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Patrick Devedjian fait confiance à la jurisprudence pour régler les « ambiguïtés » de la LEN

Publie le jeudi 27 mai 2004 par Open-Publishing

Reporters sans frontières, le Syndicat de la magistrature et la ligue Odebi ont rencontré, le 21
mai 2004, le ministre délégué à l’Industrie, Patrick Devedjian, au sujet de la loi sur la confiance
dans l’économie numérique (LEN). Le ministre a réaffirmé que cette loi était nécessaire pour « 
créer les bases d’une civilisation dans la jungle d’Internet », tout en reconnaissant que le texte
comportait des « ambiguïtés » et des « approximations. »

Les organisations saluent la volonté de Patrick Devedjian d’instaurer un dialogue avec la société
civile, rappelant toutefois que cette rencontre intervient trop tard, la loi étant déjà adoptée
par le Parlement. « Nous dénonçons la position exprimée par le ministre, qui reconnaît l’ambiguïté
de la LEN mais laisse le soin aux juges d’en préciser l’application. Nous regrettons ensuite que
Patrick Devedjian ne prenne pas suffisamment en compte la menace que cette loi représente pour la
liberté d’expression et pour les droits des éditeurs de site », ont déclaré Reporters sans
frontières, le Syndicat de la magistrature et la ligue Odebi.

Délai de prescription sur Internet

Le ministre a déclaré que l’amendement touchant aux délais de prescription sur Internet, déposé en
dernière lecture au Sénat, allait dans le bon sens « mais aurait pu être mieux ajusté. » Les
organisations ont affirmé que ce régime de responsabilité à vie pour les responsables de sites et les
journalistes en ligne constituait un retour en arrière de 50 ans par rapport au droit de la presse.
Selon Patrick Devedjian, il faudra ajuster cette loi mais il faut faire confiance aux juges pour
apprécier dans quels cas ce délai de prescription pourrait être appliqué. Il a précisé que les
pages web ne pouvaient bénéficier du même délai de prescription que les articles de la presse
traditionnelle, puisque leur fréquentation va croissant avec le temps. Pourtant, cette position ne prend
pas en compte les articles diffusés sur des journaux en ligne. En effet, ceux-ci sont
principalement consultés, comme les articles de presse, dans les jours qui suivent leur publication.

Responsabilité des hébergeurs

Le ministre a insisté sur la nécessité de lutter contre les contenus racistes et antisémites en
ligne. Il a ainsi défendu le régime de responsabilité des hébergeurs comme un moyen de « créer les
bases d’une civilisation (?) dans la jungle d’Internet. » Les trois organisations ont exprimé leur
soutien à la lutte contre la diffusion sur le Réseau de contenus racistes et pédophiles. Elles ont
en revanche rappelé au ministre que la responsabilité des hébergeurs allait bien au-delà de ce
type de contenu et que les problèmes de diffamation entraient également dans le cadre de la loi. S’il
est facile de se prononcer sur un contenu à caractère pédophile, comment des prestataires
techniques vont-ils déterminer si un texte est diffamatoire ? Patrick Devedjian a conseillé aux hébergeurs
de ne censurer que les pages où la diffamation est « caractérisée. » Il a ajouté que les juges
devront en outre définir des limites à l’intervention de ces sociétés. Là encore, ce sera à la
jurisprudenc !
e de préciser la loi et les responsables de sites devront aller devant les tribunaux pour faire
respecter leurs droits. Les organisations ont reproché au ministre de se contredire en affirmant « 
qu’il ne fait confiance qu’aux juges » pour réguler Internet, mais accepte que des entreprises
privées censurent le Net sans intervention judiciaire.

Enfin, interrogé sur les acteurs qui tomberont sous le coup de ce régime de responsabilité - les
proxies et les hébergeurs de forum seront-ils responsables des contenus qu’ils diffusent ? - le
ministre a déclaré que, sur ce point, le texte de la LEN n’était effectivement pas clair et que ce
sera aux juges, là encore, de trancher.

Reporters sans frontières, le Syndicat de la magistrature et la ligue Odebi ont enfin indiqué au
ministre que la LEN serait très rapidement rebaptisée « loi Devedjian » par les médias et les
organisations de défense des libertés sur Internet.

 Consulter la demande de rendez-vous adressée à Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian, le 9 avril,
par Reporters sans frontières, le Syndicat de la magistrature et la ligue Odebi :
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=9749

 Plus d’informations sur la LEN :
 http://www.odebi.org - http://www.internet.rsf.org_