Accueil > La cour d’appel de Paris examine le 12 mai la demande d’extradition de (...)

La cour d’appel de Paris examine le 12 mai la demande d’extradition de l’ex-activiste italien Cesare

Publie le mardi 18 mai 2004 par Open-Publishing

LE MONDE 12.05.04

L’auteur de polars réfugié en France devrait être fixé sur son sort " dans un ou deux mois". A la différence du parquet général, ses avocats estiment qu’il n’y a pas de "fait nouveau".

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris devait examiner au fond, mercredi 12 mai, la demande d’extradition de l’Italie visant Cesare Battisti, 49 ans, ancien activiste de l’extrême gauche italienne réfugié à Paris, condamné à perpétuité dans son pays pour quatre meurtres. OAS_AD(’Middle’) ; L’arrêt devrait être mis en délibéré "à un ou deux mois", selon le parquet général. Si l’avis rendu est défavorable, Cesare Battisti ne pourra plus être inquiété. Dans le cas contraire, c’est le premier ministre qui décidera, par décret, de l’extrader ou non.

Initialement fixé au 7 avril, l’examen de la demande d’extradition avait été reporté en raison de l’envoi, à la veille de l’audience, par la justice italienne, de 800 pages concernant les faits pour lesquels Battisti a été condamné. Les avocats de M. Battisti s’étaient indignés, et, le 10 mai, ils ont porté plainte contre X... et contre l’ambassade d’Italie, pour "diffamation et injures non publiques", en découvrant dans le dossier une "note" adressée au ministère des affaires étrangères français et jugée "insultante" pour les avocats.

Ancien dirigeant du Mouvement des prolétaires armés pour le communisme (PAC), M. Battisti est réclamé par l’Italie pour deux peines de réclusion criminelle à perpétuité prononcées par contumace par la cour d’assises de Milan le 31 mars 1993. Quatre meurtres, commis en 1978 et 1979, sont visés : celui d’un gardien de prison en juin 1978 à Udine, d’un agent de police en avril 1979 à Milan, d’un militant néo-fasciste le 16 février 1979 à Mestre et la complicité de l’assassinat, le même jour, à Milan, d’un bijoutier tué par balles alors qu’il se promenait avec un de ses fils, resté paraplégique. M. Battisti nie les faits.

Arrêté le 10 février à Paris, où il était devenu concierge dans le 9e arrondissement et écrivait des romans policiers, il a été libéré le 3 mars, et est actuellement sous contrôle judiciaire.

Cesare Battisti revendique le droit d’oublier les "années de plomb". "Je n’étais chef de personne. Ayant perdu confiance dans la justice de mon pays, je me suis évadé pour m’exiler à l’étranger, a-t-il écrit dans une "Lettre ouverte aux Italiens et aux Français" publiée par Le Monde (2 avril). Je fus ainsi jugé en mon absence, sans aucune possibilité de me défendre, sans avoir jamais pu parler à l’avocat. Dans ces conditions, je fus condamné à la prison à vie sur la parole dictée des "repentis", qui furent acculés à négocier leur peine."

En Italie, la question de l’extradition n’est pas discutée. "Battisti a participé matériellement à trois de ces homicides, deux fois il a tiré lui-même, et dans le quatrième cas, il a tout planifié et organisé", a souligné le procureur-adjoint du tribunal de Milan, Armando Spattaro, qui fut l’accusateur de Cesare Battisti. En France, le sujet fait débat. Pour démontrer que l’extradition serait "illégale", la défense de M. Battisti avance trois arguments.

La "doctrine Mitterrand" et l’engagement français.

Mes Jean-Jacques de Félice et Irène Terrel mettent en avant "la continuité de la politique française de gauche et de droite pendant vingt ans, sous neuf gouvernements successifs". Outre la parole de François Mitterrand, en 1985 -"J’ai dit que 300 Italiens (...) étaient à l’abri de toute sanction par voie d’extradition"-, ils rappellent aussi l’engagement de Lionel Jospin aux avocats de la défense des réfugiés italiens, en mars 1998, que ces personnes ne seraient pas recherchées dans le cadre du "fichier Schengen". Ils invoquent aussi l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour plaider que la "sûreté juridique est un droit acquis". Le parquet général, lui, estime qu’il n’a pas à se mêler d’un débat politique, ou à tout le moins réglementaire.

Les conclusions des arrêts de 1991 et les "faits nouveaux".

Les avocats de M. Battisti mettent en avant les deux avis défavorables à la demande d’extradition datés du 29 mai 1991. Pour eux, les faits invoqués aujourd’hui par l’Italie pour réclamer l’extradition du réfugié "sont exactement les mêmes qu’en 1991. Et, à supposer qu’il y ait des faits nouveaux, pourquoi les invoquerait-on douze ans plus tard ? Ce serait irrecevable en soi." Ce n’est pas l’avis du parquet général. Pour lui, si le second arrêt - le seul qui concerne les faits fondant la nouvelle demande d’extradition - a émis en 1991 un avis défavorable, "ce n’est que pour des motifs de pure procédure, pas de fond", explique-t-on. "En 1991, la demande italienne se fondait sur plusieurs mandats d’arrêt, pris avant jugement. Aujourd’hui, elle se fonde sur un titre nouveau : les condamnations rendues par les juridictions italiennes le 13 décembre 1998, le 16 février 1990 et le 13 octobre 1993. Juridiquement, ce n’est donc pas la même demande."

Les particularités du droit italien et de la contumace.

Mes de Felice et Terrel font valoir que "la loi italienne, contrairement à la plupart des autres pays européens, ne prévoit pas de nouveau procès après un jugement par contumace - ce qu’on appelle "la purge". Donc, si Battisti devait être extradé, il serait immédiatement emprisonné à perpétuité en Italie, sans aucune possibilité de nouveau procès."

Pour le parquet, la procédure italienne au terme de laquelle il a été condamné respecte les prescriptions de la Convention européenne des droits de l’homme. "Même si M. Battisti était absent, il a pu être représenté par un avocat, ce qui est conforme aux exigences européennes", fait-il valoir aujourd’hui.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-364514,0.html