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Disparition de la société d’économie-mixte de transport par bus à Amiens

Publie le samedi 20 décembre 2008 par Open-Publishing
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Point 18 de l’ordre du jour du 15 décembre 2008– Délégation de service public liée au transport.

Ce dossier est très compliqué car la situation qui nous a été donnée est très mauvaise. Le groupement SEMTA/VEOLIA ne répond pas aux besoins des usagers et cela génère une baisse de la fréquentation et un déficit énorme au contraire de la tendance nationale.

Malgré tout j’ai tenté d’analyser la situation. Mon intervention se fera donc en deux points importants.

Une analyse interne du dossier en me fondant sur les informations qu’il me donnait. On peut tout de suite dire que l’on a du mal à se retrouver dans les méandres kafkaïens d’un tel dossier où des formules juridiques énigmatiques s’ajoutent à des équations mathématiques incompréhensibles.

Puis je ferai une analyse externe en exposant le bilan qui est fait de l’action de la CFT dans les trois collectivités où elle est présente.

1) ANALYSE INTERNE DU DOSSIER

a) Implantation géographique :

La CFT n’est pas présente dans le Nord de la France. L’origine de ses capitaux étant espagnole, il était logique qu’elle commence par s’installer à Perpignan. Ensuite elle s’est implantée dans d’autres villes selon une certaine cohérence géographique c’est-à-dire à Narbonne puis à Sophia-Antipolis. Mais, en venant à Amiens, elle s’éloigne singulièrement de ses bases géographiques.


b) Le carburant.

Si l’on prend le tableau des charges d’exploitation, la CFT propose, avant négociation, une dépense en carburant de 7,7 millions d’euros soit environ 267 000 euros de plus que la SEMTA/VEOLIA. Dans le document final, la CFT prévoit de ne plus dépenser que 6 millions d’euros soit un écart en sa faveur de 1,3 millions d’euros. Comment a fait la CFT pour réduire ce poste de dépense alors qu’elle va avoir une quarantaine de bus à gérer en plus ? Il semble ainsi qu’elle soit obligée d’abandonner l’utilisation du diester, un carburant qui limite tout de même le rejet de CO2 dans l’air.

c) l’entretien du matériel

Les frais d’entretien des véhicules passent de 3,15 millions d’euros avant négociation à 2,9 millions d’euros. Comment fait la CFT pour réduire les frais d’entretien du matériel roulant alors qu’elle va avoir des bus en plus à entretenir ? On pourrait dire que SEMTA/VEOLIA surestimait les dépenses mais j’ai appris par des usagers que, déjà, des bus tombent en panne. On pourrait dire au contraire que SEMTA/VEOLIA sous-évalue ses dépenses. Et ce n’est pas en les sous-évaluant encore plus que les bus vont mieux rouler...

d) On en vient maintenant aux dépenses de personnel.

La CFT augmente ses dépenses de personnel. Elle passe de 49,5 millions d’euros avant négociation à 51 millions. Est-ce pour augmenter les salaires ou pour embaucher plus de monde ? On doit reconnaître ici un effort en faveur de la masse salariale sauf que la somme dégagée vient des compressions de dépenses faites sur le carburant, l’entretien des bus, les charges commerciales, bref tout ce qui permet à l’entreprise de fonctionner... Il faut noter aussi que la loi Balladur permet aux entreprises qui reprennent les salariés d’une autre entreprise peuvent renégocier les contrats de travail au bout de 15 mois. Il peut même y avoir alors des risques de licenciement. Si la CFT a promis des augmentations de salaires pour s’emparer du marché, rien ne dit qu’elles dureront surtout si elles se font au détriment de l’outil de production...

f) La taxe professionnelle.

La CFT baisse sa contribution à la taxe professionnelle. Elle passe de 1,8 millions avant négociation à 1,5 million. Comment fait-elle avec un nombre de bus accru ? Logiquement elle devrait, au contraire, augmenter ses contributions.

g) La sous-traitance

La sous-traitance ne disparaît pas vraiment puisqu’elle représente un coût de 13,6 millions d’euros pour la CFT soit à peu près ce qui était prévu au départ par SEMTA/VEOLIA...Il y a certes un engagement pour le réduire mais, dans ce cas, pourquoi faire venir des bus en plus ?

Pour finir sur cette analyse interne du dossier, c’est que la CFT a fait le maximum pour séduire les salariés de SEMTA/VEOLIA notamment en augmentant ses dépenses en direction du personnel. Cela n’est pas négligeable. Mais cela se fait au détriment du fonctionnement. En bref la CFT prélève sur le capital fixe pour l’affecter au capital variable. Il faudrait leur dire que l’on ne dégage des profits qu’en se donnant les moyens de faire fonctionner les machines. Cela ne permettra pas du tout d’augmenter la productivité comme elle le promet, au contraire.


2) ANALYSE CRITIQUE EXTERNE DU DOSSIER

La CFT est présente dans 3 structures intercommunales, celles de Perpignan, Narbonne, et Sophia-Antipolis. Je me suis renseigné et j’ai obtenu des informations assez alarmantes.

Á Narbonne, la communauté d’agglomération n’a pas reconduit avec elle la délégation de service public et a préféré comme délégataire Keolis. Il faut bien remarquer qu’à propos de cette délégation de service public, la rémunération de l’exploitant est calculée en fonction des émissions de CO2. Narbonne pratique donc une politique de développement durable très volontariste. En tout cas, la CFT n’a pas rendu de services mémorables là-bas pour garder sa délégation. Son action a surtout consister à faire des économies sur le personnel en mettant les horaires des chauffeurs en flux tendu et en délaissant l’entretien du matériel roulant.

Á Perpignan, La collectivité est passée par un marché public. Elle est si peu contente des services de la CFT qu’elle va réduire sa convention signée pour 14 ans à 10 ans. Là-bas, cette société qui a peu de capitaux fait appel systématiquement à la sous-traitance développant de multiples stratégies pour réduire les coûts de fonctionnement et dégager des marges de profits.

Á Sophia-Antipolis, le vice-président aux transports de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur m’a prévenu : le réseau n’est pas fameux, le matériel roulant est scandaleusement mal entretenu. Le personnel est si mécontent qu’il a dû faire, à un moment donné, 80 jours de grève. Le service est si mal rendu que Monsieur Jean Leonetti, président UMP de la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis, va créer des lignes en régie directe, ce qui est, pour le moins, contraire à son idéologie ultra-libérale. Pour calmer le mécontentement des usagers, il va jusqu’à mettre en place la gratuité sur ces nouvelles lignes. Cela montre à quel point cela va mal sur le réseau de la communauté d’agglomération de Sophia-Antipolis.

En conclusion je dirai donc que l’on peut soupçonner à juste titre que la CFT participe à une stratégie qui vise à affaiblir l’emprise des collectivités publiques sur l’organisation des transports en commun. Et cela passe par la disparition des sociétés d’économie mixte. Á Amiens-Métropole, notre société d’économie mixte ne gèrera plus que pieto +, ce qui équivaut à la marginaliser complètement des transports sur le territoire de notre collectivité.
Au vu de ce qu’on le peut constater, Veolia ne laisserait-elle pas le champ libre à la CFT pour pouvoir revenir éventuellement dans 3 ans. Ainsi Veolia apporterait ses capitaux et son savoir-faire mais elle serait entièrement libre car elle ne fera plus partie d’une société d’économie mixte.
Je ne veux pas porter la responsabilité d’un service qui s’annonce comme encore moins bon qu’aujourd’hui et, surtout, je ne veux pas porter la responsabilité de la disparition de fait de la société d’économie mixte. Je ne souhaite pas que nous tombions de Charybde en Scylla. La solution ne serait-elle pas de prolonger de 6 mois la délégation de service public pour réétudier le dossier ?
Pour toutes les raisons énoncées précédemment je vote contre la décision de prendre la CFT comme délégataire pour les transports en bus. Ce n’est pas en écartant la société d’économie mixte des transports que l’on va progresser dans la maîtrise du réseau métropolitain. Ce n’est pas en régressant que l’on va de l’avant. Je vais même plus loin, je pense que l’on devrait tirer les enseignements de la collectivité d’agglomération de Toulouse qui n’a pas hésité à passer en régie directe : cela lui a permis de réduire ses dépenses sur le long terme et de satisfaire les usagers. Comme pour la gestion de l’eau à Paris, le sens de l’Histoire va dans la reprise par les collectivités publiques de leurs activités en régie directe.


Cédric Maisse,

conseiller municipal communiste,

délégué à Amiens-Métropole.

Adopté : 2 votes conte, 22 abstentions ;

Devinette : combien d’élus communistes ont voté contre ? Combien se sont abstenus ?

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