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MP10 Pascal, l’esprit de finesse et les Chinois. Monde Philo (zaz)

Publie le mercredi 30 avril 2008 par Open-Publishing

1. La démarche du Monde considérée au kilomètre 10 : la question de "l’actualité"

Avec Pascal, c’est l’entrée dans le 10e philosophe et donc le 10e volume sur les vingt prévus par Le Monde pour sa série sur les grands philosophes. Ceci nous autorise assurément une pause de mi-chemin pour interroger un peu la démarche elle-même et en dire quelques mots. Nous sommes, on se le rappelle, partis sur l’idée clairement avancée par le journal qu’il s’agissait avec cette opération de "Fournir des clefs pour comprendre le présent... ", bref l’actualité. Gageure intéressante (qui nous motivait énormément à l’Ocséna et nous plaçait dans une fébrile expectative !). Voyons sur pièces de plus près où on en est.

Chaque auteur est présenté par un spécialiste incontesté, qui a à répondre rituellement à trois questions, lesquelles ne lui posent, pour notre plaisir et notre édification, pas de difficultés a priori : a/ Quelle est la place de N... et de son oeuvre dans votre propre itinéraire philosophique ? b/ Quel est le texte de N... qui vous a le plus marqué, nourri et pourquoi ? c/ Selon vous, où cet auteur trouve-t-il aujourd’hui son actualité la plus intense ?

C’est la troisième question qui nous intéresse ici, on voit immédiatement qu’elle est pour nous biaisée. Car ce n’est pas du tout la même chose de se demander comment un auteur peut éventuellement nous faire mieux comprendre l’actualité et se demander si un auteur a une actualité. On gage que tous les grands auteurs et penseurs concernés ont une concrète et vivante actualité, on est moins sûr qu’ils soient chacun un oeil de lynx pour l’actualité où nous avons les pieds.

2. Sur Pascal, sur son actualité

De service cette fois-ci aux trois questions, Elisabeth de Fontenay, au centre, flanquée sur la droite dans la page du Monde de Véronique Decaix, professeur à Lillers (62). Plutôt que de vous donner un resucé de leurs éminentes réflexions, nous vous recommandons bien sûr, si vous ne l’avez déjà fait, de les lire dans leurs textes à elles sur le web. Qu’il nous soit seulement permis de dire que nous avons retrouvé là notre Pascal à nous, celui que nous croyons nous être familier. Notre Pascal à nous est d’abord l’existentialiste chrétien : la déréliction, la finitude, l’effroi devant les infinis, le divertissement aussi, etc. Il est bien sûr plus ou moins celui du pari, dont on doute en réalité qu’il puisse être vraiment fait tel quel.

Notre Pascal second, de culture si vous voulez, est aussi par la force des choses l’étrange cul-béni "toléré", celui des deux (au moins) illuminations aussi, celui qui croit aux miracles et qui est "toléré" également en ce sens. Il faudrait sans doute se demander pourquoi Pascal force en quelque sorte ce respect qui lui est réservé. Comme l’exprime Elisabeth de Fontenay, "Aucun philosophe n’oserait désormais rejeter Pascal en alléguant son christocentrisme intolérant, son obsession du péché originel et son attachement aux miracles." Bref dans ce qu’on sait de la France rationaliste, bouffeuse de curés, anticléricale, pleine de gousses d’ail dans les poches, Pascal est une singularité incontestablement. Nous ne pensons pas que l’actualité de Pascal soit précisément de discuter ici cet aspect des choses. Quittons donc cette question.

L’actualité de Pascal n’est pas non plus de discuter le Pascal scientifique sans doute bien daté pour 2008, qui fait je ne sais plus quoi depuis la Tour Saint-Jacques, fait de la géométrie tout jeune, invente ou réinvente les bases des probabilités, bricole une machine à calculer pour son père.

Alors, Pascal qu’est-ce qu’on peut en faire pour lire l’actualité actuelle ? Et c’est quoi cette maudite idée de vouloir faire dire des choses d’un intérêt d’aujourd’hui à des gens qui ne sont pas maintenant dans leur temps lequel était avant ? Eh bien, nous voulons jouer le jeu résolument, il y a un "troisième" Pascal pour ce faire (bien sûr c’est quand même le même !). Le troisième Pascal pour nous c’est celui de la méthode Pascal (même si le mot méthode ne lui est pas volontiers appliqué, qui se trouve préempté en quelque sorte par un autre de ses contemporains).

Le Pascal que nous voulons utiliser c’est celui des deux esprits, l’esprit de géométrie et de finesse, c’est celui de l’Art de persuader, celui des raisons du coeur que la Raison ne connaît pas, c’est celui des registres de pensée. Dans la troisième mise en éclairage de la page philo du Monde, sous la rubrique "Repères", c’est ce qui correspond au développement suivant : "Ce qui a suscité des interprétations multiples, et parfois opposées de son oeuvre, sans doute ce qu’on lui doit de plus important, est-il d’avoir transformé l’idée de vérité, en soulignant la nécessité d’envisager, pour une même question, des registres différents, correspondant chacun à une expérience distincte."

L’actualité de Pascal pour nous, au sens fort et pressant où on prend le concept d’actualité, ça va être de traiter, avec même pas l’ombre d’une provo, Pascal et les Chinois dans cet esprit.

3. Sur Pascal dans l’actualité : Pascal et les Chinois

Contester, ou si ce n’est brutalement contester, discuter, mettre en doute l’absolue validité du concept-instrument de vérité. Mais qu’est-ce qu’il a le concept de vérité ?! Qu’est-ce qu’on pourrait faire sans la vérité à tout instant ? Depuis Platon, depuis toujours, depuis Timour, et même chez les Ouïgours.

Le concept de vérité apparaît comme massivement bipolaire, bi-actif, bi et exclusif, appelez ça comme vous voulez. "Il y a du lait dans le frigo ou il n’y en a pas", c’est vrai ou c’est faux dans le cas normal et sur Terre. On sait certes que la langue, en douce, est plus subtile, qu’elle a en théorie mille et une possibilités pour exprimer la chose depuis le "très vrai" jusqu’au seulement "un chouia vraisemblable", blablabla ! On sait par la langue qu’il y a des vérités surtout verbales et puis des vérités surtout de constat et de réalité.

On sait que les logiciens modernes aussi ont fait savamment des logiques compliquées, à plusieurs valeurs, à machins flous. Avec foncteurs et quantificateurs.

Il n’empêche ! notre bidule de la vérité tourne ordinairement dans la pratique-pratique à deux valeurs strictement opposées : vrai, faux. Idem pour le bien et le mal, mais pire ! Quoi encore ? le beau, le laid ! (On ne parlera pas du vieux masculin-féminin ; 30 000 ans plus tôt, on en aurait été gavé, fallait que tout soit dans un camp sexué déterminé, le soleil et même la lune, le champignon était masculin et la truffe féminine... Le Masculin-féminin nous a un peu passé, pas du tout les trois autres.)

Or, là-dessus, dans notre petit monde d’aujourd’hui v’la t’y pas qu’arrive comme pour s’y rajouter le Tibet et la Chine.

Donc comment moyenner ? on dit ça pour essayer de gérer l’ambiance ? pour la pertinence du verbe, pour la validité du logos. Queuedalle ouais ! ça se présente d’abord très mal barré !

L’affaire tibéto-chinoise c’est peut-être bien quelque chose comme notre querelle Dreyfus du début 21e. Saignante avant de devenir édifiante ! Note qu’au départ tu ne trouvais véritablement sur le marché que la position pro-tibétaine anti-chinoise : carrée, indiscutée, celle de la foi certaine, celle des droits de l’homme, celle qui fait du 1 millions 300 000 Tibétains la certitude totale, irréfutable, de l’Histoire et qu’il te faut pour ça sans barguigner souffler la flamme et y cracher. L’autre vérité sera plus longue à se mettre à branle, mais quand le 1 milliard 300 millions de Chinois s’y sont mis, avec les quelques supporteurs poussant derrière, ça a fait brusquement du poids aussi comme on a vaguement pu le constater.

L’une et l’autre des deux thèses en conflit, la pro-tibétaine d’un côté, la pro-chinoise de l’autre ne nous ont pas paru initialement relever de la finesse, de la subtilité, de la nuance, elles nous ont semblé plutôt faites de grosse, très grosse géométrie. Une troisième voie certes, la diplomatique, assez minoritaire, a tenté de concilier autant que se pouvait les deux précédentes, elle s’est faite géométriser copieusement : empaffés ! baisseurs de culotte face au Chinois (Un truc à te décourager d’être diplomate !)

Bon ben ! on s’était peut-être partiellement trompés (partiellement, pas en entier !), c’était pas tant l’opposition de la géométrie et de la finesse qui marquait la différence ! A suivre Pascal, t’as bien tout simplement des registres de réalité ou de pensée qui ont du mal à se rencontrer. La liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, les droits de l’homme par exemple, ça ne se nuance pas par degrés, ce n’est pas comme un IDH, un PIB per capita, une ration alimentaire en calories.

Avec Pascal, tu sens, avec un rien d’attention, qu’il y a des registres hétérogènes très mal voués à s’intersecter. T’auras donc du mal en même temps à faire se comprendre parmi les occidentaux, ceux qui sont lamassistes tibétains de l’esprit et ceux qui sont maoïstes 2008 du grand développement moderne à 10% l’année.

En fait si tu suis Pascal tu t’aperçois que tes registres t’ouvrent des territoires qui te parlent et dont tu parles, mais qu’en même temps ils te parlent beaucoup de toi parce c’est toi au fond qui les a créés sans nettement le savoir et qu’ils sont "tes" perspectives..

Nous avons tellement tchaché du Tibet et de la Chine ces dernières semaines, que c’est fou en même temps ce qu’on a parlé de nous, Français, sans même le voir. Accessoirement ça devrait être utile de s’y intéresser. Si vous le voulez bien, réservons cette tache passionnante pour une prochaine fois. Nous essaierons de dire à cette occasion pourquoi les Français démunis sont chez eux si critiques de tout, et pourquoi à l’extérieur ils sont si donneurs de leçons.

Alain Serge Clary et les Inoxydables philosophes de l’Ocséna vous saluent bien !
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Les Pensées zaz de l’Ocséna

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