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Le droit de déroger au droit des 35 h… L’opt out à la française !

Publie le mardi 8 juillet 2008 par Open-Publishing

de Gérard Filoche

Les coups de grisou tuent moins aujourd’hui que les accidents cardio-vasculaires. Mais le stress et le surtravail ruinent plus sûrement les vies.
Toute attaque contre la limitation des durées du travail est une attaque à la fois contre la santé des travailleurs et contre les salaires : elle vise à faire travailler plus et à gagner moins, ce qui est le programme réel, en œuvre, concret, de Sarkozy.

S’il existe une durée maxima du travail limitée à 10 h par jour et 48 h par semaine c’est pour défendre la santé des travailleurs contre les exigences des employeurs et parfois contre eux mêmes, s’ils sont poussés à les subir. C’est une question fondamentale d’ordre public social.

S’il existe aussi une durée légale du travail à 35 h c’est qu’elle sert de référence à tous les salaires, à la mensualisation à 151 h 66, au Smic, aux grilles conventionnelles, et c’est le seuil du déclenchement des heures supplémentaires majorées à 25 % puis à 50 % puis à 100 %. C’est encore une question d’ordre public social.

Ce 8 juillet 2008, le gouvernement qui clame sur tous les toits son envie de casser cet ordre public social, n’a pas encore osé aller jusqu’au bout, et c’est tant mieux ! Il n’a ni abrogé la durée légale à 35 h comme l’exige le Medef, ni supprimé les durées maxima de 10 h et 48 h du travail, comme l’exigent les néo libéraux - qui l’ont porté en Europe à 60 ou 65 h hebdomadaire (encore que Xavier Bertrand ait signé en Europe en expliquant que cela ne s’appliquerait pas en France… pour le moment !).

Mais hypocritement, lâchement, le gouvernement Sarkozy-Fillon-Bertrand fait quand même le travail de sape, pas à pas. Loi par loi. Décret par décret. Il module, dérégule, casse l’ordre public social républicain.

Il vient de donner de nouvelles possibilités, dans le cadre établi de la loi scélérate de Fillon du 4 mai 2004 qui permettait déjà de déroger « par le bas », en défaveur des salariés. C’est l’opt out à la française.

Le gouvernement et l’Assemblée UMP ont augmenté le nombre de cas où il deviendra possible de remettre en cause au niveau de l’entreprise, ce qui a été décidé au niveau de la branche et au niveau de la branche ce qui a été décidé au niveau interprofessionnel ou au niveau de la loi.

Il a fait adopter la loi Bertrand sur la « durée du travail » qui permet de saper par le bas l’ordre public social des 35 h au détriment des salaires, des droits, de la santé, des conditions de travail et de vie des salariés.
Ainsi, il sera possible dorénavant, quand elle sera promulguée, être signé par les syndicats, des « accords d’entreprise » qui dérogeront, pour les cadres, aux 35 h et aux 218 jours de travail qui y correspondaient en cas d’accord sur des « forfaits jours ».

(Attention, jusque là, TOUS les cadres, sauf les rarissimes cadres supérieurs, ont un horaire de droit commun, contrairement à de fausses légendes, un « forfait jour » ne se présume pas, il doit être explicite, il ne pas permet pas légalement de dépasser les durées maxima ni d’éviter le paiement des heures supplémentaires. Et il ne peut exister sans l’accord d’une majorité de syndicats : il n’échappe pas au contrôle des horaires ni au paiement des heures supplémentaires en cas de dépassement ; en principe toute heure au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires autorisé – porté de 130 à 220 h par Fillon - doit être majorée à 100 %).

Un nouveau plafond a été fixé à 235 jours par la nouvelle loi Bertrand le 8 juillet, ce qui revient si une majorité de syndicats signe un tel forfait, à réduire les repos à 130 jours par an (104 jours de repos hebdomadaires + 25 jours de congés et au 1er mai) supprimant l’équivalent de tous les jours fériés.

Faire travailler les cadres 235 jours au lieu de 218, les syndicats qui prendront la responsabilité de signer cela auront une lourde responsabilité ! On peut dire que ce seront des syndicats « jaunes ».

Mais on peut penser aussi que le gouvernement facilitera ensuite la signature par des « non-syndiqués » comme l’ANI du 9 avril le laisse entrevoir. De même qu’il évoque des accords « majoritaires » possibles et nouveaux avec 30 % de salariés seulement.

De même que des « accords » de branche étaient déjà possibles pour déroger au contingent annuels d’heures supplémentaires (230 h dans la poissonnerie, et 360 h dans les HCR).

On peut prédire aussi qu’ensuite, ils étendront aux non - cadres ce qui a été imposé à ceux-ci.

On peut aussi être certains que les nombreux employeurs qui ne paient pas déjà, de façon frauduleuse, une heure supplémentaire sur deux, essaieront d’en profiter pour imposer 45 h à 55 h voire 60 h par semaine sous prétexte qu’il n’y a « plus d’horaires ».

Enfin, le gouvernement permet de déroger à la majoration à 25 % des premières heures supplémentaires, pour les ramener à 10 % reniant ce qu’il avait prétendu faire avec la loi TEPA d’août 2007 : tout cela finit donc en obligation de travailler plus pour gagner moins !

Les heures pourront être plus nombreuses et moins majorées partout où le rapport de force sera moins favorable aux salariés, lorsque les syndicats laisseront faire ou signeront, lorsque les employeurs feront du chantage à l’emploi et à la délocalisation. C’est cela la destruction de l’ordre public social, là ou il sera le plus vulnérable, sans doute dans les PME et TPE.

En attendant les cadres pourront être soumis légalement à des horaires qui remontent à ceux du 19 ° siècle et qu’il a fallu des décennies de combat social pour limiter et bloquer. Stress, AVC, karoshi, burn out... C’était déjà le cas souvent mais illégalement. Cela tend a devenir légal. Il deviendra encore plus difficile d’obtenir justice, réparation, et de faire valoir ses heures pour avoir un salaire décent.

Car la finalité de toutes ces attaques contre la durée du travail ne visent pas, en dépit du mensonge gouvernemental, a faire travailler plus mais à faire gagner moins.