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Cesare Battisti : PROCÈS ITALIENS, TÉMOINS ACHETÉS OU TORTURÉS

Publie le lundi 10 mai 2004 par Open-Publishing


Article de Corinne Naidet (La Noir’rôde) à paraître dans Le Patriote

Au moment où la cour d’appel du tribunal de Paris doit statuer sur l’extradition
de Cesare Battisti, la romancière Fred Vargas, historienne au CNRS où elle a
obtenu la médaille de bronze pour la rigueur et la qualité de ses travaux, publie
un livre qui rassemble divers textes afin que sur cette affaire, dit-elle, « chaque
Français puisse atteindre à la vérité qui lui est celée ». En effet, après la
campagne de désinformation des médias italiens relayés par la plupart des journaux
français ces dernières semaines, cet ouvrage s’imposait pour rétablir la vérité.

Il débute par une présentation de l’accusé dont l’itinéraire politique est replacé dans
le contexte historique des années 1969 à 1982, appelées « années de plomb ».
Cette période généra des lois d’exceptions qui, ici, sont toutes référencées
avec une explication sur les « repentis » et les « dissociés » : ces terroristes
qui négocièrent leur propre libération en échange de la dénonciation de leurs
camarades. On apprend comment durant ces procès, selon les rapports annuels d’Amnesty
International, la torture fut régulièrement utilisée pour obtenir des aveux.
La pratique la plus courante consistait à gaver les témoins d’eau salée à l’aide
d’un tuyau avant de leur frapper violemment l’estomac pour les faire craquer.
Pour le seul procès de Battisti, treize prisonniers ont reconnu avoir été torturés.
Le livre publie le témoignage de l’un d’entre eux, Sisinio Batti, qui déposa
plainte un an plus tard en reniant ses accusations extorqués sous la torture.
La lecture de ces différents textes permet de mieux comprendre comment le procès
italien de Battisti a été vicié et pourquoi il s’agit d’une parodie de justice
avec des témoins avouant sous la torture tout et n’importe quoi tandis que le
principal accusateur, Pietro Mutti, négociait sa liberté en chargeant son ancien
camarade Battisti de tous les homicides commis par l’organisation à laquelle
ils appartenaient tous les deux.

Le but de cet ouvrage n’a jamais été de refaire le procès de Battisti, car le principe qui a toujours guidé ceux qui le soutiennent reste le respect de la parole d’état par laquelle le Président Mitterrand accordait l’asile politique aux ex-activistes italiens à la condition qu’ils renoncent à la violence. Cet engagement doit être respecté. Mais puisque les détracteurs de Battisti ont délibérément menti afin de le faire passer pour un tueur, Fred Vargas a jugé indispensable de faire la démonstration du contraire, le tout assorti de preuves irréfutables. L’une d’entre elles, par exemple, est une « note en blanc » élaborée par les Renseignements généraux en février 2004, afin d’informer la police sur le prévenu. Cette note est entièrement fausse, le plus ignoble étant atteint lorsqu’elle indique qu’en 1991, les juges ont voté POUR l’extradition de Battisti, alors que c’est tout le contraire qui s’est produit.

Ce document préparé dans l’urgence mais avec beaucoup de rigueur par Fred Vargas aidée de quelques amis, insiste aussi sur le phénomène de « masquage » orchestré par le pouvoir et bien connu en psychiatrie, auquel, malheureusement, a été confronté Cesare Battisti : comment détourner l’attention du public en la focalisant sur une cible précise : ici, un émigré italien (encore une connotation raciste) au passé révolutionnaire ayant appartenu à une organisation qualifiée de terroriste. Par les temps qui courent, un choix idéal à jeter en pâture aux citoyens…

Grâce à ce livre, on peut ainsi se rendre compte de tous les mensonges et autres coups tordus dont Battisti a été la victime, à son grand étonnement ainsi qu à celui de ses amis, tous plus ou moins issus du monde du polar, qui s’étaient rassemblés pour défendre cette cause juste. Juste au niveau du droit, puisqu’on ne peut pas, théoriquement, juger la même affaire deux fois. Juste car le respect de la parole de la France est en jeu dans cette histoire…

Fred Vargas dont le dernier roman noir « Sous les vents de Neptune » est sorti en mars 2004 chez le même éditeur nous livre ici un livre indispensable : bien évidemment pour que la vérité sur cette affaire soit enfin écrite noir sur blanc, sans aucune contestation possible et que les Français puissent « juger » celle-ci, avec, on l’espère, l’objectivité qu’auront les juges. Mais aussi, bien au-delà pour nous faire réaliser qu’en de nombreuses occasions, les médias sont manipulés et qu’il n’est pas bon de prendre pour argent comptant tout « ce que disent les infos ».

La vérité sur Cesare Battisti

Textes et documents rassemblés par Fred Vargas

Editions Viviane Hamy 2004, collection [ bIs ]

10.05.2004
Collectif Bellaciao