Accueil > Le culte de l’oignon, le nombril culturel (zaz)

Le culte de l’oignon, le nombril culturel (zaz)

Publie le mercredi 29 octobre 2008 par Open-Publishing
8 commentaires

Avertissement :

Comme le lecteur le sait déjà, la mention "zaz" accompagnant nos textes indique une manière d’écrire délibérément décalée, qui ambitionne par un éclairage oblique à plus de perspicacité dans l’analyse politique.

*******************

Normalement notre sujet porte sur la "folie" culturelle et artistique qui depuis plusieurs décennies s’est emparée selon nous de la France. L’interlocuteur besogneux méritant et rationnel qu’on voit heureusement apparaître dans nos histoires régulièrement à la fin exige au niveau des commentaires qui lui sont offerts qu’on soit sur ce sujet organisés et pas confus donc clairs. C’est dire qu’il veut qu’on réponde sans barguigner direct à 3 questions précises poséees nettement dès le départ. En quoi osez-vous dire qu’il y a folie culturelle ? La culture et l’art étant la quintessence de la grandeur humaine, seriez-vous des déconstructeurs-négateurs de tout ce qui est noble, supérieur et infini, nieriez-vous Vinci, Michelangelo, Botero, Rimsky Korsakoff, Nabokov, Lolita, Madonna, et lalala, ainsi que l’ultima nana aux super-nibards bonnards qui se lance de si haut au trapèze d’en haut sur la piste de Montecarlo au titre des arts primo et secundo du cirque ?

Bon ben là évidemment, on va le décevoir. Peut-être serait-il bien de prévenir déjà nos interlocuteurs que ce qui suit risque de choquer fortement certaines natures très normalement constituées. Attaquons donc vicieusement par cette double question propre à nous que vous ne pouviez nullement prévoir : Autoréférence et emphase dans la vie banale humaine.

1. Auroréférence et emphase dans la vie banale humaine

On ne mesure jamais correctement que l’autoréférence est à la base de toute la pensée et de toute l’activité humaine. Par autoréférence nous entendons synonymement autocentration. Prends le mathématicien : avec un point, un ensemble de points appelé droite, et deux droites appelées parallèles qui ne se rencontrent jamais il te construit un monde. De là découle que les mathématiciens se comprennent très bien entre eux, ont des communautés de pensées et d’intérêts. Si le monde était dirigé par des mathématiciens comme le voulait Platon et si la télé en était bourrée je te dis pas ce qu’on s’amuserait. On serait tous matheux. Comme elle est seulement peuplés de cuistres on est seulement simples cuistres.

Economistes aussi. L’économie est une "science" comme on sait ou plutôt comme on savait. On a tous été économistes. Libéraux ! L’économie se définissant sans le dire comme la science de faire du fric avec du fric, on est allé au max. Si elle avait été connement définie comme l’art de coopérer, d’égaliser les choses entre nous et de lutter contre la pauvreté, je te dis pas : c’eût été une autre science !

Les politiques sont autoréférents (La démocratie c’est d’avoir des représentants députés), les journalistes sont autoréférents (la démocratie c’est la liberté de la presse), les juristes sont autoréférents (la démocratie c’est l’indépendance de la justice), etc. etc. La culture (entendons l’art en général) c’est l’indépendance de l’esprit humain.

L’autoréférence s’accompagne toujours aussi d’une puissante emphase qu’il est à peine utile de démontrer. Nous sommes emphatiques de nous-mêmes que nous soyons ministres, numismates, karatékas, maître queue inscrit avec des étoiles au Gault et Millau, membres du PS, du Conseil d’Etat, paruchutiste ascencionniste, artistes...

Bien sûr le milieu de la culture et des arts qui nous occupe ici est éminemment autoréférent et emphatique. C’est la moindre des choses qu’il le soit. Il y a des règles intuitives. On n’est pas là pour s’autodébiner. Si les charcutiers pouvaient plus librement s’exprimer, iraient-ils dire du mal de la charcuterie ? Donc les artistes disent du bien de l’art, les journalistes culturels disent du bien de l’art et de la culture qui les nourrit, comme les journalistes équestres disent du bien des chevaux, les journalistes boursiers de la bourse, les journalistes animaliers des animaux et les journalistes médicaux de la médecine. Nous aussi les péquins, lecteurs, auditeurs, acheteurs, blablateurs, on dit du bien de tout ca. On est allé au Petit Palais, au Grand Palais, au Moyen Palais, Au Palais de Tokyo, au Palais du Trocadéro, au Palais du Luxembourg, au Palais du Quai branly, au Palais de la chaussure, au Palais du caviar, Ah que c’était beau mon dieu ! Et objectivement c’était beau (en général !).

Evidemment il est difficile aujourd’hui de concevoir l’emphase culturelle et artistique indépendamment de l’emphase médiatique : Comme dit Rocard depuis trente ou cinquante ans on est dans un univers médiacratique. C’est pourquoi l’expo Picasso nous les a tant gonflé. Ils s’en sont aperçus en haut lieu et ont arrêtés illico. Bien sûr on n’avait rien contre Picasso perso. Picasso ne nous a rien fait. Et puis ceux qui n’aiment pas Picasso n’ont, n’avaient, nulle obligation absolue d’aller voir Picasso. L’emmerde Picasso, à vrai dire insupportable, était même incontestablement, reconnaissons-le, le signe d’une très grande réussite professionnelle. Une comm terrible du Palais-musée du Louvre, une rentabilisation remarquable pour un incontestable exploit muséologique et exposologique.

On passe bien sûr rapidement sur la tragédie des journalistes culturels à l’oeuvre dans les meilleurs journaux cités plus haut, on passe sur les dramatiques pages culture du Monde (Mon Dieu !), de Libé, de l’Humanité, de la Tribune Desfossés, soyons nets : le soleil doit briller pour tous. De toute façon la chronique des chiens écrasés ayant partout disparu, il faut bien baffrer quelque chose, que ferait-on sans la culture !?

2. L’étrange fonction sociale de la culture et de l’art

On va passer ici sur les points d’avance acquis, à savoir que la culture (l’art) nous fait plaisir, crée à l’occase une émotion profonde qui nous arrache les tripes. Ce point étant donc vite répertorié que faut-il encore dire non moins rapidement ?

D’abord que nous ne sommes pas sûr que l’équation "le beau est l’art" soit la bonne et véritable équation, nous nous demandons si la plus certaine n’est pas l’inverse : "l’artistique est le logo du beau".

La fonction personnelle du beau et de l’art étant une question que vous pouvez assurément résoudre par vos propes moyens, nous vous posons cette autre question que nous ne pouvons pas nous encore tellement résoudre mais que vous pourriez peut-être aider à éclairer : Quelle est la fonction collective de la culture et de l’art ? laquelle question peut se décliner aussi comme suit : quelle est la fonction culturelle de la culture et de l’art ? Quelle est la fonction étatique de la culture et de l’art ? A quoi ça sert tout ce cinoche qu’ils nous font pour notre plus grand intérêt supposé ?

Là ça se corse peut-être un peu.

Tu noteras que les expositions de beau naturel sont quand même assez rares. On aurait pu remplir les musées de beaux dessins d’enfants, on n’y a pas tellement songé. De beaux cailloux, de belles coquilles d’escargots... De belles photos de quidams anonymes aussi, ça s’est fait mais on préfère des noms : Cartier-Bresson, Capa, Doisneau, etc. Toujours la culture-digne-de-ce-nom préfèrera des noms, tu ne sors pas de là. Même Praxitèle qui est souvent un faux, bon ben ça rassure qu’il s’appelle Praxitèle, Homère qui est un collectif aussi ! Des noms reférents ca c’est le premier point.

Le deuxième point c’est que l’artiste n’est jamais un bleu. L’exception est rarissime, il faut comme le Grand Meaulnes ou comme Alain Fournier, si vous préférez, s’être fait tuer à la guerre, au début pour être accepté comme bleu.

Le grand artiste, le vrai, bref, a été artiste toute sa vie, de sa formation à sa mort. N’a rien glandé de différent. Si ce n’est ministre ou politique, mais ça c’est pour la forme, ça ne compte pas. C’est mieux que l’artiste meure un peu vieux, un minimum, Chopin même à 39 ans au 12 place Vendôme ca c’est du sérieux il a déjà une oeuvre. Bien sûr à côté de ça, t’as James Dean, mais c’est différent c’est du cinéma.

La culture et l’art de la République notons-le s’occupe surtout de choses visuelles, quand c’est intello ça prend place autrement. Bon donc le ministère de la culture s’occupe bien de nous. Populairement parlant.

A certaines heures tu pourrais même avoir l’impression fallacieuse que le Ministère s’occupe exclusivement de la ménagère de 50 ans, demi-bourgeoise et désoeuvrée. Donc à ce stade à quoi sert la culture à part nous faire petitement ou grandement plaisir ?

On se demande si elle ne sert pas aussi sinon d’abord à faire plaisir à celui qui cherche précisément à nous faire plaisir, avec en plus une idée probable derrière la tête... tiens considère la Parthénon, c’est le premier truc important à la gloire de la démocratie, la Parthénon a coûté un max. Personne n’aurait conçu qu’il soit construit au rabais, faut pas déconner. A qui profitait le Parthénon ? Au peuple, c’est possible ! à Périclès ? c’est possible aussi ! Bien sûr avant t’avait eu les pyramides d’Egypte dans le genre somptuaire, bon la finalité ne devait pas être démocratique ! en tout cas, on n’avait pas regardé à la dépense.

Tu ne peux pas de même parler de la beauté du quattrocento sans t’interroger sur sa finalité à l’oeuvre dans les oeuvres. On pourra dire tout ce que l’on voudra sur la réalité de l’art, l’art est toujours plus beau quand il est grand, quand il est "m’as tu vu", quand il est emphatique comme on disait supra, quand en d’autres mots il coûte proprement la peau du cul. Quoi que l’on pense par ailleurs de la culture et de l’art, il y a toujours dans la culture et l’art, une surrection politique, une plus ou moins grande surrection identitaire personnelle ou collective, une volonté de paraître et s’affirmer.

En ce moment, dans la crise globale et multiforme où nous nous trouvons, on peut avoir le sentiment que notre démarche nationale de culture est singulièrement déjantée. Ca ne date pas d’aujourd’hui, mais on a la mémoire courte sans doute, celui qui va trinquer à Paris, malgré son encore bonne image c’est Bertrand Delanoé : il va trinquer pour l’augmentation de 10% des impôts locaux l’année prochaine, il va trinquer pour cette parfaite connerie qui s’appelle le Studio 104 qui a coûté 100 M€ et coutera 18 M€ par an pour son fonctionnement. Sachant que ledit studio est dans les anciennes Pompes funébres parisiennes et sachant comme vient de le montrer "Que Choisir" que les Français n’ont plus les moyens de se faire des obsèques c’est cent ans de gratuité mortem que les Parisens viennent de gaspiller imprudemment. Sauf bien sûr à hiérarchiser les choses autrement, on veut bien prêter attention au contre-argument du lecteur !

3. La démocratie, ses mythes

Nous ne cherchons pas ici l’effet facile d’une forme de brutalité ! La culture, l’art à la française ne pose ordinairement nous semble-t-il aucune question dans les esprits. La crise permet peut-être d’oser ces questions qui ne se posent pas. L’art est spéculatif, financièrement et sur le plan de nos valeurs. C’est ce deuxième point qui nous inquiéte.

La démocratie a ses mythes. Son premier mythe est précisément le mythe démocratique. On sait qu’on ne pourrait rien faire ni espérer sans le versant lumineux de ce mythe-là, on sait que pour moitié le mythe est un bobard aussi, qu’il est dans sa face obscure, la merde, la crotte noire de nos élus, l’abjection indécente de toute la moitié du système, des médias, des journalistes qu’éventuellement par ailleurs nous apprécions.

La culture, l’art, est un mythe comparable, prince d’un côté crapeau de l’autre. On vous invite avec nous à baiser le crapeau ! clic peut-être que ça le rendra beau !

La culture est un bonheur en même temps elle est peut-être un grave leurre.

..........

Alain Serge Clary et les Inoxydables philosophes de l’Ocséna vous saluent bien !

................................................

Les Pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... et pour la démocratie avancée
 http://ocsena.ouvaton.org

Messages

  • Ce qui est très caractéristique de nos "démocraties" modernes c’est que le quidam-citoyen-péquin, le consommateur final, le participant final de la culture n’est à peu près pas consulté dans le processus de conceptualisation, de construction de l’idée qui lui est destinée : la culture d’un "moment" va être le fruit d’intenses réflexions mais sans lui.

    Seront conviés à la prise de parole et à la mise au pot commun, les gens des industries concernées, disque, livre, cinéma, tout ce qu’on voudra, quelques artistes qui se sont fait un nom, diverses personnes supposément compétentes dont naturellement des politiques et les fonctionnaires plus particulièrement qui gèrent le bidule. Sont aussi plus ou moins en fond les gourous-professeurs qui ont fait un savoir élaborée de la chose dont on cause.

    Seules les billetteries parleront éventuellement pour le péquin. Si l’on présume que le produit final est de qualité, dans la chaîne technique qui a conduit au produit, l’abruti-citoyen compte clairement pour du beurre. Il paraît après tout évident qu’il n’est expert en rien, minable en tout, n’étant ni chanteur, musicien, danseur, écrivain, sculpteur, peintre, architecte, acteur, pétomane de talent.

    Sans doute ce manque moderne vient-il de la disparition de l’aristo, qui était autrefois le destinataire final et dont la prise d’avis allait alors de soi.

    Ce phénomène de fonctionnement excluant ne concerne pas que le secteur de la culture.

    Il se retrouve partout : enseignement, recherche, santé, sécurité. Il est surprenant et banal par exemple que la recherche soit discutée par les chercheurs, les politiques qui les dirigent, les financiers qui les financent, jamais par le peuple qui est pourtant constitutionnellement le seul patron.

    En fait la démocratie moderne a réussi partout l’exploit extraordinaire de se dispenser totalement du citoyen. La démocratie moderne se définit comme une démocratie sans citoyens.

    • Après tout ce grand questionnement sur la culture voire la Culture avec C majuscule trouve-t-il son aboutissement dans ce mot profond de Bérurier :

      Qu’est-ce que la grande littérature ? : La grande littérature c’est celle qui fait chier le lecteur !

    • Rien à voir avec le sujet, mais voilà encore cependant l’exemple d’un truc complétement auto-référent

      André Santini consulte les ambassadeurs étrangers passés par l’Éna ... ;

      C’est très bien ! d’ailleurs, pour tout dire, en France l’ENA devrait-être uniquement réservée à des étrangers.

      La culture gagnerait beaucoup de même à être réservée à des publics spécifiques : conservateurs de musée, directeurs de théatre, dames à la retraite bénéficiant d’entrées gratuites en permanence. La grande culture d’avant-garde (danse d’avant-garde, musique d’avant-garde) n’aurait jamais été ce qu’elle est à Londres sans la distribution massive de paquets de billets gratuits. A un certain moment même, il a fallu offrir d’autres prestations bonus, pots, cocktails dinatoires, etc.

      L’action culturelle parisienne semble à cet égard être dans la bonne voie.

    • Sémiologie de la culture

      D’un point de vue sémiologique on peut appeler culture populaire là où on peut bouffer par exemple du maïs éclaté (et encore mieux des merguèzes).

      On appelle Grande Culture là où on peut bouffer des canapés gratoss de Potel et Chabot.

      La Grande Culture est extrêmement recherchée !

    • Les cultos

      Les agents voués à l’expansion de la culture, autrement dit les culturistes, ont d’énormes mérites qu’il ne faut en aucun cas manquer de souligner. A côté de ça, il y a toujours un éternel danger c’est celui bien sûr de tomber dans la gonflette.

    • Le "104"

      Le "104" inventé tout chaud ce mois-ci pour un max de pognon (mais on n’a rien au rabais, faut pas chipoter !) par Bertrand Delanoë, rue d’Aubervilliers dans le XIXe, n’est pas comme on l’a dit par lapsus le "studio" 104 où tu pourrais aller te faire négligemment tirer le cliché débile au photo-maton mis à ta disposition.

      Non, là c’est un truc énhorme et de prestige avec des "ateliers", c’est donc tout simplement sérieux ! D’ailleurs ce sera dirigé par deux directeurs de théatre qui sont à leur aise dans tous les registres des langages artistiques (nous on invente rien ça c’est sur les sites du chose.

      Bref comme Rome avait sa villa Médicis qui ne servait qu’à rien, Paris aura la sienne enfin mais qui servira bien plus. Paris prûle-t-il pour autant ? Non là on peut pas dire ? Prûler ! et pourquoi prûler, la crise peut encore nous râter, elle a choppé London, elle peut encore chopper Pruxelles !

    • "L’art et la culture c’est l’apothéose de la beauté, en même temps malheureusement que la symphonie de la connerie."

    • Quand tu vois tous les triples ponnards qui contribuent avec un soin extrême à forger srupuleusement ta célébrité par livres, journaux, télé, radio, ... tu te dis qu’en bout de course finalement être célèbre c’est quand même surtout franchement la honte.

      Célébrités, célébriteurs ! heureusement qu’un jour on sait que tout le monde meurt !

      *****************************************************************