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Manipulations antilaiques, par D. Sieffert

Publie le jeudi 14 février 2008 par Open-Publishing
5 commentaires

Manipulations antilaïques
PAR Denis Sieffert
jeudi 14 février 2008

Voilà que l’on nous refait le coup ! Après les caricatures de Mahomet, après Robert Redecker, voici Ayaan Hirsi Ali.

Le cycle provocation, fatwa, médiatisation tourne à plein régime. Cette fois, c’est une jeune femme, ex-députée néerlandaise, aujourd’hui chaperonnée par Bernard-Henri Lévy, qui a droit à toutes les unes des journaux, à tous les plateaux de télévision, à toutes les compassions, à toutes les indignations, à tous les appels au président de la République, au prétexte qu’elle serait l’incarnation de la « laïcité à la française », et pour cela même condamnée à mort par « les » islamistes. À en croire cette présentation, on imaginerait que le sort s’est abattu par hasard sur une victime expiatoire et introvertie, malmenée pour s’être discrètement émancipée de sa religion.

La réalité est très différente. Arrivée aux Pays-Bas en 1992, cette fille d’intellectuel somalien longtemps exilé aux États-Unis a choisi un moment très particulier pour abjurer bruyamment sa religion : le lendemain du 11
septembre 2001.

Oui, comme elle en fit plus tard la confidence à l’Express [1] c’est ce jour-là ­ et pas un autre ­ qu’elle s’est rendu compte qu’elle ne croyait plus en Dieu. Ce qui dénote un sens aigu de la communication, et un goût prononcé pour l’amalgame, puisque, apparemment, l’islam et Ben Laden ne font qu’un.

Forte, donc, de sa notoriété toute neuve, Ayaan Hirsi Ali entre en politique (par la gauche) au sein du Parti du travail des Pays-Bas. Avant, un an plus tard, de bifurquer pour rejoindre le très droitier Parti libéral. La voilà députée, et bientôt collaboratrice d’un cinéaste sulfureux, Théo Van Gogh, connu surtout pour ses provocations misogynes et islamophobes.

Au côté de ce personnage pour qui les musulmans ne sont jamais que des « baiseurs de chèvres », notre égérie de la laïcité concocte le scénario d’un film qui fait scandale.

On y voit ­ paraît-il ­ des femmes dénudées qui exhibent en tatouages des extraits du Coran. On connaît la suite. Le4 novembre 2004, Théo Van Gogh est abattu en pleine rue par un certain Mohammed Bouyeri, qui promet que sa prochaine victime sera Ayaan Hirsi Ali.

Crime épouvantable, et menace qui glace les os, même s’il est le fait d’un homme seul et non « des » islamistes. Il n’en est pas moins vrai qu’à tout instant un autre assassin peut s’extraire de la foule et frapper.

C’est la raison pour laquelle les autorités néerlandaises accordent aussitôt à Ayaan Hirsi Ali une protection rapprochée.

Mais, en 2006, un nouveau scandale éclate autour de la jeune femme. On découvre que son passé n’est pas celui d’une exilée traquée. Son nom n’est pas son nom. Son âge n’est pas son âge ; elle n’a jamais fui la Somalie, mais quitté le Kenya, où d’ailleurs elle n’était pas menacée. Polémique, démission, expulsion. La vraie-fausse Somalienne persécutée se réfugie aux États-Unis, où elle rejoint immédiatement l’American Enterprise Institute, un groupe néoconservateur, proche de George W. Bush (laïque exemplaire, lui aussi !).

La jeune femme écrit ses mémoires, et s’indigne que le gouvernement néerlandais ne veuille plus financer ses gardes du corps jusque sur l’autre rive de l’Atlantique. C’est alors que BHL, Bruckner, Val, Caroline Fourest, boutefeux ordinaires du choc des civilisations, lui tendent des mains toujours secourables.

Invitation à Paris, tournée médiatique, appel à Nicolas Sarkozy [2] : la « France des droits de l’homme » doit accorder la citoyenneté à Ayaan Hirsi Ali ! Les milliers de demandeurs d’asile programmés pour expulsion en 2008, et qui n’ont pas droit à un regard, savent désormais ce qui leur reste à faire : par exemple, à lancer, comme l’ex-députée néerlandaise, un bruyant « Mahomet pédophile ! », à l’effet garanti.

Car, contrairement à ce que déclarait Mme Hirsi Ali à l’Express, elle n’a pas fait que « critiquer l’islam », ni « revendiquer le droit de ne pas croire ».

En France, des centaines de milliers de « musulmans d’origine » ont pris depuis belle lurette leurs distances avec la religion sans pour autant être la cible de « fatwas ».

Elle a manié la provocation, qui, dans un domaine aussi sensible, ne peut guère conduire qu’à cet affrontement dont rêvent ses amis de l’American Enterprise Institute et les hôtes empressés de son escale parisienne.

Cela dit, le mal étant fait, il faut évidemment protéger cette jeune femme.

Mais, de grâce, cessons de l’exposer comme un parangon de vertu laïque.

La laïcité, c’est d’abord une certaine discrétion. La loi de 1905 a organisé ­ espérons-le ­ définitivement la séparation entre les espaces public et privé.

Or, dans cette affaire, ce n’est pas l’islam qui envahit l’espace public, mais la haine de l’islam. Et cela par tous les artifices de la publicité.

Notes

[1] L’Express du 16 mai 2005.

[2] Lequel vient de s’illustrer scandaleusement en allant faire l’apologie de la religion devant le régime wahhabite de Riyad...

 http://www.politis.fr/Manipulations...

Messages

    • Monsieur SIEFFERT a raison de donner un certain nombre d’informations pas ou peu connues sur le parcours de cette dame . Patrice BARDET l’a fait aussi ce 14 février (lien ci-dessus) . Je dois dire que bien que m’interessant de près à ces questions j’ignorais les avantures politico-religieuses d’ Ayann Hirsi Ali .

      " il faut évidemment protéger cette jeune femme."

      C’est effectivement essentiel Monsieur SIEFFERT. C’est une exigence à mettre en premier plan et à surligner et non à cacher en coin d’un paragraphe !

      "Mais, de grâce, cessons de l’exposer comme un parangon de vertu laïque."

      C’est sans doute à raison le but de l’article. Je partage ce point de vue.

      La laïcité, c’est d’abord une certaine discrétion.

      J’approuve et je retiens votre définition qui correspond d’ailleurs à la philosophie de la loi de mars 2004 sur les signes religieux discrets autorisés à l’école, les signes religieux ostensibles étant interdits. La publicité continue et ostensible de l’islam finie par être agaçante et insupportable donc non pacifique. Il en irait de même de tout autre religion.

      Vous avez raison de dire par une sorte de parallélisme des formes que l’affichage de la haine globalisante de l’islam doit être contenu. Et pire encore la haine globale des musulmans.

      " dans cette affaire, ce n’est pas l’islam qui envahit l’espace public, mais la haine de l’islam. Et cela par tous les artifices de la publicité."

      Il faut répéter une fois encore que l’islam est passible de critique et la critique n’est pas la haine car lacritique s’appuie sur des analyses et des arguments et du coup ce qui peut etre condamné ce sont les excès de l’islam. Une bonne critique peut d’ailleurs faire état d’un islam de progrès à côté d’un islam intégriste et d’autres formes intermédiaires. Après tout il existe bien une théologie de la libération pour le chistianisme. Qu’est ce qui empêche d’avoir un jour un islam féministe, démocratique et laic ? Il existe d’ailleurs dans des cerveaux qui ne s’expriment pas suffisamment.

      Christian DELARUE

      Secrataire national du MRAP

  • Ces 2 articles (celui-ci et celui de P.Bardet) sont complémentaires, et mettent en exergue le réel qui se cache derrière ses manipulation médiatique.

    Toutefois, malgré les critiques que l’on peut formuler envers cette femme, il n’en reste pas moins normal de la protéger, étant donné qu’elle est menacée de mort.

    (k)G.B.


    • Meeting en soutien de Mme Ayaan Irsi ALI : BHL est-il fréquentable ?

      BHL était avec Caroline FOURREST et d’autres pour défendre Mme ALI sous les hospices de Charlie Hebdo qui dans son édition du 20 février préfère néanmoins donner la parole à Caroline FOURREST. En soi participer à un débat avec BHL ne pose aucun problème. C’est la longue pratique des "non débats" qui fait problème. Alors oui ou non est- possible de débattre avec cet ex- philosophe devenu personnage médiatique ?

      Ayaan Hirsi Ali : l’Europe des mécréants se réveille.

      http://unecharlie.canalblog.com/

      Voici ci-dessous deux extraits de deux articles de l’association critique des médias Acrimed :ils en disent long sur les méthodes de ce Monsieur. :

      1 « Touche pas à BHL », par Ruquier et Finkielkraut

      http://www.acrimed.org/article2771.html?var_recherche=bhl

      Que dire aussi de la désinvolture de Bernard-Henri Lévy qui peut inventer des citations comme « synarchies new-yorkaises » et les attribuer au Monde diplomatique, pour les besoins de sa démonstration et de sa promotion [6] ? Faut-il tenir pour négligeables les amalgames qui transforment en nazis tous ceux qui ne s’agenouillent pas devant le mausolée que BHL se construit pour l’habiter de son vivant ?

      Aucune injure, aucun mépris, aucune bassesse sous la plume de BHL ? Il suffit de le lire (p.196 de « ma bible ») : « Et puis chez les épigones enfin, chez les tout petits bourdivins , disciples trop pressés d’une “pensée critique” où ils croient que critique veut dire détestation ou délation, chez ces courriéristes approximatifs d’une idiotisme altermondialiste griffé Monde diplo qui semblent sincèrement persuadés que « philosophie du soupçon”, dans les textes de leurs maîtres, signifiait “philosophie de juges d’instruction et de flics”, chez ces cyniques qui, n’en étant pas à une bassesse près vont jusqu’à insulter le cadavre de Paul Nizan en détournant le titre et le sens de ses Chiens de garde et tentant de s’emparer du bel esprit de colère qui y sévissait, chez les épigones, donc, cette notion de “connivence” qui gardait encore, chez Bourdieu, un semblant de signification structurale dégénère un peu plus et se dégrade comme sous l’empire d’une entropie qui s’accélère. » BHL ne s’abaisse même pas à citer le nom de quelqu’un qui insulterait « le cadavre de Paul Nizan » : un bel exemple de « désaccord civilisé », comme dirait Finkielkraut.

      Retenons nos larmes. Mais apprécions à sa juste valeur la bienséance commune à nos excommunicateurs : quand l’un prive Halimi du « droit de se réclamer de Castoriadis », l’ autre lui interdit de se réclamer de Paul Nizan ! Et quand l’un comme l’autre attribuent à leurs contestataires les filiations de leur choix ? Totalitaires, forcément.

      2 BHL calomnie le Diplo

      http://www.acrimed.org/article2321.html

      Dans Le Point du 9 mars 2006 Bernard-Henri Lévy, de retour des Etats-Unis, s’est laissé aller - ô surprise ! - à quelques divagations dignes des « débats » médiatiques.

      Revenant sur la question du nucléaire en Iran, il pose la question : « Inde et Iran, deux poids et deux mesures face à la question du nucléaire ? » Et affirme : « Eh oui. Bien entendu. Il y a deux poids et deux mesures, toujours, entre la démocratie et le fascisme. » Avant de commenter : « Rien ne me semble plus redoutable que ce jeu de fausse symétrie qui voudrait nous convaincre, au nom de l’« équité », que ce qui est donné à la démocratie indienne devrait l’être à l’Iran des mollahs. Ne pas céder sur ce point. »

      Et de mettre ainsi en scène son courage : s’égarer... « Ne pas se laisser intimider par les compagnons de route des islamistes radicaux qui, comme le directeur du Monde diplomatique, regrettent, ce mois-ci, que l’on "diabolise" les héritiers de Khomeyni. »

      Ignacio Ramonet, puisqu’il s’agit de lui, serait d’une part un compagnon de route des « islamistes radicaux » et aurait regretté « que l’on "diabolise" les héritiers de Khomeyni ».

      On se convaincra aisément de la probité intellectuelle de BHL, en comparant avec le texte initial de Ramonet (Le Monde Diplomatique, mars 2006).

      Difficile de débattre avec ce BHL.

      Christian DELARUE