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RSF, Guillebaud et l’omerta des médias

Publie le jeudi 3 avril 2008 par Open-Publishing
9 commentaires

de Maxime Vivas

RSF a été fondé en 1985 par Jean-Claude Guillebaud, journaliste au Nouvel-Observateur, Rony Brauman, alors président de Médecins sans frontières et Robert Ménard alors journaliste à Montpellier . Les deux premiers ont rapidement démissionné.

Jean-Claude Guillebaud avait exprimé il y a plusieurs années des réserves analogues à celles qu’il a confiées à Marianne le 2 avril 2008. La répétition est cependant bien venue (pourquoi dans Marianne et pas dans le Nouvel-Obs ?).

Ecoutons Robert Ménard parler de ses désaccords avec Rony Brauman dans son livre « Ces journalistes que l’on veut faire taire », Albin Michel, mars 2001 :

« [en 1994] Rony Brauman dénonce le « climat pourri » qui règne dans l’association, notre dépendance à l’égard de la Commission européenne… ». Il déplore également l’autoritarisme de Robert Ménard et la « dictature domestique qu’il fait régner sur RSF. », penchant confirmé par l’intéressé : « Je suis autoritaire. […] Je ne sais pas discuter et j’aime décider seul. ».

Mais, depuis les départs de ces deux co-fondateurs, il s’est passé un événement plus grave dont il est scandaleux que personne ne parle dans la presse politique. Je traite cet événement dans mon livre sur Reporters sans frontières. De nombreux sites Internet l’ont fait également. La presse qui fait l’opinion s’est tue.

Revenons encore une fois sur cette horreur escamotée et qui aurait fait couler des hectolitres d’encre si elle avait été proférée par Le Pen ou par George W. Bush.

Robert Ménard était l’un des invités de l’émission « Contre expertise » sur France Culture le 16 août 2007. Il s’y est posé la question de la légitimité de la torture. Citant le cas de familles de preneurs d’otages torturées en représailles par les services de police au Pakistan, il fait mine de se demander jusqu’où il faut aller dans ces pratiques : « Moi je sais plus quoi penser ». Il ajoute : « Je ne dis pas, je ne dirai pas qu’ils ont eu tort de le faire » et il livre le fond de sa pensée jusqu’alors implicite : « ...moi, si c’était ma fille que l’on prenait en otage, il n’y aurait aucune limite, je vous le dis, je vous le dis, il n’y aurait aucune limite pour la torture. ».

Faut-il rappeler au patron de RSF que l’apologie de la torture est interdite en France, que même si les USA ont voté une loi pour en autoriser l’usage, elle est condamnée par l’ONU, la Convention de Genève, Amnesty international et par toutes les ONG ?

Enfin : presque toutes les ONG.

Au journaliste Eric Nolleau qui lui reprocha ses propos sur la torture samedi 29 mars dans l’émission « On n’est pas couché » sur France 2, Ménard répondit : « Vous êtes un menteur » avant d’en donner une version fausse avec un aplomb sidérant.

Robert Ménard vient d’être décoré de la Légion d’honneur.

Les informations ci-dessus proviennent en partie de mon livre « La face cachée de Reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone », éditions Aden.

Cet ouvrage présente la particularité de circuler dans toutes les salles de rédaction, de figurer dans le fonds de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, d’avoir été sélectionné par 17 médias pour un prix, mais de subir la loi de l’Omerta. Parenthèse : un exemplaire en a été envoyé au Nouvel-Observateur il y a plus de quatre mois déjà.

Excepté Maurice Lemoine (Le Diplo), aucun des dizaines de journalistes qui l’ont lu et qui travaillent pour des médias en vue n’ont écrit une ligne sur lui. Plusieurs ont dialogué en privé avec moi et m’ont dit qu’ils regrettaient de ne pouvoir le faire.

Grâce au bouche à oreille et à quelques sites Internet, grâce aux conférences que je fais sur le sujet un peu partout en France et qui remplissent les salles et les amphis, le premier tirage sera bientôt épuisé. Sauf événement imprévu, il n’y en aura probablement pas de second en langue française.

Traduit en espagnol, le livre prend son envol à l’étranger (Amérique latine). Des éditions en d’autres langues sont envisagées.

Il est donc possible que les écrits d’un auteur français sur une ONG française soient surtout ignorés du public français.

Allez savoir pourquoi ! Merci de poser la question autour de vous.

Messages

  • Deux petites lucarnes à signaler dans la presse écrite et parlée :

    Le journal le Plan B a cité l’article dans sa dernière page d’un récent numéro.

    Daniel Mermet a fait l’annonce d’une conférence de l’auteur à l’université de Pau dans le cadre du festival Culturamerica.

    Le Monde des livres y a consacré une demi page fort élogieuse (poisson d’avril) et Libération a prévu d’en faire autant (re-poisson d’avril).

    Courage, camarade : un livre tombe (dans l’oubli) dix se lèvent pour prendre sa place dans les librairies (et dans l’oubli aussi) !

    L. A-D.

    • le Plan B n’a pas cité "l’article" (?) mais le livre, en exergue d’une interview imaginaire de Bob Ménard.

      D’après ce qui se dit dans les milieux bien informés à Paris, Marc Olivier Fogiel a contacté l’éditeur du livre "La face cachée de reporters sans frontières" pour qu’il participe à son émission "On ne peut pas plaire à tout le monde".

      Sur le plateau, outre l’éditeur et l’auteur, il est prévu le secrétaire de l’association internationale contre la torture, Amnesty international, le secrétaire de la Ligue des droits de l’homme, celui du syndicat national des journalistes CGT (c’est la première fois qu’il passe à la télé), l’ambassadeur du Venezuela, un journaliste torturé par l’armée Américaine, la famille du cameraman espagnol José Couso tué par un tir contre l’hôtel Palestine à Bagdad, un ex prisonnier de Guantanamo et Robert Ménard.

      Il semblerait également que cette nouvelle soit un nouveau poisson d’avril inadmissible alors qu’on est déjà le 4.

      Le premier qui dit que l’auteur va être invité chez Ruquier ou chez Ardisson aura du mal à vendre sa salade.

      Tatie Yon

  • Allez savoir pourquoi ! Merci de poser la question autour de vous.

    Tu te moques !
    Grâce à tous nos oligarques de gôche et de droite nous avons “l’intelligentsia” (aucun rapprochement avec l’intelligence) la plus veule et larbine du monde (à ne pas confondre avec les fonctionnaires de la propagande des pays autoritaires ou dits démocratiques). La réponse est dans la rue et la grève générale.

  • La connaissance de ce que sont réellement RSF et Ménard, et de ses relations avec la CIA commence malgré tout à faire son chemin dans l’opinion chloroformée par
    les mass-médias. Courage camarade !

    • J’ai assisté à une de tes conférences, cela me rassure quant à l’intégrité qui existe encore chez des intellectuels qu’on penserait presque tous vendus aux Pouvoirs, à la lecture de la presse domestiquée ou à l’écoute des médias dominants.Est-ce utopique de rêver à des débats pluralistes et contradictoires dans une Démocratie digne de ce nom ? Pour le moment il semble que OUI ? Dans mon entourage divers, personne ne semble étonné que RSF ait quelque chose à voir avec la CIA, c’est dire la confiance qui existe vis à vis du journalisme. L’autocensure, la peur d’être désavoué par le Rédacteur en chef n’excusent rien, surtout dans une profession qui se gargarise chaque jour de déontologie vis à vis de ses lecteurs, et qui se fait fort de donner des leçons de liberté aux autres. A quand une association Reporters Assistance Intra Muros, pour dénoncer les manquements des patrons de Presse en route vers des concentrations berlusconniennes.Bon courage, Maxime tu n’es pas seul à combattre, dans cette République en danger . JdesP

  • Robert Ménard vient d’être décoré de la Légion d’honneur.

    En voyant MENARD souvent invité sur les plateaux de TV, je me demande si on assiste pas en direct à "un diner de cons" à la manière sarkozyste. Tôt ou tard il va se prendre en pleine figure ses contradictions et surtout ses mensonges. Je l’ai vu agressif en traitant Nolleau de "menteur" à propos de sa position pour la torture. Pourtant il aurait suffi à Ruquier de sortir la bande son de l’émission "Contre Expertise" sur France Culture,( août 2007 n’est pas si loin), pour le confondre.

    Il y a des moments où il faut savoir être courageux, quand c’est pour la bonne cause : défendre la vraie "liberté d’expression" !

  • M’étonne pas, y a quelque chose de pourri au royaume des journalistes et des médias depuis quelques années déjà...

    www.levraidebat.com

  • Je viens d’acheter votre livre. J’ai été surpris de ne pas figurer au palmarès de la honte de RSF. Le 21 octobre 2000, à Ramallah, j’ai été victime d’un tir israélien délibéré, destiné à tuer (balle au poumon). En fait une tentative d’assassinat. Après de fortes pressions RSF a fini par se porter partie civile. Puis rien.
    Aujourd’hui Israël vient de refuser la Commission Rogatoire Internationale lancée par la France, refusant d’appliquer les accords internationaux. Logiquement, Paris devrait convoquer Israël devant la Cour Internationale de Justice.... Aucune réponse de Sarko-Kouchner et silence de Ménard. Encore merci RSF.
    Jacques-Marie BOURGET