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Marina Petrella : Lettre d’un historien italien à M. Sarkozy

Publie le mercredi 3 septembre 2008 par Open-Publishing
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MARINA PETRELLA : signez la pétition de soutien ici

Jeudi 4 septembre : à partir de 18h30, en solidarité avec Marina Petrella : sur le parvis Beaubourg (centre G. Pompidou)

de Giuseppe Aragno

Monsieur le Président,

Pardonnez avant tout mon français. Je suis italien, je ne connais pas beaucoup votre belle langue, et pour me faire comprendre j’utilise mon petit dictionnaire Larousse. C’est ainsi que je m’adresse à vous, Monsieur le Président, pour lancer un appel à l’homme, ainsi qu’à l’homme d’État, que vous êtes. Je suis de gauche et, par conséquent, je suis conscient du fait que nous avons des opinions politiques différentes. Mais vous êtes français et ce mot, pour moi et pour beaucoup de ceux qui connaissent l’histoire et l’évolution de la pensée politique, signifie civilisation et humanité. Autrefois, on disait que « chaque homme libre a deux patries : la sienne et la France ». Au nom donc de ce que je considère être l’histoire de votre peuple, que vous gouvernez et représentez dans le monde entier, au nom des raisons humanitaires que vous avez reconnues le mois dernier à Tokyo, je pense pouvoir vous demander de revenir sur la décision – la vôtre et celle de votre Premier Ministre – concernant le cas douloureux de Mme Marina Petrella.

Je sais qu’il est en votre pouvoir – et en celui de votre Premier Ministre – de suspendre le décret qui avait été signé. Si vous le faites, vous ne prendrez pas seulement une décision noble et digne de votre grand Pays, mais vous écrirez aussi une belle page de votre propre histoire politique. Permettez-moi de croire que vous serez d’accord : un choix effectué à but humanitaire ne peut offenser ni l’Europe ni sa partie italienne ; par contre, il peut représenter un exemple de bonne gouvernance.

Vous, Monsieur le Président, vous avez écrit à M. Berlusconi et, par son truchement, à M. Napolitano en demandant qu’à la femme que – vous disiez – vous n’auriez pas pu éviter d’extrader par respect envers un « Pays ami » soit octroyée par le Président de la République italienne une grâce. Puis-je croire que cette demande naît de votre sens de l’humanité ?

Dans ce cas, croyez-moi, Monsieur le Président, aucune grâce ne sera considérée concevable par les hommes politiques italiens, donc accordée par le chef de l’Etat. Cette « société politique », sur cela unanime, n’a pas hésité, Monsieur Sarkozy, à vous mettre dans la difficile et amère nécessité de prendre une décision d’extradition pour des faits remontant à plus de 25 ans, en oubliant ainsi l’engagement de la France de ne pas extrader des réfugiés Italiens, passant par-dessus, comme s’ils étaient nuls et non avenus, quinze ans de vie d’une personne. Non, Monsieur le Président, aucune grâce ne sera accordée. En Italie, personne ne s’occupera, au niveau institutionnel et décisionnel, de la terrible détérioration de l’état de santé de Marina Petrella. Vous avez fait votre part, mais les autorités italiennes n’ont certainement pas l’intention de jouer un rôle « humanitaire » en écoutant votre sollicitation d’une mesure de grâce. Vous faites appel au sens de la justice, ils désirent de la vengeance.

Permettez-moi enfin, Monsieur, de m’adresser à vous d’une façon directe : dans leur jeu cruel, ils ne donnent aucune importance ni à la vie de Mme Petrella, ni aux difficultés qu’ils vous ont consciemment créées et aux prévisibles effets négatifs que cette affaire pourra avoir sur votre image. Montrez-leur, Monsieur le Président, que vous avez un sens différent et profond de ce qu’on appelle « humanité », et ne permettez pas que Marina Petrella soit enterrée vivante dans une prison. Vous pouvez le faire. Vous êtes – j’en suis sûr – un homme politique qui par intelligence et sensibilité saura garder une distance par rapport à un enjeu – je vous l’assure – interne à la politique politicienne en Italie. Ne livrez donc pas Mme Petrella aux autorités italiennes, ne le faites pas, puisqu’elles ne veulent pas entendre votre sollicitation d’une grâce. Je ne crois pas être dans l’erreur : en allant dans ce sens, vous serez digne de votre peuple, et la partie la meilleure du peuple français sera fière de vous.

Avec espoir,

Giuseppe Aragno
Chercheur Historien à l’Université “Orientale” de Naples

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