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A Nouméa, grève générale et ambiance insurectionnelle

Publie le jeudi 10 avril 2008 par Open-Publishing
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de ANTOINE GUIRAL

Tout est trompeur en Nouvelle-Calédonie. Derrière l’opulence liée aux flots d’argent déversés par la métropole et aux cours du nickel au beau fixe, le climat politique et social reste très tendu. Le bras de fer entre l’Etat et le principal syndicat (indépendantiste) du territoire, l’USTKE (Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités) en est aujourd’hui l’illustration la plus visible. Ce dernier a lancé à minuit un appel à une grève générale de vingt-quatre heures. Le mot d’ordre est « la défense du droit de grève », contestée après plusieurs licenciements ou mises à pied de salariés ayant suivi les consignes de l’USTKE.

Tirs tendus. A Nouméa, une trentaine d’entreprises stratégiques devraient être bloquées, dont Carsud (filiale de Veolia) qui assure les transports en commun dans la province Sud de l’archipel. Devant cette société, où un piquet de grève est installé depuis plusieurs mois, de très violents affrontements avaient opposé le 17 janvier, durant douze heures, 500 militants de l’USTKE aux forces de l’ordre. Résultat : une trentaine de blessés, des responsables et militants syndicaux incarcérés durant un mois et, fin mars, un procès contre 19 membres de l’USTKE. Le jugement a été mis en délibéré au 21 avril.

Une peine d’un an de prison, dont six mois ferme, a été requise contre le président de l’USTKE, Gérard Jodar, accusé d’être l’inspirateur des violences, même si il n’y a pas personnellement participé. Hier, une mission de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) est arrivée en Nouvelle-Calédonie pour enquêter sur l’action de la police durant les échauffourées. Etayés par des photos et une vidéo, les témoignages sont accablants : tabassages, tirs tendus (grenades, balles en caoutchouc, petits plombs…), menottages à des poteaux durant plusieurs heures.

Lors de la grève générale de demain (plusieurs autres ont déjà été lancées par l’USTKE depuis le 17 janvier), l’Etat aura de nouveau le choix. Faire le gros dos en laissant le syndicat bloquer des entreprises, ou réquisitionner les forces de l’ordre pour les dégager au risque de nouveaux affrontements.

Molesse. Le nouveau haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie, Yves Dassonville, est déterminé à ne pas laisser de terrain à l’USTKE. Mais prendra-t-il le risque, demain, de montrer ses muscles avec la certitude de nouvelles violences à la clé ? Le syndicat indépendantiste - qui a créé en novembre un parti politique (le Parti travailliste qui se propose notamment de « défier la politique coloniale ») -, a le vent en poupe et inquiète Paris.

Par son discours et ses méthodes, il séduit la jeunesse kanake et bouscule la coalition indépendantiste du FLNKS. Vieillissant, divisé entre ses composantes, le FLNKS s’est fondu dans les institutions calédoniennes où, conformément à l’accord de Nouméa (signé en 1998), il participe au gouvernement local avec la droite anti-indépendantiste. L’USTKE lui reproche notamment sa mollesse pour obtenir les transferts de compétences que la France doit céder, dans tous les domaines, à la Nouvelle-Calédonie d’ici à 2014. Or, c’est avec le FLNKS, et lui seul, que l’Etat négocie toutes les évolutions institutionnelles du territoire. A chaque nouvelle action de l’USTKE dans l’archipel, c’est désormais beaucoup plus qu’une simple grève qui est en jeu.

http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/320131.FR.php

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