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Traité de Lisbonne : un vote élitaire

Publie le vendredi 8 février 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

de PHILIPPE BACH

International L’Assemblée nationale française a approuvé hier le mini-traité de Lisbonne. Le Sénat devait suivre dans la soirée. Une ratification qui fait suite au vote, lundi dernier, du Congrès français – soit la séance plénière des deux chambres haute et basse réunies, nécessaire pour réviser la Constitution française. Ce coup de force démocratique est une victoire de taille pour le président Nicolas Sarkozy.

Celui-ci s’était engagé auprès de ses homologues européens à relancer le processus de construction communautaire après le refus populaire du 29 mai 2005. Mission accomplie, donc. Le parlement français a, de fait, renoncé à soumettre la question aux citoyens, histoire de ne pas courir le risque d’un nouveau désaveu.

L’Europe est un sujet trop sérieux pour un peuple que l’on devine irrationnel et imprévisible. Mieux vaut en discuter entre gens de bonne compagnie et capables, eux, de comprendre ces enjeux. Au-delà du mépris démocratique qu’elle traduit, cette manière de procéder est dangereuse pour trois raisons.

Elle décrédibilise tout d’abord les institutions démocratiques et contribue à forger le sentiment que, « de toute façon, les politiques, ils font ce qu’ils veulent ». Ensuite, du point de vue de l’opposition, elle constitue une nouvelle manifestation d’un effondrement politique et de valeurs. Le Parti socialiste – qui est favorable au traité – avait en effet la possibilité de bloquer la procédure et de laisser, in fine, le peuple trancher.

Une majorité de trois cinquièmes des votants du Congrès était en effet requise. En ajoutant les voix socialistes à celles des Verts, une minorité de blocage était arithmétiquement possible. Et tout à fait possible à assumer politiquement.

Il peut être légitime d’un point de vue de gauche de défendre le contenu de la Constitution européenne ou de son clone, le traité de Lisbonne. Mais cela n’empêche pas d’estimer tout autant nécessaire, compte tenu du vote de 2005, que le peuple ait le dernier mot sur un sujet d’une telle importance.

Le parti de François Hollande a préféré soit de voter avec la droite, soit de s’abstenir – tout comme une partie des Verts –, moins quelques nonistes qui ont tout de même voté le refus avec le groupe communiste. Cela a de fait enterré la possibilité de la voie référendaire. Enfin, en procédant ainsi, il n’est pas certains que le projet européen en sorte grandi. Les citoyens avaient rejeté le traité constitutionnel pour toute une série de bonnes et de moins bonnes raisons.

Un des principes de la démocratie, c’est d’admettre que le peuple a raison, même quand il a tort. A vouloir faire son bonheur malgré lui, on légitime la tendance d’ores et déjà forte de voir dans les institutions européennes une machine de guerre surtout au service de l’idéologie dominante.

Et, la forme conditionnant le fond, ce n’est pas en prenant des raccourcis démocratiques que l’on va inventer une Europe au service du bien commun et des institutions véritablement à même d’entendre et de défendre l’intérêt de ceux qui ont le plus besoin de la protection de l’Etat. C’est-à-dire de la très grande majorité des citoyens.

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Messages

  • "A vouloir faire son bonheur malgré lui..."

    C’est peut-être bien aussi parce qu’il ne ressent et ne vit rien de tel dans son quotidien, qu’il a voté non !

  • Il peut être légitime d’un point de vue de gauche de défendre le contenu de la Constitution européenne ou de son clone, le traité de Lisbonne. Mais cela n’empêche pas d’estimer tout autant nécessaire, compte tenu du vote de 2005, que le peuple ait le dernier mot sur un sujet d’une telle importance.

    Sans vouloir polémiquer je ne vois pas trop de bonnes raisons de gauche d’avoir soutenu la démarche du TCE de 2005 ou celle actuelle qui en reprends l’essentiel.

    Le versant de gauche de l’affaire, il faut vraiment utiliser un microscope puissant !

    L’UMP, le PS, le MODEM et les Verts ont eu une démarche nomenclaturiste, haineuse envers la démocratie, envers la bataille multi-centenaire en faveur de la séparation des pouvoirs, envers les services publics, envers une série de batailles élementaires pour l’humanité et , enfin , ont clamé par ces textes la supériorité des droits des entreprises sur celles des hommes et des femmes.

    Enfin, le seul moment où cet amour indéfectible de la confusion des pouvoirs a eu une faille c’est par l’autonomie de la BCE qu’elle a placé benoitement sous contrôle exclusif de la caste bourgeoise. On est jamais trop prudent.....