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PEUT-ON AVOIR CONFIANCE DANS LES HOMMES/FEMMES POLITIQUES ?

Publie le jeudi 17 juin 2004 par Open-Publishing
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de Patrick MIGNARD

Cette question devrait être considérée comme saugrenue dans un régime démocratique. Pourtant, elle se pose avec de plus en plus d’acuité et d’insistance à toute citoyenne et citoyen qui regarde avec un minimum d’attention le fonctionnement de notre société. Comment en est-on arrivé là ?

Que le pouvoir soit corrupteur est une évidence soulignée et prouvée à toutes les époques de l’Histoire. La mise en place d’un système démocratique pouvait laisser espérer un changement qualitatif quand aux rapports au pouvoir et quant à la forme d’exercice du pouvoir : la République. Il faut se rendre à l’évidence, après deux siècles d’existence le système politique dans lequel nous vivons reproduit bien des tares des systèmes précédents.

DU POLITIQUE AU… « POLITICIEN »

A l’origine, groupes et clubs de réflexion, regroupant des hommes et des femmes (rarement au début) particulièrement engagé-e-s…ont incontestablement fait avancer la réflexion politique. Les « clubs », comme l’on disait, produisaient de la réflexion, discutaient sur les valeurs et faisaient des propositions d’action. La Révolution Française a été particulièrement gourmande de ce genre d’activité… au point de l’institutionnaliser. La condition politique de « citoyen » se développant, l’alphabétisation progressant, et les moyens de communication se perfectionnant (la presse d’abord… puis les médias actuels), la réflexion, l’échange, devinrent une pratique politique largement partagée par toutes les classes sociales.

On a pourtant assisté peu à peu une véritable dérive bureaucratico-totalitaire des partis politiques. De groupes dynamiques, ouverts, pertinents dans leurs analyses, permettant d’ouvrir des perspectives politiques, il sont devenus des officines qui n’ont plus pour objectif que conquérir le pouvoir pour gérer le système marchand et défendre les intérêts de leurs membres.

Aujourd’hui, les partis politiques ne produisent plus rien, ils ne font que gérer, leurs affaires et celles de leurs membres. Ils n’ont aucune intention de changer quoi que ce soit (sinon dans leurs discours) aux principes du système marchand dont ils profitent et font profiter leurs proches. Ils tentent d’accumuler un maximum de fonctions tissant une véritable toile d’araignée dans laquelle ils enserrent et contrôlent l’ensemble de la société. Ils modifient régulièrement et systématiquement les modes d’élections (charcutages des circonscriptions) afin de s’assurer un maximum de postes et éliminer celles et ceux qui les gênent dans leur entreprise.

L’homme politique pédagogue, défenseur d’une cause, de valeurs, l’homme de confiance est devenu souvent un affairiste de la politique. Il est devenu un individu tout disposé à se vendre pour être élu, prêt à promettre tout et n’importe quoi pour séduire l’électeur. Utilisant toutes les techniques du marketing commercial, son seul objectif : le pouvoir et ses privilèges. Il est capable pour cela de braver les lois qu’il a lui-même voté et dont il est le garant, se déconsidérant ainsi aux yeux des citoyens qui voient devant leurs yeux non plus un individu exemplaire, se dévouant, voire se sacrifiant pour le bien commun, mais un arriviste sans scrupule n’hésitant pas à avoir recours au népotisme pour accroître son influence..

Cette situation explique la multitude des scandales politiques, les fameuses « affaires » qui concernent les plus hautes sphères du pouvoir. (voir pour les cas concrets LE CANARD ENCHAINE-journal satirique paraissant le Mercredi).

La situation est aggravée par le fait que, détenant le Pouvoir et en abusant, les « politiciens », ont tout loisir de manipuler et/ou faire pression sur les institutions publiques (la police, la justice, l’administration fiscale,…) pour cacher, étouffer et amnistier leurs pratiques illégales, parfois maffieuses. La soit disante séparation des pouvoirs n’est qu’un leurre pour citoyen naïf.

Il faut cependant noter que ceci touche essentiellement les fonctions électives les plus « prestigieuses », (présidence de la république, députés, sénateurs, conseils municipaux des grandes villes, conseils généraux, régionaux). Toute une multitude de « petits élus » (comme les appellent certains avec un brin de condescendance), souvent au niveau des petites municipalités échappent à cette dérive et remplissent leurs fonctions avec conscience et dévouement. Le problème c’est que ces « petits élus » dépendent, sont dominés, influencés, parfois contraints, par ces grands profiteurs politiques qui font pression sur eux soit par l’intermédiaire des partis politiques, soit des institutions qu’ils phagocytent. De plus aux yeux de l’opinion publique, la méfiance qu’inspirent les « politiciens » rejaillie injustement sur celles et ceux qui font honnêtement leur travail d’élu.

Ainsi le politique, homme respectable et respecté est devenu le « politicien », individu démagogue et qui n’inspire plus la moindre confiance…. C’est souvent « négativement » que l’électeur vote pour quelqu’un… souvenez vous du « Votez escroc, pas facho » lors des présidentielles en mai 2001

DE LA DEMISSION CITOYENNE…

Cette situation extrêmement dégradée du fonctionnement démocratique de la société n’est cependant pas due qu’aux simples acteurs dont il vient d’être question. Si ces acteurs ont pris tout l’espace scénique c’est que le reste de la population s’est prêté à ce petit jeu. D’acteurs les citoyens sont devenu spectateurs . Le spectacle de la politique n’existe que s’il y a des spectateurs.

La responsabilité en incombe incontestablement à l’ensemble des citoyens qui, par paresse civique, étroitesse de compréhension des mécanismes sociaux, naïveté dans les promesses du système marchand, mais aussi souvent par manque de temps, se sont déchargé des affaires publiques sur celles et ceux qui petit à petit sont devenus les spécialistes de la gestion publique. Il faut dire que tout a été fait par la classe politique pour déresponsabiliser le citoyen et, d’un être en principe actif, en faire un assisté.

Cette démission citoyenne est à la source de toutes les dérives. Cette paresse qui consiste à confier, à abandonner le fonctionnement démocratique à quelques personnes cumulardes et manipulatrices a aboutit à la situation actuelle.

La remarque classique et largement partagée par une bonne partie de la population : « Que voulez vous que l’on y fasse ? » en dit long sur le degrés de démission citoyenne. On comprend alors comment et pourquoi des margoulins qui ont choisi la politique, comme d’autres choisissent la contrebande, ou le trafic de drogue, se sont engouffrés dans la brèche pour le plus grand bénéfice de leurs petites et grandes affaires.

On est donc en droit de se demander que ce signifie ce fameux « sens civique » dont nous abreuvent les politiciens. Même si cette expression a véritablement un sens honorable, prononcée par certains, elle inspire la méfiance, voire le dégoût ou l’indifférence. Le sens civique dans son expression concrète aurait pour première tâche d’éconduire cette classe politique en grande partie parasite… au lieu de, au fils des scrutins, lui donner une légitimité dont on sait au service de quoi elle l’a met.

Ce que les politiciens craignent par-dessus tout, c’est l’abstention, autrement dit le fait pour le citoyen de signifier que l’acte de voter n’a plus de sens, rendant ainsi caduque celle ou celui qui l’incarne, l’élu-e. On comprend ainsi l’extraordinaire énergie déployée pour la classe politique pour amener le citoyen à l’urne… il y va de sa survie. (voir l’article « ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ? » et l’article « VOTER EST UN DROIT MAIS EST-CE VERITABLEMENT UN DEVOIR ? »)

… ET DE SES CONSEQUENCES

Ce n’est désormais plus le politicien qui doit respecter le citoyen c’est l’inverse. Le politicien devient une sorte d’intouchable au service duquel sont celles et ceux qui l’ont élu. Ceint de son immunité, qui à l’origine devait le protéger contre les abus de pouvoir et la répression, on en est arrivé au point que certains élus, et pas des moindres, recherchent cette immunité pour échapper à la Justice ( ???).

Devant le complet verrouillage de l’accès au pouvoir par la classe politique, le citoyen n’a plus qu’une liberté formelle… non plus choisir celui ou celle qu’il souhaite voir élu-e, mais voter pour l’autre afin que le premier ne le soit pas… on inaugure ainsi la « démocratie en creux »… on ne vote plus « pour », mais « contre »… sachant que la classe politique est dans tous les cas gagnante : elle peut asseoir le pouvoir qu’elle détient sur une légitimité exprimée par la participation.

Le plus grave c’est que les politiques ne sont pas là pour trouver des solutions aux problèmes de notre société, mais pour faire en sorte qu’ils soient supportables. Ils n’ont d’ailleurs aucune solution,(voir l’article « DECADENCE ») leur seul soucis étant la gestion du système marchand. Les promesses, comme le disait justement un ministre de l’intérieur à la recherche d’une immunité pour éviter les tribunaux, n’engagent que ceux qui y croient et non celles et ceux qui les font. On peut difficilement faire plus cynique.

On ne peut bien entendu faire aucune confiance aux hommes et femmes politiques qui sollicitent nos voix. La séduction a remplacé l’explication. Ils font plus appel à nos sentiments et nos instincts qu’à une réflexion sérieuse sur les problèmes de notre société. Toutes les solutions qu’ils proposent, les promesses qu’ils nous font ont maintes fois été faites… elles n’ont aboutit à rien. C’est sur d’autres bases qu’il faut poser les problèmes… et ce n’est pas avec eux que nous le ferons.

Patrick MIGNARD

Messages

  • D’abord marteler que les politiques sont au service du système marchand, c’est sans doute juste mais ça voudrait dire que le système marchand serait la seule origine de nos maux.
    Or, même si l’alliance contemporaine du complexe militaro-industriel et de la finance est sans doute la plus puissante machine de domination de l’histoire, l’oppression et la dominination politiques semblent des tropismes humains autonomes au système marchand. Le totalitarisme communiste, et tous les empires des anciens s’inspiraient autant de la volonté hégémonique par la force et de convictions religieuses voire de superstitions, à des époques où la puissance marchande n’était pas l’hydre planétaire d’aujourd’hui.

    Ensuite la citoyenneté et la démocratie sont des concepts hérités de la grèce antique où la qualité de citoyen se distinguait de cette de métèque et d’esclave. Ceci n’est pas sans parallèle avec la situation présente et le sort réservé par notre société aux sans papiers, aux prisonniers et aux jeunes issus de l’immigration. Il se répand également depuis plusieurs années une idéologie assimilant les travailleurs ou les contribuables à de vrais citoyens, les autres, chômeurs ou assujettis se retrouvant quotidiennement confrontés à un ostracisme ouvert fréquent. Cet ostracisme ouvert ou refoulé s’accentue d’autant que la classe moyenne est l’objet de campagnes médiatiques destinées à la convaincre que la solidarité nationale expliquerait la pression fiscale qu’elle subit.

    Je suis d’accord avec la proposition du premier paragraphe : la question posée dans cet article me semble effectivement saugrenue. Dans une société libre et égalitaire (celle qu’il faudra construire), la distinction entre personnage politique et habitant de base n’a pas lieu d’être : c’est même cette défausse de responsabilité qu’implique la délégation et l’élection qui explique le piétinnement de la conquête démocratique depuis la révolution française de 1789. Car il semble que ce soit plus à la déresponsabilisation de la grande masse des individus (on vote et ensuite on impute à l’élu la responsabilité de ses décisions) qu’à la corruption seule de la classe politique qu’on arrive aux impasses actuelles.

    La construction du futur doit certes se fonder sur le combat contre le totalitarisme financier planétaire, mais certainement sans oublier d’autres dérives autoritaires, supposées à l’époque s’y opposer, communismes soviétique, chinois, etc. Dans ces conditions la participation, qu’elle soit ou non passionnée, aux débats et décisions politiques et collectives, ne saurait s’y concevoir autrement que comme exercice horizontal partagé par toutes et tous, ce qui implique nécessairement la disparition pure et simple de la caste des politiciens.

    Il faudrait alors se poser la question de savoir si on peut faire confiance à l’autre.

    clampin