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Arrêt de tranche, les trimardeurs du nucléaire

Publie le mardi 8 juin 2004 par Open-Publishing

Projection et discussion autour du film

De Catherine Pozzo di Borgo
Le Jeudi 10 juin 2004,
à 19 heures 45
Au CICP
21 TER, RUE VOLTAIRE,
75011 PARIS

Dans l’imagerie d’Epinal de la propagande d’Etat, le nucléaire est la plus
parfaite manifestation de la puissance de la technologie de pointe,
capable de fonctionner sans intervention humaine, ou presque. Au plus, on
nous laisse entrevoir des salles de contrôle aseptisées où des poignées
d’ingénieurs et de techniciens très qualifiés veillent, assistés par des
ordinateurs, à la bonne marche des opérations et à la sécurité des
installations. Mais au-delà de tels clichés, il y a la face cachée du
nucléaire. Comme n’importe quelle branche de l’industrie moderne, il ne
peut éviter d’utiliser, pour les travaux les plus dangereux et les plus
pénibles, des travailleurs salariés peu qualifiés, peu payés, taillables
et corvéables à merci. Tel est le cas des trimardeurs du nucléaire,
présentés dans le film, chargés de la maintenance des centrales d’EDF au
cours des arrêts de tranche, les arrêts de production programmés pour
assurer la maintenance. Pour l’essentiel, leurs conditions de vie sont
celles de tous les travailleurs nomades, attachés à des concessionnaires,
qui forment le gros des troupes assurant la construction et la maintenance
des centrales électriques à travers le monde. La grande différence, c’est
que dans l’électronucléaire, comme le fait remarquer l’un d’entre eux, ils
sont soumis en plus à des radiations dangereuses.

Depuis Hiroshima, les Etats ont toujours minimisé au maximum les
conséquences désastreuses des doses massives de radiations produites par
les cataclysmes civils et militaires qui émaillent l’histoire du
nucléaire. A fortiori, les conséquences des faibles doses de radiations,
en particulier celles émises par les réacteurs d’EDF, sont presque
toujours niées. Les seuils de tolérance sont fixés par les Etats, les
propriétaires des centrales et les institutions médicales à leur solde.
Les problèmes de santé des travailleurs des centrales, au premier chef
ceux des trimardeurs, et des populations des alentours sont attribués à
des causes annexes. Qualifiés de " chair à rems "* par les bureaucrates
syndicaux d’EDF, les trimardeurs subissent pourtant des doses de
radiations cumulatives qui, à la longue, peuvent avoir des effet
désastreux sur leur vie, la première manifestation étant, comme le signale
l’un d’eux, le syndrome de fatigue chronique.

Même et surtout arrêtés, les réacteurs sont dangereux. En zone irradiée,
les mesures de protection proposées par EDF sont toujours dérisoires car
subordonnées aux nécessités du travail de maintenance. Les trimardeurs qui
le prennent au sérieux exposent leur vie et leur santé sans même que les
risques pris puissent garantir que les choses ne tourneront pas mal. De
toute façon, soumis à des impératifs croissants de productivité et de
délais, ils sont contraints de bâcler leur travail. En réalité, la "
culture de la sûreté " dont se vante EDF n’en est pas une : comme
d’habitude, on fait peser sur ceux qui sont au bas de l’échelle la
responsabilité d’un problème éventuel, usant de la culpabilisation comme
de la menace, comme si l’organisation du travail et la technologie
nucléaire n’y étaient pour rien. La " sûreté nucléaire " pour l’Etat,
c’est que les premiers concernés par les risques de radiation ferment leur
gueule au travail et ailleurs. Gare aux trimardeurs qui bougent. À eux et
à nous d’en tirer les conclusions…

* Rem : unité de mesure de l’effet biologique des radiations.