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ALTERMONDIALISME ET ELECTIONS EUROPEENNES

Publie le samedi 29 mai 2004 par Open-Publishing


de Patrick MIGNARD

Certains le regrettent mais d’autres l’espéraient : les "listes altermondialistes" se
retirent de la compétition électorale des Européennes. C’est un évènement qui
va passer inaperçu dans l’inintérêt général et la cacophonie partisane de la
campagne. Il est cependant de première importance pour celles et ceux qui veulent
un "autre monde".

Le texte de la conférence de presse des listes "100% ALTERMONDIALISTE" mérite
d’être lu et médité : lire
ici


Ce texte d’une lucidité qui redonne espoir et courage à celles et ceux qui vivent
mal les atermouvements et faux espoirs procurés par l’altermondialisme actuel.
Il procède à une analyse fort intéressante de la situation, quoique partielle,
sur les ambiguités et les limites de l’altermondialisation. (voir les articles "LES
AMBIGUITE DE L’ALTER MONDIALISATION
" et "LES
LIMITES DE L’ALTERMONDIALISATION
")

Cela montre au moins une chose, c’est que le "mouvement altermondialiste" arrive à échapper
encore aux tendances perverses d’un électoralisme qui broie toute réflexion et
interdit toute perspective de changement. Cela montre aussi que ce mouvement
n’est pas encore tombé totalement sous la coupe d’apprentis bureaucrates qui
essayent de se faire une carrière politique "new look" ailleurs que dans les
organisations politiques traditionnelles.

Ce retrait des listes 100% altermondialiste n’est pas une catastrophe, au contraire.

Le terrain électoral est particulièrement nauséabond. "Occupé" par des organisations politiques plus soucieuses de leurs intérêts de boutiques que de véritables débats, les "listes altermondialistes" ne pouvaient que perdre, non seulement leurs moyens financiers, dans un combat inégal, mais aussi, ce qui est fondamentalement plus grave, leur « âme », dans une confrontation superficielle, stérile et politiquement inutile.

Le débat est en effet verrouillé par les Etats, et les organisations politiques. Toute discussion, (quand il y a en a), est limitée dans un cadre préétabli soit par les intérêts politico-économiques de lobbys, soit par les organisations politiques. La condition du débat "altermondialiste" dans ce contexte, ne peut en aucun cas être ce qu’elle devrait être : libre de toute contrainte condition nécessaire à une analyse lucide et donc à un engagement efficace. Le terrain électoral est tel aujourd’hui qu’il ne constitue en rien un "lieu" social d’échange et de débat… il constitue même l’antithèse de ce qu’a besoin le« mouvement altermondialiste ». Participer dans ces conditions à cette comédie fait courir les pires risques… Il n’est qu’à prendre pour exemple la dégénerescence des Verts… d’un mouvement porteur d’espoir à sa bureaucratisation la plus caricaturale.

Cela dit, tout n’est pas réglé, loin de là, on peut même dire que les choses sérieuses commencent.

L’évocation du "trou dans la représentation politique" est très juste. Il est vrai que nombreuses et nombreux sont les citoyen-e-s qui ne votent plus, voire votent, en désespoir de cause, pour le "moins mauvais"… ce qui n’est pas plus une solution que l’abstention, voire pire puisqu’il entretient , en plus, l’illusion (voire l’article "ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ?" et "ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ? (Suite et fin)"). Le retrait des "listes altermondialistes" va certainement contribuer à la reproduction de ce phénomène. Ce n’est pas grave du tout. Il est évident qu’en l’état actuel des choses, ces élections ne changeront rien… au contraire un peu plus d’abstention montrera leur inutilité et leur caractère pervers. Par contre, qu’en dehors de l’élection des collectifs citoyens rejoignent le mouvement, de droit ou de fait, ça c’est important et se joue sur le long terme… "la mayonnaise commence à prendre"

Il est d’autre part tout à fait exact que le "débouché politique de l’altermondialisme est posé et incontournable" et ça va être la définition de ce débouché qui va être complexe. d’abord par ce que cela va se passer sous la pression des organisations politiques traditionnelles (ça a déjà commencé) qui se considèrent (chacune de leur côté) comme le débouché naturel du mouvement, mais aussi le considèrent comme un vivier de recrutement. Ensuite parce qu’il va falloir définir une problématique d’action politique qui rompe avec tout ce que nous connaissons : construction d’une organisation, développement, présentation aux élections,… bref le mode classique de fonctionnement de toute bureaucratie politique. Là le problème va être complexe car, d’une part des pressions politiques vont s’exercer pour que l’on reproduise le schéma soit disant démocratique : "présentez vous à des élections !"… sachant que tout y est bloqué, mais d’autre part il va falloir oser penser le changement en terme nouveau, c’est-à-dire en terme de mise en place de stratégies d’élaboration de pratiques économiques et sociales, en rupture avec le système marchand dominant et susceptibles de montrer concrètement que les principes que nous énonçons sont viables. (voir l’article "TRANSITION"). C’est complexe parce qu’il va falloir que nous sortions du système de pensée classique, pur produit de la pensée unique, qui nous enferme dans une problématique sans issue. Autrement dit repenser le changement non pas en terme de "programme applicable une fois que nous serons au pouvoir", mais inversement "mettre en place des rapports sociaux qui poseront de fait, puis de droit, le problème du pouvoir".

Dans cette optique il est évident, pour répondre au texte de la conférence, que le mouvement doit se démarquer fondamentalement des organisations politiques traditionnelles qui seront d’ailleurs plus des obstacles que des alliés. En effet quand elles constaterons qu’elles ne peuvent pas contrôler le mouvement elles tenteront de le saboter (classique !). Quant aux militant-e-s de ces organisations qui sont favorables au mouvement, il faudra cette fois qu’ils fassent un choix clair et ils en auront les moyens… nos analyses, mais aussi notre pratique, étant les garantes de la crédibilité de notre engagement ils n’auront plus prétexte à jouer sur les deux tableaux et a tenir des doubles discours…. Alors, et alors seulement se présenter à des élections aura un sens, un sens autre que la simple démarche propagandiste qui a montré depuis des lustres que rien ne changerait si l’on n’avait pas une pratique concrète, expression matérielle de ce que nous revendiquons comme monde nouveau. C’est d’ailleurs dans cette problématique que la notion de "réseau" prendre tout son sens. Pas simplement des réseaux de contact ou d’échange d’idées… quoique ce soit important, mais aussi des réseaux d’échanges et de confrontations de pratiques sociales et économiques concrètes.

C’est bien évidemment au niveau international que doivent se structurer et se concrétiser ces échanges. En Europe,… ce qui donnera concrètement une autre image de l’Europe que celle des politiciens, mais aussi au niveau mondial, par exemple en systématisant et organisant ce que l’on appelle le "commerce équitable" et qui est le premier pas de "notre mondialisation".

Les élections passent, les problèmes demeurent, et même s’aggravent. Ne calquons pas notre rythme sur celui, artificiel, des élections. La vie, l’Histoire a un autre rythme, celui qui permet à la conscience de se développer de progresser et d’engendre une, des pratique(s) nouvelles qui seront les véritables fondations de l’avenir.

Peut-être qu’on va y arriver à être efficace !!!!!