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Que faut-il nationaliser ?

Publie le jeudi 17 avril 2008 par Open-Publishing
13 commentaires

QUE FAUT-IL NATIONALISER ?

A propos de deux façons d’aborder la question qui ne s’opposent plus !

Au préalable la question n’est pas ici de débattre sur nationalisation- appropriation publique – appropriation sociale – on tiendra ces termes pour équivalent. Il s’agit d’aborder ce que je perçois très subjectivement au sein de la mouvance « alter » comme deux visions d’aborder la question « que faut-il nationaliser ? ». La nationalisation de SIDOR relance le débat (1).

La problématique de la nationalisation semble abordé dans certains débats d’ATTAC pour les valeurs d’usage essentielles à la vie quotidienne et pour les biens communs et donc pour ce qui doit être dégagé de la marchandisation (valeur d’échange) et de l’appropriation privée mais pas – en tout cas pas pour les mêmes camarades - pour assurer la souveraineté d’un pays par rapport à une puissance impériale. Pour affirmer cela je n’ai guère d’études scientifiques mais plutôt une impression issue de multiples discussions.

En fait, c’est le regard tourné vers les pays de l’Amérique latine qui peu à peu a fait émerger des différences de point de vue. Plus que la question des délocalisations (2). Certains pays d’Amérique latine – Bolivie, Brésil, Venezuela – sont en train d’engager difficilement une déconnexion relative (3) à l’encontre du marché mondial et des USA change les perceptions mais avec quelques résistances.

Disons que l’on pouvait - dans le contexte idéologique altermondialiste antérieur à la prise de conscience collective des enjeux d’émancipation en Amérique latine - proposer l’appropriation publique nationale avec enclenchement d’une démarchandisation et d’une démocratisation radicale pour des secteurs tels que l’eau, la chimie médicamenteuse et la santé, l’énergie, le logement, les télécommunications, et quelques autres secteurs... mais être plus circonspect lorsqu’il s’agit de l’aviation ou l’automobile et plus largement de l’industrie.

Etait-ce parce qu’il y avait un doute sur la possible et réelle définanciarisation - démarchandisation - démocratisation d’une nationalisation dans ces secteurs et donc sur le fait que le processus profite réellement aux travailleurs ? La nationalisation n’était peut être vu que comme un changement de patron sans autre enjeu ou comme un compromis perdant avec le capital (financier et industriel).

Il y a un an la question se posait par rapport aux gâchis du capital industriel. (4) Et certains débats à l’université d’été 2007 de Toulouse tenus à la suite de l’intervention d’Hubert PREVAUD (5) ont provoqué un « bougé ». La question se pose aussi pour le secteur bancaire (6).

Christian Delarue

1) Cf. « RIPOSTE » le Chavez nationalise SIDOR : une victoire pour les travailleurs
 http://www.lariposte.com/Chavez-nationalise-SIDOR-une-victoire-historique-1011.html

La LCR aussi : Nationalisation de SIDOR au Venezuela, une victoire qui en appelle d’autres !
 http://bellaciao.org/fr/spip.php?article64597

2) lundi 26 septembre 2005 : De : Jérôme Métellus
Comment lutter contre les délocalisations ?
 http://bellaciao.org/fr/spip.php?article19042

3) j’emprunte le mot à Samir AMIN avec réserve (non pour ce qu’en dit l’auteur mais pour l’application adéquate aux processus en cours).

4) il y a un an le lundi 23 avril 2007 (22h29) :
CONTRE LES GÄCHIS INDUSTRIELS DU CAPITAL Je pose ici un certain nombre de conditions pour la réussite de l’entreprise.
 http://bellaciao.org/fr/spip.php?article46949

5) jeudi 30 août 2007 (22h46) :
Sortir Airbus de l’impasse. Hubert PREVAUD CGT Airbus
 http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=51993

6) Renationaliser les banques cf. « Un spectre hante la finance » publié par Paul Jorion
à propos de la nationalisation éventuelle de Northern Rock,
 http://bellaciao.org/fr/spip.php?article59470

Messages

  • Il y a 1001 formes de nationalisations, il conviendrait peut-être de les lister, d’en discuter les contextes, d’en discuter le thème fourre-tout ...

    Au hasard, par exemple le terme même de nationalisation qui renvoie à une nation.... Socialisation ? Etatisation ? Outil d’un état bourgeois national ? Rationalisation d’un fonctionnement capitaliste (certains aspects des nationalisations de la libération) ?

    Nationalisations, outils du socialisme ? Pas toujours, si les actionnaires sont indemnisés, leurs capacités de faire du bénéfice se reporte ailleurs (les nationalisations de Mitterand qui ont été grassement indemnisés, remises en état de marche avec invstissements en conséquence pour être revendues ensuite à l’encan,). Et fondamentalement, si le principe hierarchiste et autoritaire hérité du capitalisme se continue, où est le gain ?

    Les questions de ré appropriations de la production de biens et de services par les travailleurs , sous contrôle des travailleurs et au bénéfice des travailleurs me semblent être boussoles des batailles pour le socialisme.

    Ensuite, il y a des champs d’investigation pour les révolutionnaires qui portent sur les interconnexions intimes dans notre monde moderne entre les différentes catégories sociales populaires (par exemple des chômeurs, ou des travailleurs d’autres entreprises) et le contrôle des travailleurs sur leur grosse entreprise socialisée.

    Il y a également des interconnexions à traiter entre grandes entreprises ou états. Si par exemple une grande entreprise nationalisée est dépendante d’autres grandes entreprises privées ....
    Ou par exemple la re-nationalisation du gaz en France, quid de la question de la production ?
    Il y a par exemple des niveaux de socialisation de la production ou des services qui sont à échelle européenne, ou du moins qui sont plus rationnels de penser à échelle européenne. Comment passer d’un rapport de force national a un rapport de force continental ?

    Qui commande ?

    La quasi-totalité des nationalisations du passé n’avaient pas comporté d’éléments de contrôle des travailleurs (et pour cause...) renvoyant par là au caractère de classe de l’état contrôlant ces entreprises. Pourtant, l’existence d’un rapport de forces agissant sur le statut de ces entreprises avait permis une politique industrielle des fois un peu + sociale ...

  • Pour répondre à cette question il suffit d’observer les comportements du capital privé !

    Quelle est son angoisse ? La baisse tendancielle du taux de profit qui, inexorablement, tire le rendement financier vers le bas.

    Quelle est la réponse des capitalistes ? le monopole, de préférence dans des domaines vitaux pour l’animal humain, donc pérens à long terme (eau, énergie, transports, santé, acier, ciment etc..). Sauf que, dans ces domaines les investissements sont immédiatement colossaux, et les retours éloignés dans le temps. Plus il s’investit dans ces domaines et moins il est disponible ailleurs (PME, industrie légère, services, etc...), donc plus cher. Coût qui s’ajoute aux prix, des services monopolisés.

    L’observation de ce phénomème désigne les domaines sur lesquels, en priorité, doivent porter la collectivisation, qui peut, parfois, prendre la forme nationalisation.

    CN46400

    • Depuis le début des années 1980 le taux de profit ré-augmente, voir là l’excellent article de Michel Husson.

      D’autant plus intéressant qu’il explore la question des très très hauts salaires qui ont pris une part inédite.

      Il en remet une couche là : http://hussonet.free.fr/pourtant.pdf

      Mais disons qu’on est dans une phase, qui dure depuis une vingtaine d’années, et c’est important de voir cela, annoncée aussi bien par nos sens que par les chiffres.

      Disons que la bourgeoisie se gave de pots de confitures, elle a les dents du fond qui baignent dans la confiture, par ailleurs une partie des bulles spéculatives qui éclatent ça et là est aussi un indice du trop plein de pognon qui leur explosent les poches.

    • Evidemment, si dans la fabrication des pots de confitures on change une donnée, par exemple le prix de la force de travail qui baisse grace à la délocalisation, on peut relancer le taux de profit à la hausse, mais c’est ponctuel et la tendance à la baisse repart inexorablement (voir lutte Dacia). Même résultat avec des changements du procés de fabrication, de vente, ou bien de modèle.

      CN46400

  • Ne pas confondre taux de profit et profit

    Soit 50% le taux de profit sur 1000 pots de confiture qui, pour résister à la concurence, passe à 25% sur 1000 000 de pots. le profit a été multiplié par 500 alors que le taux de profit a été divisé par deux !

  • Je trouve ce sujet très intéressant, car en tant que sympathisant communiste, je me suis souvent posé la question "jusqu’où peut s’étendre la propriété collective des moyens de production et de distribution ?". Certes, dans le projet, on a l’idée de bien commun de tous ces moyens, mais dans la pratique, ça va être compliqué à mettre en place. Mais il ne fait pas de doute que la santé, l’éducation, la justice, la sécurité doivent être totalement socialisé pour mettre vraiment tous les citoyens sur un pied d’égalité. Mais il serait bénéfique que cela s’étende à l’industrie pharmaceutique, aux télécommunication et à l’énergie, pour ne pas priver les plus démunis de cela, et au secteur bancaire, dans le but de démanteler le capitalisme financier. Enfin, je crois qu’il faudrait réfléchir à la socialisation des moyens de distribution des denrées alimentaires, afin de satisfaire le besoin vital de s’alimenter et de boire, garantir cet accès à tous une fois pour toutes, fixer les prix en fonction de la rareté notamment tout en dévelopant au mieux la production pour que ces prix soit bas et qu’il corresponde à la demande, tout cela pour agir pour l’environnement. Je ne m’avance pas sur la socialisation de a production alimentaire au vue de l’expérience désastreuse des sovkhozes et des kolkhozes (mais il faut tenir compte que l’agriculture avait été sacrifiée face à l’industrie). Je pense qu’il faut se servir de l’Etat pour la socialisation, mais après avoir pris les mesures pour que les salariés interviennent de plus en plus dans leurs entriprises, qu’ils aient des droits (je reprends une mesure de MGB à la présidentielle que j’ai tout à fait approuvé).

    • L’URSS a surtout été mise en pièces par la nomenclatura qui dirigeait (devenue maintenant bourgeoisie) et par l’absence de démocratie ouvrière .

      La question centrale des entreprises les plus importantes n’est pas la nationalisation mais qui a le pouvoir, qui contrôle, de la bourgeoisie , d’une nomenclatura ou des travailleurs.

      Alors rêver de nationalisations c’est rêver d’un état impartial (puisque c’est lui qui gèrera si on ne se pose pas la question socialiste du pouvoir démocratique des travailleurs). Un état n’est pas impartial et il ne le devient pas quand on en change les locataires à sa tête.

      Les socialisations ne peuvent donc qu’être conçues articulées avec une gestion des travailleurs au travers d’un processus de mobilisation de ceux-ci, d’apprentissage de la gestion et surtout d’une démocratie exemplaire dans les grands groupes industriels et financiers garantissant qu’aucune confiscation de l’objectif de la socialisation ne se fasse aisément.

      Le reste c’est retour à la case départ.

      Les expériences russes après le moment de départ ont été rapidement vidées de leurs contenus, c’est le parti qui de fait à concentrer tous les pouvoirs et les organes de pouvoirs des travailleurs transformés en courroies de transmission.

  • Deux questions essentielles sont ici abordées, qu’il convient de distinguer.

    1. Que socialiser ?

    L’expérience désastreuse du stalinisme a fait reculer la conscience socialiste, jusqu’à transformer pratiquement presque tous les membres des partis communistes, à l’Est comme à l’Ouest, en renégats ou en socio-démocrates. Il existe un doute sérieux parmi les progressistes, et la classe ouvrière, sur l’opportunité de la socialisation des moyens de production. Il faut reconnaitre qu’il faudra des années, et plus de souffrances encore, pour que s’impose, pour l’écrasante majorité des travailleurs, la nécessité de mettre fin à l’économie de marché. En attendant, la majorité des travailleurs, et leurs principales organisations luttent pour défendre ou étendre les « services publics ». Cette lutte est indispensable, à mener dans la plus grande unité. Mais elle sera toujours difficile et avec des résultats partiels, remis constamment en cause, tant que c’est le capital, autrement dit la classe bourgeoise qui continuera à contrôler l’Etat.

    Sans arracher le pouvoir économique à la bourgeoisie, il n’y aura jamais de démocratie économique ni politique. Le capital et sa dynamique d’accumulation folle continuera à tout acheter, tout « pourrir ».Non seulement pas de juste répartition des richesses, de production en fonction des besoins, dans le respect des équilibres écologiques, mais pas d’information objective, pas d’élections justes, pas de véritable liberté d’expression, pas de contrôle sur son existence. C’est l’ensemble des moyens de production qui doit être socialisé. Bien entendu, la petite production, qu’elle soit agricole, artisanale ou de service, n’est pas concernée.

    2. Comment socialiser ?

    Les expériences croisées, avec des résultats très différenciés, selon les époques, par exemple entre l’URSS et la Yougoslavie d’autrefois, ou entre la Chine et Cuba d’aujourd’hui, démontrent toutefois que sans la démocratie la plus large, dans l’entreprise, mais aussi à tous les niveaux de décision politique, l’économie n’est pas gérée dans l’intérêt du plus grand nombre (et de la planète) mais d’une couche sociale particulière, qu’on l’appelle bureaucratie ou autrement. Sans pluripartisme, sans liberté d’expression, sans autogestion généralisée, il n’y a pas de socialisme au sens où l’entend Marx. Seule la démocratie la plus large, dans l’entreprise et dans toutes les instances politiques encourage la recherche, l’initiative, la coopération, et en fin de compte la productivité, donc la capacité de se libérer du travail impossible.

    Avec le niveau des connaissances scientifiques et techniques d’aujourd’hui, il serait possible de satisfaire les besoins matériels, culturels et de loisir de tous en France en travaillant sans doute 20 heures par semaines. Mais pour cela, il faut une révolution socialiste, c’est-à-dire la socialisation des moyens de production et le pouvoir des travailleurs, soit la niveau de démocratie le plus élevé jamais mis en œuvre.

    En conclusion, le XXème siècle n’a pas été inutile. Il nous enseigne :
      pas de démocratie réelle sans la socialisation des moyens de production.
      pas de socialisation efficace sans démocratie la plus radicale.

    JP

  • Le Manifeste de la LCR, accessible sur son site, traite largement de la question.

    Un bref extrait, mettant en avant un principe "fédéraliste" :
    "L’appropriation publique des grands moyens de production, d’échanges,
    de financement et de communication, fondement de la société socialiste,
    peut prendre des formes différentes. Mais, dans son principe, elle ne
    signifie pas que ces biens appartiennent aux seuls pouvoirs publics – ni
    d’ailleurs au seul collectif de l’entreprise concernée. Ils sont la propriété
    du « peuple souverain ». C’est à lui de déterminer les diverses formes de
    cette propriété publique, ses modes d’organisation et de gestion. Ce sont
    les travailleurs et les citoyens qui gèrent l’économie, au niveau des entreprises
    et à l’échelle du pays, au travers de leurs conseils et assemblées
    élus.
    Parce que l’appropriation publique ce n’est pas l’étatisation bureaucratique
    et centraliste, une planification autogestionnaire doit tendre à réduire les décisions centrales aux grandes priorités, à distribuer autant que possible les compétences au niveau local et sur les lieux de travail, à favoriser l’épanouissement de rapports contractuels dans le cadre des options générales librement décidées. L’appropriation sociale et la planification autogestionnaire s’appuient donc sur une redistribution des pouvoirs permettant une remise en cause radicale des fonctions bureaucratiques de l’État dans la perspective de son dépérissement en tant qu’appareil bureaucratique répressif."

    Quelqu’un aurait-il des propositions officielles d’autres organisations ?

    JP

    • la democratie ,l’autogestion alliées à une "plan" controlé par les travailleurs imposent pour ne pas n’être que des jolies phrases :: :

      l’abandon pur et simple de la hierarchie dans l’entreprise est ailleurs.

      en effet si le pouvoir réel dans l’entreprise est dans les mains de ceux qui créent la valeur ajoutée,qu’est il besoin d’un autorité superieure et totalement antidémocratique et qui reproduit cette plaie humaine : la jouissance de commander un autre homme.

      Cette question doit être résolue et tranchée,sinon j’ai bien peur que tout l’édifice autogestionnaires s’éffondre.

      ni dieu ,ni maitre

      Damien communiste libertaire

    • Damien : la démocratie la plus radicale, qui exige une attention de tout instant,
      c’est bien cela la seule parade contre la recomposition des hiérarchies.

      Faut pas être angélique, le pouvoir, comme la mauvaise herbe, pousse partout où on le combat pas !

      JP

  • La question posée est la suivante : "Que faut-il nationaliser ?" Cela suppose que tout n’est pas concerné, or dans l’URSS d’aprés Lénine tout a été nationalisé, y compris les coiffeurs !

    Donc l’URSS, pas plus que la Chine de Mao, ne peuvent fournir d’enseignements autres que politiques, méthodes de gestion par exemple, et encore. D’autant que la critique objective de ses cas de figure est loin d’être sereinement exécutée. Par exemple, le goulag a joué un rôle économique bien plus important (Moshe Lewin) que le rôle repressif qui occupe généralement les critiques actuels.

    La critique des exemples venant de l’Occident, Renault, EDF, France Télécom, Air France, Volkswagen etc...etc sera à mon avis plus productive.

    CN46400