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QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ? (2)

Publie le vendredi 4 avril 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

de Patrick MIGNARD

— > Les raisons de l’échec historique

L’échec est patent et incontestable nous l’avons vu, même s’il est refoulé au plus profond de l’inconscient d’une bonne partie des militants qui « veulent changer le monde ». Il s’agit dés lors d’essayer de comprendre le « pourquoi » de cette faillite générale. Entreprise difficile car entravée par la pesanteur idéologique de la pensée « critique » officielle… celle justement qui est à l’origine du désastre.

Revisiter l’Histoire est un travail indispensable, et cela sans à priori, sans préjugés, sans tabou. Ne plus expliquer les faits par les textes, mais soumettre la critique des textes par les faits.

LA PROBLEMATIQUE CENTRALE

Elle est fort séduisante et peut se résumer : le capitalisme système d’exploitation asservi principalement la classe ouvrière qu’il spolie de plus en plus, la concentre dans les usines, en fait une force de contestation qui en s’organisant, prendra le pouvoir et instaurera une société sans classe débarrassée de toute exploitation.

Au premier abord rien que de très logique. C’est cette vision, avec quelques adaptations idéologiques, qui s’est imposé dès le 19e siècle.

Cette problématique a rapidement produit une nouvelle dimension de l’action politique : l’organisation. En effet, il peut apparaît logique que pour mener à bien cette action, forcément concertée, nécessitant des moyens logistiques, une organisation existe.

Or, toute organisation pose, et posera toujours deux problèmes : celui du pouvoir effectif et de son contrôle, et le détachement progressif de ses membres de la réalité qu’ils représentent… autrement dit pose le problème de ce que l’on nomme la bureaucratisation.

Cette problématique centrale va se déchirer dès le 19e siècle sur cette question et donner naissance à différents courants dont aucun d’entre eux ne réussira, au cours du 20e siècle à faire la preuve de la justesse de son choix.

Mais il y a plus grave : le système capitaliste n’a pas évolué dans le sens « prévu ».

« TRAHIS » PAR LA REALITE

Plusieurs facteurs imprévus, du moins dans leurs conséquences, vont entraîner la faillite de la problématique centrale.

La lutte des salariés, leur combat pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie, leurs revendications pour légaliser leurs organisations, vont, dans une certaine mesure, finalement aboutir…. entraînant non pas une aggravation des conditions des salariés mais une amélioration – augmentation du pouvoir d’achat, garanties sociales, légalisation des syndicats…

Pourquoi une telle évolution ? Parce que le système n’avait pas le choix, coincé dans ses Etats-nations industriellement développés, il devait pouvoir compter sur « sa » classe ouvrière qui représentait à la fois les producteurs et les consommateurs… et puis c’était l’époque où, à la tête de puissants empires coloniaux, le capitalisme avait les moyens de s’acheter la « paix sociale ».

Une telle situation a eu des conséquences incalculables, et en particulier l’effondrement de la problématique centrale. Même si « théoriquement » on parle toujours de « prise du pouvoir par les travailleurs », on ne passera jamais à la pratique dans les pays développés – cela même où devait, selon la théorie, se renverser, à brève échéance, le capitalisme ( ?). Les conditions de la classe ouvrière ne justifiant plus un passage en force pour l’accession au Pouvoir, la démocratie marchande ayant suffisamment donné de garanties (formelles et à peu de frais) quant à l’expression politique, on passera de la logique de la prise de pouvoir par la force à la logique de la prise de pouvoir par les urnes.

L’EXCEPTION SOVIETIQUE

On peut en effet parler aujourd’hui, d’exception, de parenthèse, à propos du « soviétisme »… et non d’une véritable alternative.

En effet, reprenant à son compte la « problématique centrale », les leaders soviétiques ont entraîné la Russie, plus tard la Chine,… dans une « marche forcée » vers ce qui devait être une « alternative au capitalisme » et qui s’est avéré être une impasse tragique. Pourquoi ?

La problématique centrale, inopérante dans les pays développés a été transposée mécaniquement dans des pays sous développés, croyant qu’ils constituaient des « maillons faibles » du capitalisme ( ?).

Sans préparation sociale, sans mise en place de structures de transition permettant d’établir une dualité économique, et par conséquent de pouvoir, par une simple pression idéologique, appuyée par une logistique militaire, une minorité, au regard de la population a fait une « révolution » qui s’est en fait avéré être un magistral et spectaculaire « coup d’Etat ». L’appareil du parti prenant le pouvoir et prétendant « faire le bonheur du peuple » a instauré un « ordre social nouveau »

Cette démarche s’est révélé rapidement absurde, irresponsable et à l’origine d’un véritable désastre social et politique… ceci étant aggravé par une situation internationale particulièrement défavorable (intervention étrangère).

Non contents d’assumer cette catastrophe, les « théoriciens révolutionnaires » du monde entier vont inciter les pays - sous développés – en voie de décolonisation à prendre la même voie qui finira inéluctablement dans le même désastre.

L’alchimie fatale, concoctée par ce que l’on appellera à l’époque le « mouvement communiste international » ruinera toute alternative au système marchand qui reprendra à la fin du 20e siècle toute la vigueur que nous lui connaissons aujourd’hui.

POURQUOI CET ECHEC ?

La raison tient probablement à une conception erronée de la « dialectique de l’Histoire », et remet évidemment en question la « problématique centrale » de départ.

l n’y a aucun exemple dans l’Histoire d’une rupture radicale permettant de passer subitement d’un mode de production à un autre.

I

Il n’y a aucun exemple dans l’Histoire d’un changement de mentalité, de comportement de populations entières qui font leur des principes nouveaux de fonctionnement social.

Or, la problématique centrale est de fait fondée sur cette croyance. Ceci vient du fait qu’il y a une surdétermination aberrante de la logique de l’esprit humain qui consiste à croire que « si on veut le mieux, on le peut immédiatement », que l’adaptation et la mise en place de structures radicalement différentes peut se faire quasi instantanément si cette action est dirigée par une structure politique (le parti) qui en garantie la réalisation.

Une telle conception peut apparaître cohérente et satisfaisante sur le papier,… dans la réalité ça ne marche pas, et toutes les tentatives ont échoué.

Une société humaine ne se construit pas comme un moteur, c’est-à-dire en agençant logiquement des pièces en vue d’un mécanisme précis. Les relations sociales, les rapports sociaux sont le produit d’une évolution, d’une pratique sociale qui prend du temps (et oui !), passe par des échecs et des succès.

Ce n’est que lorsque l’ancien système est obsolète, a développé ses contradictions au point d’être insupportables et que les nouvelles structures sont opérantes, sont acceptées que le passage à un « autre monde » est possible.

Toutes les expériences de changement social au 20e siècle on fait fi de ces conditions, elles ont toutes brûlé les étapes et ont lamentablement échoué.

Toutes les stratégies des organisations politiques « révolutionnaires », altermondialistes, et autres fonctionnent, aujourd’hui, à quelques détails près sur ce modèle aberrant…. remplaçant la prise du pouvoir central par la violence (qui a échoué), par la prise du pouvoir central par les urnes (qui échoue toujours aussi systématiquement.

Si tout ceci est exact nos tâches sont claires :

 déconstruire la vision naïve et simpliste que nous avons de l’Histoire héritée du 19e siècle,

- reconnaître, en dépit de toutes nos réticences, du moins de celles de certains, l’échec total de cette vision et les catastrophes qu’elle a entraîné ;

- repenser la « dialectique de l’Histoire » et y adapter une nouvelle stratégie.

Messages

  • à propos de dialectique :

    DECLIN DU POSITIVISME - MONTEE DE LA DIALECTIQUE

    Extrait d’une intervention de Daniel BENSAID (1) Site ESSF

    Le titre et les intertitres sont de Christian DELARUE
    sur le blog chrismondial

    http://www.blogg.org/blog-44839-billet-declin_du_positivisme___montee_de_la_dialectique_-785213.html

  • cher Patrick,

    Depuis la publication sur Pages 69 du debat sur le revenu garanti inconditionnel dans lequel tu as enonçé ton scepticisme quand a la pertinence de cet objectif,actuellement, je fourbis ma reponse.

    Les derniers evenements me donnent la conviction subjective que cet objectif devient
    totalement d’actualité et emerge du brouillard et de la medisance mediatique .

    La recente manifestation de “ni pauvres ni soumis” l’a affirmé avec force et la”rigeur” du deni institutionnel ne fait que l’amplifier.

    Le systeme a reussi a decourager 80% des jeunes deprimés et sans futur (Marianne 28.3.08).

    IL vient de casser les dernieres perspectives professionnelles de la jeunesse en supprimant
    toute possibilité d’emploi dans la fonction publique,comme la crise du credit l’a fait pour les plus entreprenants du privé.

    Cette conjonction structurelle cree un boulevard pour cette revendication que l’on s’ingenie a
    denigrer depuis des lustres.

    A nous de le comprendre et de l’assumer.

  • La lutte des salariés, leur combat pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie, leurs revendications pour légaliser leurs organisations, vont, dans une certaine mesure, finalement aboutir…. entraînant non pas une aggravation des conditions des salariés mais une amélioration – augmentation du pouvoir d’achat, garanties sociales, légalisation des syndicats…

    Pourquoi une telle évolution ? Parce que le système n’avait pas le choix, coincé dans ses Etats-nations industriellement développés, il devait pouvoir compter sur « sa » classe ouvrière qui représentait à la fois les producteurs et les consommateurs… et puis c’était l’époque où, à la tête de puissants empires coloniaux, le capitalisme avait les moyens de s’acheter la « paix sociale ».

    Et l’existence du "camp socialiste", ça n’aidait pas les capitalistes a réfléchir et à lacher du lest ?

    Pourquoi, depuis la crise de ce camp (1970 environ) et sa disparition (1989) on ne lutte plus pour élargir les acquis sociaux, mais pour les "défendre", un hasard ?

    déconstruire la vision naïve et simpliste que nous avons de l’Histoire héritée du 19e siècle,

    - reconnaître, en dépit de toutes nos réticences, du moins de celles de certains, l’échec total de cette vision et les catastrophes qu’elle a entraîné ;

      repenser la « dialectique de l’Histoire » et y adapter une nouvelle stratégie.

    Voilà qui mériterais un petit developpement ! C’est qui les naïfs ?les simplistes ? et c’est quoi la "dialectique de l’histoire" ?

    CN46400

    • La "dialectique de l’Histoire" c’est justement ce que tu n’as rien compris pour poser une question sur le "camp dit socialiste" aussi stupide.

      Si tu imagines que c’est l’existence du "camp socialiste" qui faisait que l’on avait des acquis sociaux, tu es effectivement un naïf, car ce "camp" a plus été un repoussoir dès les années cinquante qu’un paradis espéré.... rares sont celles et ceux qui si sont réfugié.

      Steph