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L’héritage radioactif d’une ancienne mine d’uranium

Publie le mercredi 28 avril 2004 par Open-Publishing

CRIIRAD
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Communiqué CRIIRAD

Mercredi 28 avril 2004

L’héritage radioactif d’une ancienne mine d’uranium

Pollutions radioactives et infractions à la réglementation

Dans l’environnement du site minier de Saint-Pierre, dans le Cantal

A la demande de l’association « Nos enfants et la sécurité » qui a financé l’étude, le laboratoire de la CRIIRAD a procédé à un pré-diagnostic de l’état radiologique de l’ancien site minier de St-Pierre.

1. Présentation du site

Le gisement d’uranium de Saint-Pierre a été exploité par mine à ciel ouvert à partir de 1956 par la SCUMRA puis par TCM (Total Compagnie Minière). A partir de 1976 le site a été équipé d’une usine d’extraction de l’uranium par lixiviation acide qui a traité le minerai de Saint-Pierre (jusqu’à son épuisement en 1981) mais aussi celui des mines de Bertholène (Aveyron), de La Porte et Le Longy (Corrèze), de La Ribière et Chaux-Maillat (Creuse). L’activité industrielle a cessé en 1985.

Il reste cependant sur le site de l’ordre de 580 000 tonnes de déchets radioactifs non confinés : 70 000 tonnes de résidus d’extraction accumulées dans un bassin de décantation et 507 760 tonnes de résidus grossiers déversés dans la mine à ciel ouvert. Il faut ajouter à cela de l’ordre de 27 000 tonnes de minerai non traité.

A proximité immédiate du site (et débordant même à l’intérieur du périmètre) divers aménagements ont été réalisés par la municipalité de Saint-Pierre. En 1987, a été décidé la création d’un plan d’eau dont l’approvisionnement est sous influence directe des eaux souterraines de la mine. Ce lac a été agrandi en 1998 (de 1à 8 ha) et autorisé à la baignade. Ont également été implantés un terrain de foot, un club de tir, un lotissement communal et un camping.

2. Résultats des contrôles radiologiques et chimiques effectués par la CRIIRAD

* Les contrôles radiamétriques (pourtant relativement peu nombreux) ont permis d’identifier de nombreux secteurs où les débits de dose sont anormalement élevés : jusqu’à 1,25 microSieverts par heure (1,25 µSv/h) à proximité du terrain de foot pour un bruit de fond de 0,2 µSv/h. Ces résultats démontrent une violation manifeste des prescriptions de l’arrêté préfectoral du 2 juin 1986 qui détermine aujourd’hui encore les conditions de réaménagement et de surveillance radiologique du site (9,2 mSv/an alors que la limite maximale est fixée à 5 mSv/an). Par ailleurs, les personnes du public sont ainsi exposées à des risques d’irradiation externe injustifiés et inacceptables au sens de la directive Euratom 96/19 et du décret 2002-460.

* Les eaux souterraines ont été contrôlées à partir d’un prélèvement effectué en dehors de l’emprise du site, au niveau du puits Gérémy, situé au sud du site minier, entre le terrain de foot et le plan d’eau. Les résultats démontrent une importante contamination à la fois radiologique et chimique. Avec une activité alpha globale de 27,2 Bq/l et une activité bêta globale de 23,4 Bq/l alors que l’OMS et l’AFSSA fixent les limites de potabilité correspondantes à 0,1 et 1 Bq/l, il est clair que les eaux souterraines sont totalement impropres à la consommation. Aux polluants radioactifs s’ajoute la question des polluants chimiques : les teneurs en fluorures, sulfates, calcium (éléments généralement utilisés dans le process de l’extraction de l’uranium) sont anormalement élevées.

* Pour l’instant, les mesures de dépistage ne révèlent pas de problème notable dans les eaux du lac mais les sédiments sont d’ores et déjà marqués par la pollution et le phénomène ne peut qu’empirer avec le temps.

3. Responsabilités respectives de l’exploitant, de l’administration et de la municipalité

* Ni les contrôles effectués par l’ancien exploitant (TCM) ni ceux réalisés aujourd’hui par la Cogéma ne permettent de rendre compte de l’impact réel du site. Signalons qu’ils sont en partie confiés à la société Algade, c’est-à-dire à l’ex CRPM (Centre de radioprotection dans les mines) qui dépendait entièrement de la Cogéma.
* Plus grave, le contrôle de l’Administration paraît inconsistant et largement délégué à l’exploitant. En présence de contaminations similaires, des juges du Limousin ont décidé de poursuivre la Cogéma pour dissémination de déchets radioactifs et pollution des eaux, soulignant « l’inertie » de la DRIRE Limousin et son incapacité à relever les infractions. Si les premières constatations de la CRIIRAD étaient avérées, le scénario serait ici identique.
Par ailleurs, l’autorisation préfectorale de créer un plan d’eau autorisé à la baignade paraît contrevenir aux prescriptions du décret N°81-324 du 7 avril 1981 fixant les normes d’hygiène et de sécurité applicables aux baignades aménagées. Ce texte stipule en effet que celles-ci « doivent être installées hors des zones de turbulence en un endroit où l’eau est à l’abri des souillures, notamment des contaminations urbaines ou industrielles ».
ü Se pose également la responsabilité de la municipalité de Saint-Pierre. En effet, contrairement aux responsables de Cogéma-SIMO qui ont cherché à convaincre les élus limousins de l’absence de risques, les dirigeants de TCM ont alerté la municipalité sur les dangers du projet de plan d’eau :

Cf. courrier du 28/09/1987 adressé au maire : […] je tiens à vous mettre en garde […] Cet ouvrage est en effet implanté à proximité d’un gisement d’uranium dont la partie économiquement exploitable a fait l’objet de notre exploitation minière. Tout l’uranium contenu dans le gîte n’a pas pour autant disparu, et des précautions doivent être prises pour toute activité qui viendrait à être exercée à son voisinage.

Je me permets, par ailleurs, de vous rappeler que M. Charrier a attiré votre attention sur le problème des eaux d’alimentation du plan d’eau envisagé. Il a fait, comme vous le savez, des prélèvements, dont les analyses mettent en évidence l’influence de la proximité du gisement d’uranium sur la qualité chimique de ces échantillons d’eaux.

C’est pourquoi […], je dégage par la présente lettre toute responsabilité de la société TOTAL COMPAGNIE MINIERE-France quant à la création de l’ouvrage décidé par votre municipalité et à ses conditions d’utilisation. Il vous appartient à cet égard de vous entourer de toutes les garanties et assurances nécessaires auprès des Services Administratifs compétents. »

4. Les recommandations de la CRIIRAD

La CRIIRAD va alerter les ministères et administrations locales compétentes sur la nécessité :

 de procéder dans les meilleurs délais à la décontamination des zones polluées et à l’enlèvement des remblais radioactifs (terrain de foot et abords du lotissement notamment). Signalons que le niveau de contamination de certains échantillons de sédiments ou de terre de berge les apparente à des déchets radioactifs.

 de réaliser un inventaire complet des terrains, sites et bâtiments susceptibles de présenter des risques radiologiques liés à l’activité minière.

 de procéder à une campagne de dépistage du radon 222 dans les habitations, en priorité celles construites à proximité des zones remblayées.

 de déterminer, à partir d’études hydrogéologiques appropriées, l’extension de la contamination des eaux souterraines et son évolution prévisible.

 de renforcer le dispositif d’autocontrôle de l’exploitant ainsi que la surveillance dont la DRIRE Auvergne a la charge.

 de garantir aux populations, et en particulier aux associations de protection de l’environnement, l’accès aux informations (résultats des contrôles, plan cadastral, dossier de déclaration de cessation d’activité, etc).

Par ailleurs, au vu de toutes les questions en instance, la CRIIRAD demande la suspension de la procédure de « déclaration de cessation d’activité » lancée en 2003. Il est en effet indispensable de ne pas précipiter le changement de statut juridique du site et de s’assurer que les exploitants prennent en charge les conséquences économiques et financières de l’héritage radioactif qu’ils laissent aux habitants.

Renseignements : M. Bruno CHAREYRON, responsable du laboratoire CRIIRAD, au 04 75 41 82 50,

M. Georges HAAG, président de l’association « Nos enfants et la sécurité » au 04 71 67 35 91

M. Gilbert AUDIT, association « Pour notre qualité de vie » au 04 71 69 62 91.


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