C’est ainsi, sous la pression d’un lobby militaro-industriel, que se sont
mises en place les politiques nucléaires -civiles et militaires- du XXème
siècle.

MADRID & LA DOCTRINE STRATEGIQUE DE LA TERREUR MODERNE

Le 11 mars 2004, Madrid n’a pas subi un "attentat" mais un bombardement.
Que les bombes proviennent d’une soute d’avion ou de valises est
effectivement secondaire. Ce qui est essentiel, c’est que ce n’est pas une
cible bien déterminée qui était visée mais, bien au contraire, le tout
venant. Nous pouvons y reconnaître tous les ingrédients de la doctrine
stratégique de la Terreur moderne : le massacre, le choc psychologique, la
guerre médiatique, la propagande et la contre-propagande. Et, pour bien
signer le tout, on y retrouve également les conséquences politiques qui en
découlent, dans la droite ligne de la célèbre phrase de Clausewitz selon
laquelle la guerre est la continuation de la politique par d’autres
moyens, c’est-à-dire ici le retrait des troupes espagnoles d’Irak. Ceci
démontre, si besoin en était, à quel camp appartient Al Quaïda : celui des
puissances internationales qui règlent leurs différents avec le sang des
autres. Nombre de travailleurs et leurs familles, en Espagne, mais aussi
en France et dans le reste de l’Europe, ne s’y sont pas trompés : ce sont
bien des mots d’ordre pacifistes -et non de vengeance- qui ont dominé les
manifestations de solidarité avec les victimes du 11 mars.

Mais, la
propagande du pouvoir n’a pas non plus perdu de temps pour marteler que la
"meilleure arme contre le terrorisme", c’était le vote. Les élections du
14 mars aux Cortes ont montré qu’une partie des pacifistes espagnols se
sont engouffrés derrière ce mot d’ordre. Ils sont là victimes d’une
illusion de plus. Pour gagner la paix, il ne suffit pas de gagner une
bataille électorale. Le 11 mars est le produit d’un affrontement entre
deux impérialismes qui se fait sur le dos des travailleurs du monde
entier. Cet épisode de défaitisme réformiste qu’à connu l’Espagne ne doit
pas masquer l’essentiel : la paix ne se gagne pas avec un bulletin de
vote.

D’abord, parce que le vote peut être le moyen de choisir une politique
sanglante. L’exemple du gouvernement israélien, élu dans le respect des
règles, qui met l’assassinat politique au rang de mesure de simple police,
est là pour le rappeler quotidiennement si besoin en était. Mais surtout
parce que la meilleure arme contre la guerre, si c’est de cela qu’on
parle, reste les principes de base libertaires qu’il convient encore et
toujours de diffuser. Et cela, non seulement parmi les populations de la
sphère occidentales, anesthésiées par la propagande, mais également parmi
celles sous influence de l’autre camp. Il ne s’agit pas pour les exploités
de prendre partie et d’être ballottés dans un camp ou dans l’autre en
fonction des épisodes sanglants qui se succèdent. Au contraire, ce n’est
que lorsque tous les exploités du monde entier seront convaincus de la
pertinence de l’internationalisme, du rejet de l’exploitation, de la
tolérance entre les êtres humains et de la solidarité que la Paix aura une
véritable chance.

LE DROIT DES ASSASSINS

On a vu ci-dessus que pour justifier sa terreur, le pouvoir a besoin d’une
propagande efficace. Massacrer autrui simplement parce qu’il est étranger
ou mécréant ne suffit pas pour convaincre ses propres troupes de
poursuivre longtemps un massacre. Il est nécessaire de prouver que ce qui
lui arrive n’est qu’un châtiment mérité. En clair, il faut affirmer que
non seulement l’individu massacré pense mal mais qu’en plus "il l’a bien
cherché". Cette justification des guerres et de leurs horreurs, après
avoir été le fait des religions et des nationalismes, est mainte-nant
sacralisée par le "droit inter-national" avec le concept de "guerre
juste", alors qu’il ne s’agit, ni plus ni moins, que du droit des
assassins. Toutes ces arguties juridiques, dont les médias nous rebattent
les oreilles, témoignent de la nécessité dans laquelle se trouve le
pouvoir de mentir sans relâche et d’inverser le sens des mots.

Ce n’est pas nouveau : Goebbels, ministre hitlérien de la propagande,
avait poussé le paradoxe au plus extrême en qualifiant de "terroristes"
tous les individus qui résistaient au terrorisme nazi. A sa suite, des
milliers de résistants qui ont combattu la terreur blanche, rouge ou brune
ont été qualifiés à leur tour de terroristes pour mieux être assassinés.
Le même procédé vaut pour toutes les politiques répressives qui atteignent
les exploités et épargnent les dirigeants. La lutte contre l’idéologie de
la terreur demande d’être très attentifs à tout, y compris aux mots qu’on
emploie. Comment accepter en effet que soient qualifiés de "terroristes"
ceux qui ne sont en fait que des résistants à l’oppression ? Comment
accepter que soient promus "défenseurs de la liberté" (de la démocratie,
de la justice, ou de tout ce que l’on voudra) ceux qui font mourir des
milliers et des milliers d’innocents sous des tapis de bombes comme en
Irak, qui ont formé des tortionnaires en série comme en Argentine, ou
financé l’achat de machettes destinées à découper vivants plus d’un
million d’hommes, de femmes et d’enfants au Rwanda ?

Messages

  • Beaucoup de caractères dactylographiés pour dire QUOI ?
    Suis-je bête de ne pas avoir compris, êtes-vous contre le vôte ? Contre toutes formes d’états, suggérez-vouus l’anarchie qui n’est pas mieux que le terrorisme.
    ALLONS SOYONS CLAIRS ET NON POUJADISTES !
    ESSAYONS QUE LES JEUNES PUISSENT VOIR CLAIRS DANS LA DEMOCRATIE, NE JETTONS PAS DE LA POUDRE AUX YEUX POUR RENFORCER L’ABSENTEISME DANS LES ISOLOIRS.
    La FRANCE devrait, comme la BELGIQUE, rendre le vôte OBLIGATOIRE, celà empécherait d’avoir plus de 80 % à une " certaine " élection présidentielle...
    De la part d’un EUROPEEN PACIFISTE, qui souhaite un monde PACIFIQUE SANS TERROSISME !