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Les agents d’EDF-GDF Services s’inquiètent du redécoupage annoncé de leur activité

Publie le mardi 11 mai 2004 par Open-Publishing

Changement de statut, ouverture à la concurrence : les deux sujets cristallisent les inquiétudes des électriciens et gaziers. Les 64 000 agents d’EDF-GDF Services sont en première ligne. Aux termes des réformes adoptées à Bruxelles, la distribution d’électricité et celle de gaz doivent être séparées des activités commerciales, obligeant EDF et Gaz de France à opérer un subtil redécoupage de leur branche commune. OAS_AD(’Middle’) ;

Après la centrale de Chinon le 29 avril, le ministre de l’économie et des finances, Nicolas Sarkozy, doit justement se rendre, mardi 11 mai, dans un centre de distribution, à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), pour tenter d’expliquer l’avenir des entreprises.
"On est dans le flou, personne n’est en mesure de nous dire où nous serons dans trois ans, témoigne une assistante clientèle, qui travaille sur un plateau téléphonique dans le Val-d’Oise. Nos collègues techniciens vont devenir des étrangers pour nous. On n’aura plus le droit de leur demander un service."

"Eclatement", le mot est systématiquement lâché par les agents. Les directions doivent mettre en place un opérateur commun, chargé notamment de la maintenance, et deux gestionnaires de réseau de distribution (GRD), l’un pour l’électricité, l’autre pour le gaz, dont l’autonomie doit garantir l’égalité et l’impartialité des prestations aux concurrents d’EDF et Gaz de France. Les services à la clientèle résidentielle seront aussi séparés. A terme, quand un agent viendra faire un branchement chez un client, il ne saura pas pour quel fournisseur il le fera, EDF, Suez, Endesa... Ce qui ne va pas de soi pour tous les agents d’EDF-GDF Services, attachés à leur entreprise.
L’ouverture du marché est aussi jugée responsable d’autres évolutions. Sur trois ans, EDF-GDF Services a perdu 5 000 emplois, selon la CFDT. Sur Paris intra-muros, par exemple, selon la CGT, 4 805 postes ont été supprimés depuis 1989. Et les agents notent un recours de plus en plus courant aux emplois précaires.

"A Nanterre,explique Michel Dumazeau, délégué syndical CGT, 60 % de la relève des compteurs est confiée au privé." Une situation identique dans plusieurs villes. Si, à l’avenir, l’opérateur commun est soumis à une pression des fournisseurs de gaz et d’électricité pour faire baisser les coûts d’approvisionnement, le recours à l’externalisation pourrait aussi se généraliser, craignent les agents.
"Le problème, ce ne sont pas mes acquis sociaux, c’est l’avenir de l’entreprise", juge Régis Pechabrier, animateur clientèle à Périgueux, inquiet des regroupements en cours. Une politique engagée par la direction depuis plusieurs années, les usagers ne se déplaçant plus beaucoup pour régler leurs factures. De nombreuses agences de proximité ont fermé. Par exemple, dans les Hauts-de-Seine, celles de Suresnes, Rueil-Malmaison ou Levallois-Perret. "On redoute aussi que les agences rurales disparaissent", explique Thierry Balestra, chargé de la relève, à Perpignan. Pour pallier la fermeture des caisses, les directions locales signent des conventions avec La Poste, qui accueille des points services.

La culture change, aussi. Selon certains, EDF-GDF Services raisonne déjà comme une société privée."On nous parle de plus en plus d’objectifs individuels",raconte Emmanuel Le Glevarec, conseiller clientèle à Quimper. "Avant, on disait abonnés, aujourd’hui, on dit clients. On nous demandait de gérer des dossiers, à la rigueur de proposer des services, maintenant c’est l’inverse, on doit vendre en priorité des services", regrette l’assistante clientèle du Val-d’Oise.

En Ile-de-France, par souci d’économies, le dépannage est désormais géré depuis le centre régional de Nanterre. L’activité professionnelle (artisans, commerçants,...) a été séparée ces derniers mois, l’ouverture du marché étant effective pour ces clients le 1er juillet. Des centres téléphoniques "Accès pro" ont été créés au niveau régional, et il n’y a plus d’accueil physique.
"On connaît au moins les grandes lignes du projet", reconnaît M. Pechabrier. "On sait qu’on va être concurrents, et on aurait préféré rester ensemble, avec nos véhicules EDF-GDF", confie M. Balestra. La question circule dans les services à la clientèle : "Tu choisiras le gaz ou l’électricité ?", sans pour autant connaître l’échéance ni s’il sera réellement possible de choisir.

Trois ans de discussions n’ont pas permis de lever toutes les interrogations. En janvier, les directions ont annoncé leur projet de deux GRD. Une convention des cadres, prévue le 30 mars, a été reportée à la fin mai. Selon plusieurs sources, les deux entreprises seraient en désaccord sur la répartition des rôles. La CGT, la CFDT, FO et la CFTC ne veulent plus siéger au comité central d’entreprise.
Les syndicats étaient favorables à la fusion pure et simple d’EDF et de Gaz de France, qui a été écartée. Ils avancent aujourd’hui plutôt divisés. La CGT et FO continuent à demander que le gestionnaire de réseau soit mixte : la séparation du gaz et de l’électricité apparaît, pour beaucoup, illogique, puisque EDF et GDF veulent proposer à l’avenir une offre énergétique mixte à leurs clients. Une fois ces entreprises concurrentes, l’opérateur commun pourra-t-il perdurer ?

Autant de questions que les syndicats ont posé à M. Sarkozy. Le ministre, soucieux surtout de faire passer le changement de statut d’EDF et de GDF, semblait prêt ces dernières semaines à lâcher du lest sur d’autres points. Le projet de loi révisé sera examiné au Conseil d’Etat jeudi 13 mai, avant d’être inscrit au conseil des ministres, le 19 mai.

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