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EDF : grande journée d’action le mardi 15 juin 2004

Publie le samedi 12 juin 2004 par Open-Publishing

Nicolas Sarkozy prêt à retarder l’ouverture du capital d’EDF

Selon une ultime concession que s’apprête à faire le ministre de l’économie, l’Etat demeurerait actionnaire à 100 %, pendant un an, de l’entreprise publique, après sa transformation en société anonyme. Le temps d’apaiser les tensions et de définir les réels besoins financiers du groupe électrique.

"Le gouvernement doit rediscuter son projet d’ouverture du capital. EDF doit rester à 100 % public." Cette petite phrase de Jean-Christophe Le Duigou, le secrétaire confédéral de la CGT chargé des questions de l’énergie, dans un entretien aux Echos, jeudi 10 juin, n’est pas passée inaperçue, à quelques jours de l’ouverture du débat parlementaire sur le projet de changement de statut d’EDF et Gaz de France, mardi 15 juin.

"Il s’agit peut-être d’une piste sur laquelle il est possible de travailler avec les organisations syndicales, sur un compromis", a estimé Bernard Brun, le président de l’Union française de l’électricité (UFE), l’organisation patronale du secteur, sur la radio BFM vendredi. "C’est au gouvernement de voir à faire sa propre interprétation, sa propre exégèse de cette déclaration importante de M. Le Duigou", a insisté M. Brun.

Apparemment, le président de l’UFE n’est pas le seul à avoir capté le "message" du numéro deux de la CGT, qui semble focaliser l’attention du syndicat non plus sur le changement de statut lui-même, mais sur l’ouverture du capital. Selon nos informations, Nicolas Sarkozy, le ministre de l’économie et des finances, s’apprêterait à faire, lors de son discours de présentation du projet de loi, une dernière concession en ce sens.

Après avoir déjà accepté de voir inscrire dans la loi que l’Etat ne descendrait pas en dessous d’un seuil de 70 % du capital d’EDF - un amendement devait être présenté à cet effet par l’UMP -, M. Sarkozy, qui n’a cessé de dialoguer avec la CGT ces dernières semaines, serait désormais prêt à surseoir à l’ouverture du capital, pour une durée qui pourrait aller jusqu’à un an. Le temps de laisser s’apaiser les tensions, en démontrant que le passage d’EDF du statut d’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) à celui de société anonyme n’est pas le cataclysme qu’annoncent certains. Le temps aussi de laisser s’installer la concurrence dans le paysage français, après l’ouverture totale du marché des professionnels le 1er juillet. Le temps, enfin, pour EDF et Bercy d’évaluer avec précision les réels besoins en fonds propres de l’entreprise publique.

François Roussely, président de l’entreprise publique, estimait ces besoins "entre 10 et 15 milliards d’euros", dans un entretien au Monde, le 20 mai. Mais les services du ministère de l’économie seraient en train de refaire les calculs en vue de limiter l’ouverture du capital au strict nécessaire. Ce qui signifie que celle-ci pourrait, le cas échéant, être encore inférieure aux 30 % annoncés.

M. Sarkozy demeure en revanche inflexible sur le changement de statut de l’entreprise proprement dit, en raison, argumente- t-il, de l’exigence de Bruxelles de voir lever la garantie illimitée de l’Etat, au nom de la concurrence.

Politiquement, la manœuvre est évidente. Le gouvernement, qui se prépare à un débat parlementaire houleux sur le statut d’EDF, au lendemain d’élections européennes qui s’annoncent difficiles pour sa majorité, espère avec ce nouveau geste en direction des syndicats couper l’herbe sous le pied du Parti socialiste.

De façon symbolique, le PS a confié à Christian Bataille, député du Nord et auteur de la loi de février 2000 sur "la modernisation et le développement du service public de l’électricité" - qui avait permis à la France de transposer les directives de Bruxelles sur l’ouverture du marché de l’énergie - le soin de défendre "l’exception d’irrecevabilité" que le parti déposera mardi à l’Assemblée nationale, contre le projet de loi Sarkozy.

Le groupe socialiste concentrera ses attaques sur l’article 22 du projet, qui porte sur le changement de statut d’EDF. "L’ouverture du capital et le passage d’EPIC à SA ne sont qu’un trompe-l’œil en attendant la privatisation", expliquait M. Bataille au Monde, vendredi.

"Rien dans la loi de février 2000 n’empêche de sortir du principe de spécialité ou de définir de nouvelles modalités de financement de nature à satisfaire les exigences de Bruxelles, tout en conservant le statut d’EPIC, poursuit le député PS. Et je ne vois pas en quoi sa transformation en société anonyme permettrait à EDF de régler ses problèmes de passif."

Dans l’attente d’un éventuel apport d’argent frais, via la mise en Bourse d’une partie de son capital - "pas avant 2005", avait précisé M. Roussely -, le groupe électrique public met les bouchées doubles pour rééquilibrer sa situation nette : il affiche aujourd’hui 24 milliards d’euros de dettes pour des capitaux propres qui ont été renforcés, à près de 19 milliards, grâce à "l’effet positif des changements de méthodes comptables", reconnaît l’entreprise elle-même.

En retardant l’ouverture du capital, M. Sarkozy espère aussi couper court aux accusations de manœuvres budgétaires dont l’accuse Henri Emmanuelli. Le député PS des Landes, ancien secrétaire d’Etat au budget, a estimé mercredi que l’ouverture du capital d’EDF-GDF constituait une "opération de sauvetage hasardeuse" du budget de l’Etat pour "essayer d’apparaître dans les 3 % de déficit autorisés par le pacte de stabilité européen". EDF doit en effet verser à l’Etat une soulte qui pourrait atteindre les 10 milliards d’euros, en contrepartie de l’adossement du régime de retraite des électriciens au régime général.

Reste à savoir si cette ultime concession du gouvernement suffira à désamorcer le mécontentement qui monte parmi les électriciens et les gaziers, à la veille de la grande journée d’action du mardi 15 juin. Si la fédération CGT des mines et de l’énergie s’en tient, pour l’instant, à son mot d’ordre initial d’une simple démonstration de force ce jour-là, certains syndicats CGT au sein d’EDF et de Gaz de France sont tentés par un mouvement plus dur, jusqu’au retrait total du projet de loi.

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Pascal Galinier
La CGT dénonce les coupures
faites par EDF

"Environ 1 500 coupures d’électricité pour impayés interviennent chaque jour, à l’issue d’un mois de relance, sur la région parisienne", ont révélé vendredi 11 juin des représentants locaux de la fédération de l’énergie CGT. Le syndicat, qui appelle les agents EDF à pratiquer des"coupures ciblées" pour protester contre le projet de changement de statut de l’entreprise, incite aussi ses militants à rétablir le courant chez les familles les plus défavorisées qui en sont privées pour défaut de paiement. A Bordeaux, vendredi, plusieurs dizaines de foyers se sont ainsi vus reconnectés au réseau. Dans le même temps, 500 agents d’EDF coupaient le courant à plusieurs établissements publics, dont la préfecture de la Gironde et la Trésorerie générale.