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Traité simplifié et l’affaire Société Générale : hypocrite indignation

Publie le vendredi 1er février 2008 par Open-Publishing

La nouvelle est plutôt rassurante, à première vue.
À en croire Le Monde (1er février), qui en fait un titre en page intérieure, « l’Elysée et le PS fustigent "le capitalisme financier" ». L’émotion suscitée par l’annonce des pertes de la Société générale du fait des spéculations hasardeuses d’un seul courtier, Jérôme Kerviel [1], n’est évidemment pas étrangère à cette dénonciation. De la part des dirigeants socialistes, c’est bien le moins... Plus étonnante est la soudaine prise de conscience de Nicolas Sarkozy, dont notre confrère donne toutefois bien peu de preuves dans son article, se contenant de citer « l’entourage du président de la République ». Mais passons... car ce n’est pas l’essentiel.

Le pouvoir UMP et la chéferie de Solferino pourraient bien multiplier les déclarations tonitruantes contre la finance irresponsable, proclamer sur toutes les antennes qu’ils vont corriger « l’insuffisance des mécanismes de régulation », toutes ces belles déclarations ne seront que du vent tant que les règles européennes ne seront pas changées. Et il y a quelque inconséquence (pour ne pas parler d’indécence) des la part de ceux qui soutiennent l’adoption du traité de Lisbonne à déclarer comme Ségolène Royal : « Si la privatisation a conduit à des dérives pareilles (...), il faut reposer la question de la responsabilité de l’Etat. »

Car, en l’occurence, le pseudo « mini-traité » va encore aggraver la situation. Sur la « libre circulation des capitaux entre Etats membres et pays tiers », l’orientation du nouveau traité est très claire. Dans sa nouvelle rédaction, l’article 64 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit deux procédures législatives bien distinctes :
 une procédure « ordinaire » associant le Parlement européen et le Conseil (majorité qualifiée) quand il s’agit de faciliter la libre circulation mondiale des capitaux ;
 une procédure « spéciale » relevant du seul Conseil et requérant l’unanimité quand il s’agit de contrarier cette libre circulation.

Avec le traité que l’on veut nous imposer, déréglementer sera facile, réglementer (c’est-à-dire réguler) quasiment impossible puisqu’il faudra l’accord des 27 pays membres [2] pour cela. Les parlementaires qui s’apprêtent à ratifier le traité de Lisbonne l’ignoreraient-ils ? On a peine à le croire.

D’ailleurs, si « parmi les électeurs de gauche comme de droite, il existe une forte demande de régulation, note Stéphane Rozès, directeur général du CSA, deux tiers des Français considèrent que les gouvernements, s’ils le voulaient vraiment, pourraient réguler la mondialisation ». Les électeurs ne sont pas dupes des indignations hypocrites.

(article original sur http://www.pour-politis.org/spip.ph...)