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PARTI DE LA GAUCHE EUROPEENNE : UN PAS EN AVANT

Publie le lundi 10 mai 2004 par Open-Publishing

Raymond Debord & Dominique Cornet
adhérents du PCF (Paris) et animateurs du site http://www.le-militant.org

En janvier 2004, des représentants de 11 partis se sont rencontrés à Berlin
et se sont mis d’accord pour lancer un parti européen. Parmis ceux-ci on
trouve le Parti communiste français, les partis communistes Autrichien et
Slovaque, la Gauche Unie d’Espagne, le Parti du Socialisme Démocratique
allemand, le Parti communiste grec de l’Intérieur, le Parti de la
Refondation Communiste italien.

Ce processus a suscité un véritable déferlement de critiques venant de tous
les secteurs de l’opposition de gauche au sein du PCF : lettre d’André
Gérin, pétition de la Gauche communiste, motion de la section du 15ème
arrondissement parisien, déclaration du PRCF, tribune d’Yves Dimicoli,
Laurent Frajerman et Nicolas Marchand dans l’Humanité, etc.

Disons-le clairement et en toute fraternité : la plupart des arguments
avancés relèvent soit d’un manque d’information (de partialité ?) soit d’un
chauvinisme des plus éculé. Sur le premier point, la lecture des projets de
documents du PGE (manifeste et statuts) et la réponse de Francis Wurtz à
Dimicoli-Frajerman-Marchand dans l’Humanité lèvent toute ambiguïté.

Sur le second, à savoir les questions liées à la "souveraineté" de la France
et des communistes français, il y a un problème très sérieux.

Le fait que la mise en place du PGE aggrave le tournant "euroconstructif" du
PCF n’est pas démontré. Oui, le PCF connaît de très sérieuses dérives
politiques dont la plus significative a été sa participation loyale au
gouvernement Jospin. Mais celle-ci n’affecte pas moins des partis comme le
PDS allemand qui participe à Berlin à une coalition menant une politique
calamiteuse. Même Refondation communiste a soutenu dans le passé la
soi-disant "Coalition de l’Olivier". On notera à ce sujet que RC est partie
prenante du PGE alors que sa scission "ministérialiste", le Parti des
Communistes italiens, reste en dehors pour l’instant. Comme quoi il faut se
méfier des caricatures. En tout état de cause, si opportunisme à l’égard des
institutions européennes il doit y avoir, ce sera avec comme sans le PGE.

Par contre, l’existence d’un parti européen permettrait sans aucun doute de
développer les échanges entre militants à la base des différents partis.
Jusqu’à preuve du contraire, ce genre de choses n’a jamais favorisé
l’opacité et l’opportunisme mais toujours mis en difficulté les
bureaucraties et poussé en avant les tendances les plus démocratiques et les
plus favorables aux revendications ouvrières.

Alors oui, il est vrai que le programme du PGE tient en huit points qu’on
peut juger comme très limités. Mais il n’est malheureusement pas beaucoup
plus limité que celui de chacun des partis nationaux qui y participent,
qu’ils s’intitulent "communistes" ou pas. La question des étiquettes est
certe importante mais elle ne permet en aucun de définir un contenu. Celà il
n’y a que le programme qui permette de le faire. Reste à s’entendre sur ce
qu’il devrait être. S’il s’agit de préférer à l’adaptation aux courants
europhiles de la bourgeoisie un repli national portant en germe une autre
forme de collaboration de classe (comme le sous-entendent les références
appuyées de certains camarades au Conseil national de la résistance), quel
est l’intérêt pour des communistes ?

Une grande partie du débat entre partisans et adversaires du PGE tourne
autour de la question de la "souveraineté" des partis nationaux. Le rappel
de celle-ci figure d’ailleurs noir sur blanc dans la motion soumise au vote
des adhérents par la direction du PCF. Cette souveraineté est légitime pour
ce qui concerne la tactique nationale de chaque parti. Faut-il pour autant
la présenter comme quelque chose de principiel et d’atemporel ? On est en
droit de se le demander.

Rien ne permet de présupposer que la majorité des membres du PCF soient plus
à gauche que la majorité des communistes européens et des membres des forces
appelées à rejoindre le PGE. Pourquoi avoir peur du plein exercice de la
démocratie en son sein, selon le principe "un homme, une voix" et se
retrancher derrière des prérogatives nationales ? Le consensus risque fort
de conduire à l’immobilisme. L’intérêt bien compris des militants n’est-il
pas de pouvoir participer à un parti européen fonctionnant selon la règle de
la majorité, à partir du moment où des garanties existent sur le
représentation démocratique de toutes les sensibilités ?

Le courant révolutionnaire est minoritaire, que ce soit dans le futur PGE
comme dans le PCF ou chacun des partis nationaux. Il est minoritaire dans la
société. C’est bien dommage mais c’est un fait. Et c’est un fait qu’on ne
fera pas changer en cédant aux sirènes d’un chauvinisme qui n’a jamais
profité sur le long terme à la classe travailleuse ou à ses représentants.

Elever la conscience de classe, c’est chercher à lui donner une dimension
internationaliste. L’existence d’un Parti de la gauche européenne, même sur
les prévisibles bases réformistes qui seront les siennes, permettra à cette
démarche de prendre une dimension beaucoup plus concrête. Le PGE n’a pas le
tort de se constituer, il a celui de ne pas aller assez loin, tant sur le
fond (le programme) que sur la forme (le fonctionnement). En tout état de
cause, il représente un pas en avant pour les intérêts bien compris des
salariés de France comme du reste de l’Europe.

N’oublions pas qu’aucun parti révolutionnaire n’est né ex-nihilo mais
toujours à la suite d’une radicalisation du salariat et de sa réfraction
dans les partis réformistes. C’est d’ailleurs ainsi qu’est né le PCF. Il
n’en sera pas autrement demain alors que le besoin d’un outil ad-hoc se fera
chaque jour sentir davantage face à la structuration des institutions
européennes. En permettant d’unir les partis parlementaires les plus à
gauche de l’Union, le PGE favorisera le processus de constitution d’un seul
parti révolutionnaire centralisé au niveau européen, c’est-à-dire un Parti
communiste de l’Union européenne.