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La crise : disjonctions et conjonctions (zaz)

Publie le jeudi 2 octobre 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

Avertissement :

Comme le lecteur le sait déjà, la mention "zaz" accompagnant nos textes indique une manière d’écrire délibérément décalée, qui ambitionne par un éclairage oblique à plus de perspicacité dans l’analyse politique.

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Abstract : d’après les présocratiques, le monde est amour-haine, opposition-cohésion, disjonction-conjonction ; l’apparition de la crise aujourd’hui nous offre l’occasion conceptuelle de revenir sur cette idée lointaine beaucoup plus subtile et concrète qu’il y en a l’air à première vue.

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1. La crise d’abord, comme exemple de disjonction inaperçue dans le réel : l’incompatibilité des saluts individuel et collectif

C’est connu par la pratique, la crise d’abord se roule en boule, se tord au fond profondément l’ensemble auto-eurschmoule , elle le fait si fortement qu’à la fin tout s’écroule. On ne mesure pas assez la distorsion cruciale dès le démarrage crisique entre le salut individuel et le salut collectif.

Tiens regarde les conseils de la télé, achetez intelligents qu’ils te disent ! (et poétique en même temps !), prenez des fruits de saison d’ici pas chers, surtout l’hiver ! plutôt que des mangues qui viennent de l’autre hémisphère par air. Tout le monde sait ce que ça signifie : le charme des bocaux grands-mères, les conserves légumières, la bonne odeur des châtaignes fendues dessus, le pain perdu récupéré, les matefaims sucrés, etc. Les plus habiles d’entre nous n’achèterons plus d’eau de source plastoche qui leur coûtait bêtement un max. Y en a même, très extrémistes dans l’écolo-bio, qui laveront leur linge dans des préparations secrètes torréfiées maison.

Bref, acheter intelligent, c’est ne plus acheter tout simplement 2/3 des choses qu’on achetait par usage, goût, habitude, publicité. Fini les biscuits Tépito, les packs lourds dans les charriots, les chips garanties fleur de sel.

Et là ce n’est rien ! y a que l’alimentaire qui chute du nez, c’est à dire le commerçant, l’agriculteur, le marchand de matériels agricoles et le réparateur. Mais tu renonces à la voiture, aux loisirs, à la culture ! : c’est alors l’effondrement de l’industrie automobile, l’effondrement des théâtres subventionnés, des artistes, du souffleur, des techniciens divers, des peintres de décors, c’est l’effondrement du supplément culture du Monde qui te fait pourtant si chier, c’est fini l’orchestre de radio France, fini les salles de cinoches, peut-être même fini les grands coffees dans les starbucks café.

Le peu que tu fasses, avec l’intention la meilleure pour toi, crée si vous êtes nombreux sans le savoir une réaction en chaîne dont la substance construit précisément la crise. On ne va donc pas y échapper.

2. Or la théorie de la conjonction positive constitue normalement le socle indiscuté de toutes nos convictions économiques et politiques

Que la crise puisse produire de telles effets de forme collectivement négatifs est une découverte importante. Normalement d’après la théorie nous vivons dans un monde où tout est assez beau dans le principe et où rien ne se distord vicieusement. Voire ! Normalement un mathématicien peut être aussi professeur de mathématique rémunéré et continuer néanmoins à faire de la mathématique pure et désintéressée, il n’y a aucune incompatibilité apparente. Tu remarques toutefois que pour le latiniste c’est probablement déjà moins vrai au sens où la seule raison du latin est quand même l’existence des latinistes professionnels

Si on approfondit la chose on y perd un peu la boussole. Dans notre univers tout sert d’abord essentiellement, primo primo primo, à faire du "blé", la seconde raison, non-mercantile qui passait élégamment pour être la première est récessive : no comment ! qui perd l’usage perd la fonction et bientôt le membre. L’art pour exemple ne sert dans son essentialité essentielle qu’à faire du fric, il faut dire les choses comme exactement elles sont si tu ne veux pas faire rire de toi dans toutes les bonnes familles. L’art qui vise, dans les classes de philosophie à faire du beau, est une vaste escroquerie. L’art, chacun le sait sert à placer son argent, avec hyperbonus de frime et de plus-value spéculative.

C’est peut-être embêtant pour l’art, mais bon ! vous n’avez pas non plus du Valadon, du Bacon ou je ne sais quoi, entrée à droite dans votre appartement.

Trois cas troublent plus particulièrement la société française en ce moment : l’hypermarché, la médecine et la politique.

L’hypermarché est-il là d’abord pour faire de l’argent ou de la distribution de nourriture, l’hypermarché est là d’abord pour faire de l’argent ?

Pour la médecine, vu le trou supposé de la sécu, le problème est encore plus délicat. A quoi sert notre système dit de santé ? (posons pas cette question) ; d’abord à soigner les malades, ce qui est peut-être contradictoire. Deuxio à permettre le bon fonctionnement de la médecine. Le médecin sauve le malade mais ce qu’on n’avait pas vraiment encore bien vu c’est que le malade sauve la médecine et le médecin. Bref notre médecine libérale est sans doute complètement à repenser mais sans qu’on sache comment et à partir de quand.

Enfin, the last but not the least, y a toute la sphère du politique ! c’est le problème de toute notre ère.

Personne n’arrive beaucoup à croire depuis 4000 ans (et surtout depuis ces derniers 20 ans) que "l’élu" s’occupe de vous et de sa carrière. On sent qu’il ne peut pas couvrir les deux pleinement.

Avant-hier soir l’article du Monde sur les sénateurs posait le problème dans toute sa dimension tragique :

Subject : Le Sénat, pays où la vie est moins chère - Politique - Le Monde.fr

 http://www.lemonde.fr/politique/art...

Il y a maintenant des doutes on the conjonction positive sur laquelle partout on s’appuyait. Il y a des doutes sur la finalité des institutions, l’odeur des "indemnités", l’attrait des "trognons" et des planques un peu partout. Certains très agités disent : mais ces sénateurs il faut les pendre court aux grilles même du Luxembourg ! Mais pourquoi les sénateurs ? Pourquoi pas ceux de l’Assemblée ? Pourquoi pas aussi ceux de Strasbourg ?

En ce moment donc en plus de la crise, il y a encore une autre crise qui couve depuis longtemps

3. Le cas particulier toutefois de la disjonction négative dûment répertoriée

Il est un dernier point que nous voulons aborder à ce stade, c’est que quand ça convient pour diverses raisons la disjonction redevient spontanément bien.

On dira que la disjonction négative est bien pour tout ce qui, par exemple, s’avère antérieurement soviétique (CCCP). On dira rien sur Staline, la barque étant déjà chargée, mais d’après la presse et la littérature en plus de dictateur, Staline, on le sait maintenant, était d’abord un tout petit voyou. (Et Lénine un RMiste !)

Tu ne trouveras jamais un président milliardaire américain qui ait été un tout petit voyou.

D’une manière générale, si t’y regardes de près, les promoteurs de la liberté furent des gens magnifiques, et les prometteurs de l’égalité (les partageux) des gens odieusement mauvais.

Tiens prends Gracchus Babeuf, a priori c’est quand même le très bon mec ! Pas du tout, on l’a emprisonné, décapité, on le redécapite tous les jours (voir Wikipédia). Tu te demandes ce qu’il a fait, on le sait pas, mais c’est sans doute l’horreur silencieuse qu’on trouve dans son article 3 : "Art. 3 : Le droit de succession ab intestat ou par testament est aboli : tous les biens actuellement possédés par des particuliers échoueront, à leur décès, à la communauté nationale. (…)"

Bien sûr c’était exagéré, ça foutait en l’air en deux lignes toute notre civilisation occidentale. Mais bon ! bon ! on est des libéraux moraux où on l’est pas. On admet la diversité des opinions. Rétablissons la conjonction positive quand il se doit, Gracchus Babeuf doit maintenant rentrer au Panthéon.

4. Conclusion régénérative

La crise comme on le voit est l’occaze fructueuse de refaire des confitures at home, de revoir nos positions conceptuelles les plus enracinées, de réparer les torts profonds creusés dans le passé ou le présent.

La crise dispose en soi de forces germinatives probables, de pousses et de start up, elle est encore petite mais elle a tout d’une grande, c’est à dire d’une big révolution culturelle à venir en plus d’un big crash immédiat. Vive donc la crise ! on est sûr que ça va nous faire à tous du bien en bas comme en haut. De toute façon, réfléchissez ! avec 200 euros à la banque on ne prend pas non plus un risque exorbitant, faut rester raisonnable. Le grand mérite de Sarkozy et de l’UMP c’est de nous avoir beaucoup préparé à la crise, moralement parlant et même physiquement.

Alain Serge Clary et les Inoxydables philosophes de l’Ocséna vous saluent bien !

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Les Pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... et pour la démocratie avancée
 http://ocsena.ouvaton.org

Messages

  • Toute personne entreprenante fabriquant son bifidus soi-même à la maison sait-elle bien qu’elle assassine incontinent le boulot d’un honnête travailleur du lait ?

    -Yaourteurs non-pro de bifidus, arrêtez donc de faire chier la société !

    • Face a la bonne volonté limitée des médias ou à leur crasse incompétence, beaucoup d’amis internautes s’adressent à nous pris dans une terrible angoisse de crise : Comment fait-on un alambic ? comment fait-on artisanalement de la gnôle ?

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      Bon, on va être très ferme juridiquement sur ce sujet : A notre connaissance les gars, vous n’avez pas le droit de disposer d’un alambic dans votre appartement pour en tirer de la gnole comme ça tout librement (sauf bien sûr si vous êtes bouilleur de cru légalement.)

      Voir dans wikipedia :

      "En France, toute personne propriétaire d’une parcelle, ayant la dénomination de verger ou de vigne sur le registre du cadastre, peut distiller les produits issus de cette parcelle (fruits, cidre, vin, marc). La distillation est effectuée dans un atelier public ou privé, après avoir effectué une déclaration au service des Douanes et Droits Indirects. Les personnes qui ne possèdent pas le titre de bouilleur de cru payent dès le premier degré d’alcool : le tarif est de 7,50 € par litre d’alcool pur jusqu’à mille degré, et 14,50€ par litre d’alcool pur au dessus. Le propriétaire d’une parcelle peut donner procuration à quelqu’un qui distillera ainsi en son nom."

      Nous sommes naturellement preneurs de toute information correctrice ou espérance nouvelle.

    • La crise s’installe pour le moment encore très inégalement

      Tiens, je regarde Siné-Hebdo, 85 euros l’abonnement et pour un an, rien à dire, objectivement.

      Excepté que les journaux humoristiques, c’est clair aussi, n’ont pas encore une pleine conscience de la crise. Avant la fin de l’année, on vous le parie, par la nécessité, Val et Siné se remarient.

    • Alain Juppé à nouveau évoqué comme valeur refuge, ca si c’est dans Libé. Elle vaut de l’or, celle-là !

      Comme dit mollah Omar qui suit depuis Kaboul notre actualité de près (télescopage d’avions militaires entre eux, ou avec le premier ministre, etc...), la France est en crise, mais c’est surtout d’abord la crise de rire.