Aristote, du Monde de la philosophie (zaz)

1. Vous lisez, vous, Aristote ?

On vous le disait, à peine Platon bouclé, Le Monde nous collerait illico Aristote à s’infuser et ce serait bien sûr l’Ethique à Nicomaque. Il nous la colle avec deux sous-titres pour aider, l’un sur le bouquin : "Aristote ou les premiers exploits de la raison", l’autre dans le journal : "Aristote ou la prudence du juste milieu". Ces deux sous-titres sont bien trouvés, ils nous donnent valablement, pensons-nous, l’orientation, l’esprit de notre travail de lecture à fournir quand on a décidé de le fournir. Ok ! Mais la question prosaïque qui d’entrée doit préalablement se poser à nous est en vérité fondamentalement la suivante : Qui diable s’intéresse à Aristote dans notre kiosque à journaux du 18e, porte de Clignancourt ? Qui diable peut s’intéresser à lui, ouais ? Le kiosquier est ravi, c’est très bien parti en peu de temps. Zut alors ! En l’espace de trois heures, à quasi 10 euros, il en a placé une douzaine. Zut ! (on l’a déjà dit), mince de mince alors !

Qui a pu faire ça ? Il n’y a pas 12 prof de philo à la porte Clignancourt, d’ailleurs déconne pas, aucun prof de philo n’irait encore s’infusait adulte la peu, comment dire ? "balandelante" (ouais, ça vous va ? faut parler vrai,quand même !) éthique à Nicomaque. Donc on pense aux retraités et préretraités du coin, mais bon ! y a pas plus de raisons que ce soit eux. Alors on se dit, bien sûr, c’est la ménagère de 50 ans. Mais la ménagère de 50 ans, je crois, étudie la télé, pas la philosophie. Après moult réflexions, à confirmer par une enquête scientifique, finalement il nous semble que la lectrice du stagirite (comme on nomme Aristote aussi) c’est la ménagère de 35 ans. Pourquoi celle de 35 ans ? Pour deux raisons, l’une douteuse et l’autre peut-être bonne : première raison, c’est la mieux roulée, autant la choisir elle, deuxio, elle était encore au lycée il y a 17 ans, le truc lui rappelle des souvenirs d’enfance au bac philo : nostalgie pas passée, nostalgie excusée.

Va pour la ménagère de 35 ans, pas forcément pas gai, et pas forcément "desperate" ce qui la tournerait vers d’autres intérêt.

2. Aristote : Ce qu’on va en savoir pour commencer ?

C’est Alain Badiou cette fois qui fait la présentation. Alain Badiou est prof émérite à l’ENS, il est pas là pour rigoler et ce qu’il dit sans être marrant n’est pas mauvais. Il nous rappelle la distinction d’approche radicale entre Platon et Aristote son élève pendant 20 ans, le platonicien est du côté de l’axiome, l’aristotélicien du côté de la réalité observée, de la réalité empirique. Il nous rappelle qu’Aristote n’est pas un radical forcené, mais un homme d’écoute, de modération, de conciliation, un homme prudent et du juste milieu, comme on disait déjà. Que nous rappelle-t-il encore ? Qu’Aristote a ouvert tous les champs d’études de façon encyclopédique (politique, économie, physique, biologie, métaphysique, etc.), en commençant par la logique, qu’il a été énorme et le gourou de toute la (précieuse) scolastique du moyen-âge chrétien, où il était "the" philosophe. Alain Badiou nous dit encore plein de choses intéressantes que vous allez lire dans son texte ( que "être", l’être, se dit en plusieurs sens, etc, etc.)

Il nous dit un truc étrange, dont nous ne sommes pas, nous, si sûr que ça, à savoir que "Tout le monde est aujourd’hui aristotélicien ou presque !" Tout dépend comment s’entend exactement le propos. Nous dirions plutôt spontanément que tout le monde est de nos jours peu ou prou scientifique d’esprit dans un esprit platonicien (la mathématique comme écriture de tout). Il est vrai aussi que c’est Aristote qui nous a mis vraiment pour la première fois à l’étude de la réalité, mais dans un science à sa naissance, curieuse de tout et incertaine de ses méthodes encore.

Ceci pour en venir à l’avertissement suivant : Aristote il faut parfois le suivre, il parle comme on le faisait en son temps, il a les trucs de pinaillage de son temps, il a l’exhaustivité méthodique de son école le lycée. Aristote c’est Aristote, même si en gros on le comprend (nous ne vous faisons pas en douce ici le coup de regretter que le Monde ne vous l’ai pas donné en grec d’origine !). Aristote peut vous paraître laborieux. Nous allons vous aider à lever ce sentiment.

Aristote écrit et n’oublie rien, même les ragots de belle-mère. Aristote dans l’éthique à Nicomaque (Nicomaque c’est son fils, les méchants esprits diront que ça ne s’invente pas) va vous parler de choses presque ordinaires : les vertus intellectuelles, les travers moraux, le plaisir, l’amitié, le bonheur, l’éducation, la politique,...

Il vous fait ça, selon notre impression, comme un traité d’agriculture, comme un ouvrage d’apiculture, bref, Aristote, sans rien oublier, de façon très complète, nuancée, vous fait ça comme un écrit précieux qu’il nous feait sur les confitures. Nous comprenons maintenant l’emprise d’Aristote sur la ménagère tant bucolique qu’urbaine de 35 ans.

3. Brefs aperçus

"Mais le bonheur qu’est-ce que c’est ? ... Pour certains, la réponse est claire et évidente : c’est quelque chose comme le plaisir, la richesse ou l’honneur, quoique la réponse varie des uns aux autres - et souvent même un individu identique change d’avis, puisque, tombé malade, il dit que c’est la santé, et dans l’indigence que c’est la richesse". p. 12-13

"Serait-ce donc qu’un menuisier et un cordonnier ont des offices à exécuter alors que l’homme n’en aurait aucun et serait naturellement sans fonction ? ... Vivre constitue manifestement un office qu’il a en commun même avec les plantes.... L’office de l’homme est l’activité rationnelle de l’âme...." p. 23

"Dans l’hypothèse envisagée, nous ne voulons pas dire que c’est une fois mort qu’on est heureux." p.32

"Le bonheur tient de l’honorable." p. 40

"Rien de ce qui est naturel ne se modifie par l’habitude. Ainsi la pierre qui se porte naturellement vers le bas ne peut prendre l’habitude de se porte vers le haut." p. 46

"Celui qui jouit de chaque plaisir et ne se garde d’aucun devient intempérant, tandis que clui qui les fuit tous, comme font les rustres, devient quelqu’un d’insensible." p.50

"Quant à ceux qui sont amis par intérêt, ils rompent en même temps que disparaît leur profit." p.305

"L’amitié n’est évidemment possible qu’entre les gens de bien." p.306

"Chez les gens acariâtres et proches de la vieillesse l’amitié trouve d’autant moins de place qu’ils sont d’humeur plus difficile et prennent moins de joie aux fréquentations... C’est pourquoi les jeunes devbiennent vite amis mais pas les vieux." p. 309

Bien sûr, un homme utile et agréable à la fois ça existe. p.312

"Dépouiller de son argent un compagnon est plus terrible que dépuoiller un concitoyen, ne pas secourir un frère, plus grave que s’il s’agit d’un étranger et grapper son père plus criminel que frapper n’importe qui d’autre." p.320

"Entre le mari et la femme, l’amitié constitue aussi, semble-t-il, une donnée naturelle. Car l’être humain, par nature, est un être fait pour le couple." p.330

Globalement vous en avez pour 500 pages, nous sommes sûrs que vous allez apprécier. Pensez que les Chinois eux ont Lao Tseu. Pensez que L’Ethique à Nicomaque est de beaucoup le plus gai des 40 bouquins encore disponibles d’Aristote, pensez enfin qu’avant l’incendie de la bibliothèque antique d’Alexandrie on en comptait 400 du même auteur.

Et puis c’est le liant logique qui compte, comme dans les confitures de qualité. Pensez que la preuve que les énarques sont des êtres méchants, c’est que, de mémoire d’homme, on n’en a jamais vu un faire des confitures. Pensez qu’Aristote n’est pas pour l’ENA.

Pensez qu’en dehors de ces multiples qualités, Aristote est présumément l’auteur préféré sur le plan philosophique des ménagères de 35 ans bien balancées.

Il paraît que la semaine prochaine ce sera Descartes !

Au revoir, amis amies, Alain Serge Clary vous salue bien.

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Les Pensées zaz de l’Ocséna

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