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Le pouvoir représentatif est nu

Publie le mardi 29 janvier 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

A VERSAILLES, LE 4 FEVRIER

En ce début d’année 2008, l’adoption très probable par le parlement du traité de Lisbonne, maquillage du traité établissant une constitution pour l’Europe rejeté par les Français en 2005, illustre la nature des institutions de la République. Considérant que :

 les français ont rejeté un précédent texte en mai 2005 ;
 le nouveau texte, qualifié couramment de "traité simplifié", est en substance un équivalent au texte précédemment rejeté (cf. l’avis rendu par le conseil constitutionnel, par exemple).

Le parlement réuni en congrès à Versailles, le lundi 4 février, s’il remplit sa fonction de représentation de la volonté du peuple (souverain selon la constitution), n’a que deux options :
 ou se prononcer contre la modification de la constitution nécessaire à l’adoption ultérieure par le parlement du "traité de Lisbonne" ; et ainsi forcer l’utilisation de la voie référendaire ;
 ou, à défaut, autoriser le vote par le parlement en modifiant la constitution, et ensuite rejeter le traité lors du vote au parlement.=

Cette situation, si l’on y regarde un peu, met en évidence la vraie nature de ce que l’on appelle couramment « démocratie », parfois qualifiée de « représentative ».

Démocratie : « Les démocraties contemporaines sont issues d’une forme de gouvernement que ses fondateurs opposaient à la démocratie »* ; il faudrait faire l’histoire de l’adoption (en contrebande ?) du terme de « démocratie » pour qualifier nos régimes de gouvernement.

Représentation : il faut en fait comprendre « distinction » ; le principe de la désignation des représentants par l’élection, au suffrage universel ou censitaire, a pour effet de consacrer au pouvoir une artistocratie/oligarchie ; c’était l’objectif ouvertement recherché à la fin du XVIIIe siècle, et ceci est maintenant occulté en partie par l’adoption du terme de « démocratie », suite à l’adoption du suffrage « universel ».

L’illustration pratique actuelle est cet état de fait, où, les représentants du peuple « souverain » pourront, sans être véritablement inquiétés, aller contre la décision de la population/peuple français(e), en 2005, de rejeter le projet de traité européen. Le sentiment d’impuissance que certains d’entre nous doivent sûrement éprouver, doit permettre l’émergence d’une analyse de la nature du pouvoir institutionnel.

Cette impuissance institutionnelle, bien réelle, corrélat du régime de gouvernement représentatif, est le produit historique de la division du travail politique, solidaire de l’imposition d’une définition légitime de l’activité politique, justement celle des « hommes politiques » qui en font profession.

Ce 4 février, allons à Versailles.

* Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif

Correspondance : plusieurs qLo yahoo.fr

Messages

  • Très bon ça "Ma’Ménard"
    Bien sûr que ce à quoi nous allons probablement assister le 4 doit être une bonne occasion pour réfléchir sur les notions de "démocratie représentative" (et démocratie "participative" je t’en parle même pas) - suffrage "universel" également etc etc.
    La Louve

    • Oui. C’est je pense le sens de la phrase "doit permettre l’émergence d’une analyse de".
      Le travail de Manin, cité dans l’article, est particulièrement intéressant, du moins dans la première partie : l’histoire de la notion de "démocratie", et de sa mise en pratique, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Il est particulièrement intéressant de voir que des penseurs comme Rouseau, Montesquieu ou Harrington, associaient clairement "désignation des magistrats (au sens large) par le tirage au sort" avec "démocratie", et "élection" avec "aristocratie".

      Le tirage au sort est en effet le (ou un des) piliers de la démocratie athénienne (en combinaison avec la rotation rapide des charges). Les athéniens voulaient éviter l’apparition d’un corp de profesionnel de la politique (ie une division du travail politique), et ceci non pas en comptant sur la vertu des hommes, mais en fabriquant des règles de fonctionnement appropriées.

      Alors oui, le 4 est une bonne occasion de réfléchir sur cette notion de "démocratie", et tout les syntagmes qui ont pu être fabriqué à partir de ce mot (dont ceux que tu cites, "démocratie représentative", "participative", etc...).

      Point de méthode : il semble que faire l’histoire des concepts est un moyen efficace pour se défaire des illusions qu’ils peuvent véhiculer. "Il faudrait faire l’histoire de l’adoption (en contrebande ?) du terme de démocratie pour qualifier nos régimes de gouvernement". C’est le manque du livre de Manin, mais il a le mérite de poser clairement de très bonnes questions, et d’apporter quelques réponses.

      Bien à vous.