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Mes amis Philippe Val et Denis Robert

Publie le dimanche 6 juillet 2008 par Open-Publishing
10 commentaires

de Francis Kuntz

Dans son édito du 25 juin 2008, Philippe Val utilise une longue métaphore pour expliquer que Denis Robert est un journaliste qui prend ses fantasmes pour des réalités.

Un édito que j’ai lu avec d’autant plus d’intérêt que je connais Denis et Philippe Val pour avoir travaillé dans les mêmes journaux qu’eux à plus d’une dizaine d’années d’intervalles : Santiag, un magazine d’info animé par une bande de copains de Metz qui amena très vite Denis à travailler pour Libé, et la Grosse Bertha, ancêtre historique de la version actuelle de Charlie Hebdo, même si Val ne revendique guère ce passé, ce qu’on excusera facilement, la GB ayant été un brouillon très approximatif tiraillé entre les envies antagonistes de ses membres fondateurs.

Aujourd’hui, donc Val est la voix de Charlie. Et il dénonce Denis qui aurait bâclé son travail et accusé sans preuves. Qui ?

La chambre de compensation Clearstream dont deux livres et un documentaire de Denis Robert parlent longuement. Grâce au contact d’anciens employés de cette banque des banques luxembourgeoise, Denis a en effet eu accès à des listings de comptes troublants et enregistré des témoignages de méthodes utilisées par la banque, qui en opacifiait sa nature, la rendant ainsi vulnérable aux méchants internationaux de tous poils, des vulgaires escrocs en cols blancs aux terroristes, en passant par les multinationales qui vénèrent le dieu du secret bancaire.
Voilà précisément ce que Denis Robert montrait du doigt dans ses livres et son reportage. Voilà contre quoi il mettait en garde.

Une horde de journalistes « très attachés à la déontologie », comme ils disent, s’est alors abattue sur lui, l’accusant d’agiter sans preuves, oubliant qu’en de pareils cas, c’est à la justice de prendre la suite du boulot.

Enfin, il me semble : jadis, un ami auteur m’avait demandé de témoigner en sa faveur à la suite d’une plainte d’un de ses confrères qui l’accusait de plagiat. Pour prouver son innocence, cet ami a dû réunir de multiples preuves et témoignages, dont le mien, qui attestaient que certaines idées lui appartenaient bien à des dates précises, publications datées, courriers ou mails du même métal à l’appui.

Philippe Val, qui ignore sans doute ce principe, n’est pas étonné que la justice luxembourgeoise et française n’aient jamais pu obtenir la justification des listings accusateurs par Clearstream.

Il n’est pas étonné qu’aucune confrontation sérieuse n’ait pu être faite entre les anciens employés de Clearstream et leurs responsables d’alors. Aucun étonnement non plus de sa part, lorsque cette banque luxembourgeoise a viré elle-même Lussy, l’ancien directeur et toute une partie de ses collaborateurs mis en cause.

Philippe Val n’est pas autrement surpris que la chambre de compensation, mais aussi une banque russe et une luxembourgeoise, aient envoyé à ce jour, quelques 300 huissiers au domicile de Denis Robert pour des poursuites judiciaires en diffamation ( trois cent, on aura bien lu. Il ne s’agit pas d’une coquille de l’imprimeur).

Pourtant, Philippe Val devrait savoir ce qu’est un procès en diffamation : c’est poursuivre quelqu’un qui, selon vous, accuse sans preuve. Grâce à cette loi scélérate, en France, on peut foutre un procès chaque semaine à Charlie Hebdo. Un exemple ? Un article faisant allusion au SMS de Sarko envoyé à Cécilia. Un SMS dont personne ne peut prouver légalement l’existence aujourd’hui. C’est cela un procès en diffamation : on ne prétend pas que vous avez tord, on dit que vous avez tord de vous occuper de ce qui ne vous regarde pas.

Je suis étonné qu’un grand homme de presse comme toi semble ignorer cela, mon cher Philippe !

Puisque j’en suis au tutoiement, sache que ta prise de position a d’autant plus retenu mon attention que ton édito est un peu bâclé. Par exemple, tu as oublié de dire qu’il y a quelques jours, Denis Robert, s’estimant vaincu par le harcèlement de procès en diffamation mené par Clearstream contre lui, a fait très clairement savoir qu’il n’aborderait plus jamais le sujet... Qu’on puisse désormais s’attaquer à lui sur ce terrain sans craindre de démenti de sa part a-t-il pu t’échapper ? A moins que ce ne soit ta verve littéraire qui soit un peu en berne, ces derniers temps.

Je le crains quand tu écris que « Denis Robert vient de perdre encore un procès », tu te trompes d’adverbe : ce n’est pas « encore », mais « exceptionnellement » qu’il fallait écrire. Je te rappelle en effet que Denis Robert a gagné ses procès contre Menatep (24) , Fortis (une dizaine) et Clearstream (voir le jugement de la Boîte noire sur le site des Arènes). Avec Clearstream, si on était au football je dirais même que le score est de parité 4 à 4. Balle au centre. DR a gagné les procès qu’on lui a intenté contre des itvs à l’Obs, au Point, chez Ardisson, et a perdu VSD et récemment Sud Ouest. Tout cela, par ailleurs, est en appel… Heureusement que Denis a décidé de lâcher prise faute d’argent, tu risquais un procès en diffamation !

Il est vrai que tu l’avoues sans manière : l’avocat de Charlie Hebdo est ton ami. Et quel avocat, puisqu’en plus de défendre les intérêts de Charlie Hebdo, il défend ceux de Clearstream ! Tu n’y vois aucun paradoxe et l’appelle même « mon ami Richard ». Denis Robert a soupçonné cette amitié d’avoir provoqué un mol entrain de ta part à le soutenir dans son combat, et ceci t’a beaucoup meurtri.

Je compatis en lisant la ligne de conduite de ton ami Richard que tu cites ( sans rire, cette fois ) : « Je suis spécialisé dans les affaires de presse. Je me bats, par passion, pour une information de qualité, élément essentiel de la démocratie. Dans le journalisme, la qualité a des critères : c’est le contraire de la calomnie, de l’utilisation démagogiques de fantasmes et de la création de boucs émissaires, même s’il s’agit d’une société luxembourgeoise. Ce n’est pas tant Denis Robert que j’ai fait condamner, mais une pratique journalistique, désormais coutumière sur Internet, où l’affirmation que la cause est bonne remplace la preuve et l’exactitude. Le mécanisme est simple, il repose sur ce postulat : la preuve que je dis vrai, c’est que des gens me croient. Et ils me croient d’autant plus qu’ils ont envie de me croire. Et ils ont de bonnes raisons pour cela : regardez toute l’injustice qu’il y a dans le monde ».

Ben voyons. Dommage que, sorti du contexte des enquêtes de justice qui se sont heurtées à Clearstream, et à travers elle, au puissant Luxembourg et sa machinerie financière, ce noble discours soit un peu hors sujet.

Malka parle de fantasmes, de la création de boucs émissaires. Le Luxembourg, comme la Suisse ou Jersey ou les ïles Caïman invitent au fantasme, en effet. Et une banque comme Clearstream constitue un parfait bouc émissaire. Malka eut pu rajouter « sans défense » pendant qu’il y était. Quelle dommage pour Denis que ce soit dans une de ces contrées qui font fantasmer et au sujet d’un bouc émissaire si vulnérable qu’il ait trouvé matière à enquêter !

De là, à comparer le travail de plusieurs années de Denis et ses informateurs aux rumeurs « journalistiques » d’Internet, il n’y a qu’un pas pour maître Malka. Un pas qu’il franchit avec un bel allant et Philippe Val qui n’a visiblement pas lu les livres de Denis Robert, mais connaît tout de l’affaire grâce au résumé objectif de son ami avocat.

Parfois, avouons le, Philippe sait aussi se faire un avis tout seul. Sur Weronika Zarachowicz, par exemple, qui a écrit un article dans Télérama pour annoncer que Denis Robert lâchait prise. Val nous livre la conclusion de celle qu’il appelle sa « consoeur », terme qui nous rappelle au passage que lui même ne se considère pas uniquement éditorialiste rigolo : « En Russie, écrit donc Zarachowicz , pour réduire les journalistes au silence, on envoie des tueurs à gages. Dans les vraies démocraties, on demande à la justice de faire son boulot. ». Et le journaliste éditorialiste maniant l’humour comme personne, ponctue la citation d’un « Saloperies de vraies démocraties » ironique. Car c’est vrai : de quoi se plaint Denis Robert ? On ne l’a pas liquidé à ce que je sache !

Fantasme, quand tu nous tient. L’ex saltimbanque qui brûla jadis les planches du music hall avec Patrick Font ne s’est visiblement pas débarrassé des siens. Rappelons qu’à l’époque, il vilipendait volontiers Pinochet, armé de sa seule guitare. A quelques milliers de kilomètres à peine du Chili, comme le soulignait Desproges en parlant des auteurs compositeurs engagés. Aujourd’hui encore, Philippe Val continue à tempêter contre les lointaines tyrannies mais reste un farouche défenseur de la démocratie. Là-bas, c’est mal et dangereux ; ici, faut pas déconner, on coupe pas les mains des poètes. Ben oui, c’est cool.

On a même le droit de dire du mal des confrères. De Zarachowicz donc, et de Robert, qui, ensemble, ont écrit jadis un livre d’entretiens avec Noam Chomsky, intellectuel controversé s’il en est, comme tu le rappelles si bien, mon cher Philippe. Une preuve imparable de la nature douteuse de ces deux journalistes et de leur coupable complicité qui fait que l’une défend bêtement l’autre sans savoir. Tout cela, bien sûr, n’est ni diffamatoire, ni calomnieux, dans la bouche de Philippe Val, puisque « la cause est bonne ».

« le mécanisme est simple, il repose sur ce postulat : la preuve que je dis vrai, les gens me croient » dit Malka, l’avocat et ami de Philippe.

Espérons pour Charlie Hebdo que ses lecteurs vont continuer à croire Val de longues années.

Kafka

(Francis Kuntz, en direct de Paris)
Source : Agoravox

Messages

  • Le soutien à Denis Robert est de plus en plus nécessaire. Sa vie est sa santé sont la nôtre. Son combat pour la vérité et l’information sont les nôtres.

    "La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe", dit le proverbe. Mais la bave de 100 000 crapauds nécessite 100 000 blanches colombes pour voler au secours de la première.

  • je rappelerai à philippe VAL(se)ces prOpos de Elie Faure : je n’ai as l"ame assez basse pour croire à un magistrat interplanétaire décernant des chatiments ou des récompenses FINALEment ?TEL un homme pense en son ame ,tel qu’il est ..

  • Je lisais Charlie-Hebdo, plus jeune. J’écoutais Font et Val, plus jeune.

    Aujourd’hui, ce journal engagé et ces chanteurs énervés ont disparu, c’est bien dommage.

  • Monsieur Francis KUNTZ,

    Ton article est très bien fait. Il n’y a pas beaucoup de personnes pour défendre Denis ROBERT actuellement.

    Je l’ai rencontré en 2001 à Metz, tu trouveras la video sur :

    http://vids.myspace.com/index.cfm?fuseaction=vids.individual&videoid=13600801

    Ne t’es-tu jamais posé la question pourquoi on ne parle que des noms des listings et non des montants ou des devises qui figurent sur ces listes...

    As-tu entendu parler des XPF ?

    Si tu veux faire autre chose que rédiger des articles pour le défendre, contacte-moi : renehoffer@yahoo.fr
    (Merci de laisser cette adresse e-mail apparente au cas où la présente contribution passerait à travers la censure "a priori".)

    Avec Honneur

    Le président de "la Polynésie française",
    Président des Françaises et des Français
    René G. HOFFER
    Tél (689) 77 71 70

    renehoffer@yahoo.fr

    http://www.myspace.com/renehofferprdelapfsic

    http://www.euro-ombudsman.eu.int/decision/fr/032077.htm

    http://www.euro-ombudsman.eu.int/decision/fr/020570.htm

  • Merci Kafka de t’avoir fadé de cette réponse. J’ai été écoeuré par l’édito de Val. Cette ironie pétande dont il use et abuse est proprement déplacé vis-à-vis de Denis Robert. Et puisque, comme tu le souligne Kafka, Val se prend pour autre chose qu’un éditorialiste rigolo (pas très drole ces derniers temps d’ailleurs) et bien on ne saurait que trop lui conseillé de devenir journaliste d’investigation et de s’interesser vraiment à Clearstream, ou au moins de lire les bouquins de Robert ! Et puis s’il y a des passages qu’il ne comprend pas... et bien il n’aura qu’a demandé à son avocat de les lui expliquer !!

    Fraternellement

    Maxime (adhérent PCF, Narbonne)

  • Philippe VAL défend sa notoriété médiatique en faux révolutionnaire donneur de leçon, Denis ROBERT défend son métier de VRAI journaliste.

  • J’ai du mal à comprendre Val, en réalité.
    L’édito du 25 juin m’a vraiment interrogé sur ce qui se passe dans la tête de Val ;
    pas tant à cause de Denis Robert et de clearstream, car je n’ai pas suivi l’affaire.
    Mais surtout à cause du ton très méprisant ; un ton qu’on imagine bien mieux
    chez un polémiste de cour toujours prêt à briller en société que chez un amoureux de la liberté.
    Je ne comprends pas pourquoi Val s’acharne sur Chomsky, en particulier. L’a-t-il lu ? Ses attaques contre Chomsky me font tout à fait penser à celles qu’on peut voir dans le film "Manufacturing consent" qui était sorti il y a une quinzaine d’années, attaques qui provenaient d’un écrivain américain plutôt beau parleur et probablement talentueux. Mais que c’est puéril de vouloir avoir raison à tout prix !

    Bon.
    Hélas je rejoins la plupart de mes amis, qui ont arrêté de lire Charlie à cause des éditos de Val. Mercredi dernier je n’ai pas acheté Charlie, pour la première fois depuis 1991 (époque Grosse Bertha).
    Je n’aurais pas du lire cet édito...

    Ronan Charpentier

  • Pourquoi CHOMSKY est-il "controversé" ? J’aimerais comprendre, avec des exemples concrets à l’appui...

    Plus ca va, plus on qualifie de "controversés" les gens avec qui on est pas d’accord, mais sans avoir aucun argument... (sur le bon vieux principe de l’antisémistisme pour tout ceux qui ne trouvent pas israel absolument génial, ou qui attendent des faits et pas des beuglements sur les rumeurs de communautarismes...).

    VAL ? C’est qui ? Aucun intérêt, faut le laisser se vitrifier dans sa crasse, avec si possible son fan club. CHARLIE HEBDO ? Ah ouais, mon père l’achète de temps en temps le dimance avec son figaro magazine... Faut vraiment être bien réac pour lire ce torchon.

    Julien

    • pour info, la controverse autour de chomsky, c’est simple :
      1) chomsky a une conception libertaire, voire libertarienne de la liberté d’expression. il est contre toute interdiction. par exemple, il était contre la loi Gayssot contre le négationnisme et, de façon générale, contre toute intrusion du politique dans la science (comme d’autres scientifiques de gauche, par exemple, Vidal-Naquet). il estime en outre que ca leur fait de la pub qu’il n’aurait pas sans ça.

      2) il a publié un texte en ce sens qui a été repris comme préface d’un livre de Faurisson au début des années 80. il a tenté de l’empêcher mais ça n’a pas fonctionné. du coup, il traîne cette affaire comme un boulet, a fortiori avec son enracinement à gauche.

      voilà.