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MP7 Nietzsche ou le tir au lance-patates. Monde philo (zaz)

Publie le vendredi 7 mars 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

1. Une ou deux métaquestions vers soi pour commencer

La première gageure de cette série d’oeuvres philosophiques dans le Monde alors que nous en sommes au septième shot aujourd’hui avec Nietzsche, c’est que —nous écoutions Roger-Pol droit sur je ne sais plus quelle radio— c’est que ça marche incontestablement. A ce phénomène, R-P D répondait par l’intérêt général pour la philo : nous n’en croyons pas un mot, ou alors c’est que cet intérêt n’est pas à prendre au niveau rez-de-chaussée, pied de la boite aux lettres, mais en nettement plus compliqué-compliqué. Bref on ne sait pas trop pourquoi le lecteur du Monde s’inflige ce pensum raffiné de lire des philosophes dans des délais si rapprochés.

Une chose nous apparaît en même temps que nous vivons ce premier doute, c’est que l’ambition initialement avancée de mieux comprendre notre monde présent avec des penseurs relevant d’un temps antérieur semble deuxièmement faire un peu, beaucoup, long feu. Certes, il y a eu tentative, mais ! Nous-mêmes nous y sommes employés mais !

En réalité, on voit bien qu’un philosophe est ordinairement étudié pour lui même, en lui-même, et rarement pour quelque chose d’autre en avant de lui. On voit bien qu’un philosophe ouvre un monde qui est le sien, une utopie, un rêve, pour béotiens et spécialistes : sur Platon, on sent bien qu’il eût fallu, dans le process régulier, dire des choses pertinentes sur la théorie de la réminiscence, le réalisme des idées, etc. etc. Sur Marx il eût fallu tchacher sur la plus-value absolue et relative, sur la loi de la baisse tendancielle du taux de profit : on a bien vu ailleurs d’autres catéchumènes prêts à s’étriper s’ils l’avaient pu sur l’impérialisme selon machin et l’impérialisme selon méchin.

De Nietzsche, le lecteur attend présumément en vérité un topo condensé, un brick philo, en 2000 mots : volonté de puissance, surhomme, éternel retour, par-delà la morale, mort de Dieu, transmutation des valeurs, ressentiment, morale des esclaves, etc. etc. Et puis cette fichue histoire du singe qui se change en chameau ou alors c’est l’inverse et si c’est pas le singe c’est l’esprit qui veut faire le chameau, et le chameau qui déblatère et qui se fait lion, puis le lion ..., und so und so.

Le programme philo qui nous est tracé dans le Monde de la philo ouvre-t-il véritablement sur le monde sans qu’on force sur la serrure ? auquel cas la serrure ne marche probablement plus tellement.

2. L’entrée dans Nietzsche

Les deux entreurs sont Jean-Luc Nancy, ex- prof aux fac de Strasbourg, Berlin et Berkeley et Sébastien Frachebois, prof à bar-sur-Aube. Ils ne nous la jouent pas pipeau, l’un au clavecin d’assaut l’autre au hautbois de tranchée, nous expliquent bien que Nietzsche c’est haché, plein de soubresauts, ça se fait au marteau. C’était notre plein sentiment, nous voilà tri-phasés.

 Nancy : "Je découvrais moins une pensée qu’un ton... Il y a bien sûr un corps de pensée que nous connaissons... Mais Nietzsche c’est d’abord une rupture de ton... Avec lui le continuum philosophique s’interrompt. La monodie se brise".
 Frachebois : "Opacité du discours,... fragments délibérément contradictoires... Sans doute vaut-il mieux renoncer à une lecture linéaire et intégrale des oeuvres".

Ah ben je te dis pas, nous qui l’avons en totalité lu en grande maternelle, je te dis pas, la titubation précoce à la sortie. Il nous en est resté le culte de l’aphorisme et la duplicité masquée dans le crachement confus de la vérité : le zaz !

 Nancy : "la vérité est terrible car elle ne se conclut pas". Et pour t’aider, ce qui n’aide pas forcément : "Nietzsche est un grand maître de vérité". Bon, là faudrait savoir hein Jean-Luc ?!
 Frachebois : "Taper sur nos certitudes", sur ces vérités premières, qui sont ce qu’elles sont : des croyances. "Démasquons donc la croyance qui s’est drapée du vêtement de la vérité".

Merci, Nancy et Frachebois d’avoir fait l’essentiel du boulot compliqué.

Nous, Nietzsche, après la maternelle on a eu du pot. Je devais être déjà diplômé du CM2, quand je me trouvais à corriger le bac. Une beauté très remarquable qui ne m’avait d’ailleurs nullement vu, même en coin, s’écrit soudain, le visage empourpré : mais que dois-je faire de ce candidat qui n’a rien pigé à l’essentiel du texte de Nietzsche ?!

Elle était émue, nous fûmes alentour émus, moi en vérité confus !

Le temps se suspend gravement. Vite vite une idée si possible intelligente, cogito cogito ! Patatras, un chauffagiste philosophe en tenue bleu de Chine comme on n’en porte plus aujourd’hui s’exprime sinoisement : mais chère collègue avance-t-il (il n’a pas dit camarade), quelle curieuse idée de vouloir faire chercher un centre à Nietzsche, l’intérêt de Nietzsche est le plus souvent à la marge.
 Mais c’est bien sûr ! sagouin de Colombo ! : ce jour-là, j’ai perdu la fille, de toute façon perdue, je crois que j’ai compris Nietzsche : fiat lux !

3. A présent la justification de notre titre : Nietzsche au lance-patates

Ce qui précède vous met sur la voie. Nietzsche n’est pas assimilable à un ordinaire sniper : tir, précis, fatal. Nietzsche arrose, ce philologue a le sens pratique, pourquoi faire sauter la tête d’épingle de l’adversaire quand on peut facilement faire sauter sa tanière ?

D’ailleurs c’est seulement par euphonie et pour faire l’intéressant qu’on a parlé de lance-patates, Nietzsche tire ordinairement au mortier de 60 : sclung ! sclung ! Tu sais pas toujours sur quoi ça tombe, mais l’avantage c’est que ça ne rate pas. Tu comprends le caractère inclassable de Nietzsche au départ, et pourquoi on en a peur seulement maintenant qu’on a compris comment il tirait.

Tiens ! prends l’affaire du chef de rayon du rayon de la culture : un des premiers qu’il ait assassiné sans forcer.

A l’époque de Nietzsche y avait pas la télé, et donc finalement moins de cuistres de la culture, maintenant on est comblé. T’as les émissions littéraires, musicales, artistiques, t’as même le Monde de la culture. Et celui des livres (le Monde) dont moi-même je ne peux pas me passer. Mais le cuistre ! mais le cuistre de l’atmosphère !

Ok, y a aussi le Monde de la philo, mais seulement une page, ça ne compte donc pas.

Donc on va pas s’épuiser à vous décrire les poses du commentateur distingué des arts, lettres et/ou culture, vous connaissez déjà ! Changez, essayez, le chef de rayon de la médecine par exemple. Lui tu le repères fastoche, il a une blouse blanche, il vit dans un milieu aseptisé et porte parfois un masque sur le nez. Le chef de rayon de la médecine est un type sérieux, pénétré de médecine, je suis même sûr que c’est un bon mec, tu pourrais tout de même pas lui faire dire que la médecine c’est un peu de la merde.

Y a que les Africains qui l’ont logiquement osé. Le Sida, l’HIV c’en est le virus. Virus ? virus ? (d’abord on devrait dire des viri au pluriel). Y a pas de virus disent les Africains !
 Comment ça y a pas de virus, égarés de blacks complètement shootés !
 C’est pas possible patron, y a pas de virus, vous essayez de l’éradiquer depuis trente ans, forts comme vous êtes, si y avait virus vous l’auriez éradiqué fastoche.

Dans un genre différent, en France, y en a qui nient le cancer avec la médecine.
 Vous rigolez !
 Tu veux rigoler avec ces choses ?
 Mais tous les jours la médecine progresse.
 Tu veux dire la chirurgie. A ouais.
 Un mec avec un cancer de l’intestin, il dure maintenant 7 ans, un mètre par an. C’est mathématique.
 C’est la malchance du gars de la prostate. Une seule couille une seule année, on peut pas tout avoir.

Nietzsche qu’avait la syphilis t’aurait tenu ce discours. Un jour on te guérira mais c’est pas pour aujourd’hui. Ce qu’on reproche au médecin ce n’est pas d’être impuissant, c’est de se composer la gueule du contraire.

Je ne sais pas dans le genre si tu as déjà vu un énarque rencontrer un médecin. Comme aurait dit Cicéron, comment deux savants haruspices peuvent-ils se regarder sans éclater de rire !

Ça veut encore plus pour les économistes.

Quant à Sciences-po c’est un mystère, la tendance comique y ait étouffée dès l’entrée sinon on pourrait plus faire.

La croyance disait-on plus haut, pour occulter la vérité si elle existe. En fait Nietzsche le savait, la vérité et la demi-vérité sa demi-soeur sont fuyantes et le mensonge est partout. On ne te parlera donc même pas de la démocratie, de la simili démocratie et des ersatz de politiciens qui sont au guano ce qu’est la fiente humaine ordinaire. La vie selon Nietzsche est largement un empilement de bobards.

On va d’ailleurs s’arrêter là qui était le démarrage du Monde sur la pensée de Nietzsche : "État c’est le plus froid des monstres froids. Il est froid même quand il ment : et voici le mensonge qui sort de sa bouche : "Moi, État je suis le peuple" (Ainsi parlait Zarathoustra). Le politique est notre grand mensonge, le grand mensonge qui nous est fait.

Alain Serge Clary et les Inoxydables philosophes vous saluent bien

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Les Pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)
 http://ocsena.ouvaton.org

Messages

  • Dimanche ça va être la fête des maires ! Nietzsche si j’ai bien compris, il recommande pas des masses d’aller voter.

    • La France a les hommes et femmes politiques qu’elle mérite

      Et puis il faut revenir à l’évidence : c’est pas parce qu’il y a d’évidents trumeaux à l’UMP, qu’il n’y a pas des grumeaux au PS.

    • Là, tu vois, en fait je pense à Marx : le plus dur dans la philo, c’est encore le staphylo

    • Nietzsche : le doute des arrières-mondes

      Nous vivons ces derniers temps dans des Mondes devenus subrepticement comme fantômes, très largement nominaux. Sans doute y a-t-il encore un Etat dans la réalité ou dans les mots, au sens où quelques petits milliers de personnes en France en vivent toujours grassement, députés, sénateurs, assistantes parlementaires très conciliantes, filles ou maîtresses de ceux-là, quémandeurs, balayeurs, balayeuses inféodées, etc. : mais le nombre n’est plus "Un" , tout ca fait noyaux de cerises ou largement pipeau : le Monde politique est aujourd’hui un ensemble de morceaux épars, une somme parfois intense de résidus ultimes dont personne n’a l’air d’apercevoir l’inanité inerte.

      Il en va de la politique en vérité exactement comme de "l’art" actuel, le plus courant, le plus apparent, l’art musical sur les radios, l’incontournable chanson-musique. C’est 24 sur 22h au bas mot, tout cela n’est pas forcément déplaisant, heureusement ! : la tragédie dans la beauté blablante que cela fait commence seulement lorsqu’on pose la fumeuse question : A machin (pas rasé) ou à machine (toute en cuisses) ? Machin, machine, parlez-moi de votre dernier album ?!

      Monsieur le député, pendant qu’on y est, parlez-nous de votre dernier album.