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PCB, un polluant en eaux troubles

Publie le vendredi 2 mai 2008 par Open-Publishing

Présents notamment dans les transformateurs électriques, les PCB sont un redoutable polluant pour les cours d’eau. Un plan national a prévu leur élimination. Pas facile...

Le comité de pilotage national PCB va ramer. Cette instance, installée officiellement le 6 février pour gérer le lourd dossier de la pollution aux polychloro- biphényles, des huiles nocives plus connues sous le sigle PCB, regroupe organismes scientifiques, pouvoirs publics et représentants des associations environnementales. Elle la devant elle un vaste programme. Il s’agit d’éliminer définitivement les sources de pollution (installations industrielles ou appareils utilisant les PCB comme isolant ou lubrifiant), de mesurer l’imprégnation du réseau fluvial français, de renforcer le contrôle des poissons destinés à la consommation et de mieux caractériser les risques pesant sur la santé humaine.

Il en coûtera 8,5 millions d’euros pour 2008. C’est suffisant pour mieux comprendre les chemins empruntés par ces huiles dans l’environnement. C’est dérisoire s’il s’agit de contrôler un polluant organique persistant largement diffusé sur toute la surface de la planète et dans toutes les eaux superficielles de notre pays. Le Rhône, les canaux et rivières du Nord-Pas-de-Calais et la Seine, à l’aval de Paris, sont ainsi gravement pollués. Le constat est d’autant plus inquiétant qu’il n’est que provisoire.
Certes, en théorie, les sources de pollution sont circonscrites. « En France, le plan national d’élimination des PCB impose la disparition de toutes les installations qui les utilisent en 2010, précise Alain Geldron, chef du département prévention et valorisation des déchets à l’Ademe (Agence de l’envo- ronnement et de la maîtrise de l’énergie). En 2003, nous avons comptabilisé 545 610 appareils encore en activité, dont 400 000 appartiennent à EDF. » Dûment contrôlés, ces installations sont théoriquement sûres et l’huile est a priori parfaitement confinée dans les circuits d’isolation. Mais en pratique, la pollution aux PCB est loin d’être éradiquée. Les déversements, sauvages ou accidentels, continuent. Ainsi, en décembre 2007, à Morannes (Maine-et-Loire), des voleurs ont investi une minoterie désaffectée pour désosser un transformateur inutilisé. Et ils ont déversé 170 kilos de PCB dans la Sarthe toute proche.

Depuis leur apparition dans les années 1930, les PCB ont été largement utilisés pour leurs qualités d’isolant, de lubrifiant et leur ininflammabilité. En près d’un demi-siècle, plusieurs centaines de milliers de tonnes de PCB ont été commercialisées sous des appellations diverses (pyralène, arochlor, as- karel). Au fil du temps, les guerres, les destructions d’ins- tallations industrielles et les déversements sauvages ont répandu dans la nature des tonnes de ces huiles.

Lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’en préoccupe, à la fin des années 1970, elle découvre leurs effets nocifs sur l’environnement et la santé humaine. Trop tard, le mal est fait. Car les PCB ne se dégradent pas. Une fois libérés dans le milieu naturel, ils se diffusent, pénètrent dans la chaîne alimentaire et s’accumulent dans les graisses des êtres vivants, dont l’homme. L’effet cancérogène est certain. Les PCB sont interdits pour les usages grand public dès 1979, et dans le réseau électrique en 1987. L’OMS a par ailleurs fixé un seuil de 8 picogrammes (1) par gramme de poids de corps comme limite à ne pas dépasser.

Les études qui vont débuter cette année sous l’égide du comité français vont permettre de mieux comprendre les mécanismes de diffusion des PCB dans l’environnement. « On connaît les sources, on connaît les destinations finales, les graisses des animaux. Mais les échanges entre l’eau et les sédiments sont mal connus », reconnaît Philippe Bataillard, du service Environnement industriel et procédés innovants du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM). Dans l’eau, les PCB prennent trois formes : dissous, dissous mais associés à des particules sous forme de colloïdes, et enfin imbriqués dans la matière organique en suspension (MES). « La matière organique présente des caractéristiques morphologiques et chimiques capables de capter ces molécules hydrophobes, poursuit Philippe Bataillard. Plus lourdes, les MES vont ensuite se déposer au fond de la rivière et sédimenter. »
Mais, sous certaines conditions de température de l’eau et de l’air, d’ensoleillement ou de courants, il est également possible que les PCB passent en phase gazeuse et prennent des voies aériennes. « C’est ainsi que cette famille de polluants voyage dans les hautes couches de l’atmosphère sur de longues distances, ce qui explique sa présence dans la chaîne alimentaire des régions arctiques ?[Au Canada, on a retrouvé chez des ours polaires 18,1 mg de PCB par kilo de graisse], décrit Jean-François Brunet, ingénieur environnement au BRGM. Il est d’ailleurs possible qu’une partie de la pollution des fleuves français soit d’origine atmosphérique. »

Le voyage dans la chaîne alimentaire est tout aussi difficile à reconstituer. « On distingue deux grandes voies, détaille Marc Babut, chercheur au Ce- magref (Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement) et coauteur avec Cécile Miège du rapport sur la contamination des poissons du Rhône. Le polluant se dépose sur le phytoplancton qui est absorbé par les poissons herbivores. Ou bien, il passe par les poissons et les mollusques fouisseurs qui se nourrissent de la matière organique des sédiments. »
Les PCB sont désormais intimement liés à la vie du fleuve, difficiles à quantifier, partout présents à des doses infimes. Ils ne seront pas faciles à déloger.

(1) 1 picogramme = 1 millionième de millionième de gramme ou 10-12 g.< /FONT >

209 variantes identifiées
Les polychlorobiphényles sont des composés dérivés du biphényle, (un hydrocarbure aromatique comprenant 12 atomes de carbone et dix atomes d’hydrogène) créés par substitution de un à dix atomes d’hydrogène pari des atomes de chlore. Les PCB homologues différent donc entre eux par le nombre d’atomes d’hydrogènes substitués. Un homologue peut avoir plusieurs congénères (isomères) suivant la place occupée par les atomes de chlore. Il existe 209 congénères différents. Ils sont classés par ordre de chloration. Le numéro 1 est celui qui contient un seul atome de chlore. Plus les PCB sont chlorés, et plus ils sont hydrophobes et toxiques.

En 1982, sept PCB (nommés indicateurs PCBi) parmi les 209 congénères ont été sélectionnés par le Bureau communautaire de référence de Bruxelles comme les composés à rechercher prioritairement dans les analyses de sédiments ou d’éléments biologiques (sang, chair, graisse) du fait de leur persistance, de leur abondance dans l’environnement et de leur toxicité. Cela évite ainsi de multiplier des recherches très onéreuses. Depuis, douze autres PCB (nommés « dioxin like » ou PCB dl, dont un commun avec les PCB indicateurs) ont été identifiés comme prioritaires car ils ont un effet comparable à celui de la dioxine de Seveso (la 2, 3, 7, 8 tétrachlorodibenzo- p-dioxine ou TCDD). Leur présence est souvent exprimée en équivalent toxique. L’analyse de ces 12 PCB dl est plus difficile et plus coûteuse que celle des sept PCBi.

Loïc Chaveau

http://sciencesetavenirmensuel.nouvelobs.com/hebdo/parution/p735/articles/a372616.html