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Cesare Battisti : l’ancien activiste des années de plomb est menacé d’extradition. Décision le 30.06

Publie le mercredi 30 juin 2004 par Open-Publishing

Jacques Bravo, Fred Vargas, Irène Terrel, Oreste Scalzone, Georges Moustaki et Dominique Grange
Cloture de la soirée du 26 juin au Théâtre de l’Oeuvre, Paris 9e. © Francesco Gattoni

Battisti : festin de soutiens « pour l’honneur de la France »

Par Dominique SIMONNOT

Une petite rousse qui bondit, un homme en costume strict, une blonde gracile. La chanteuse Lio, le maire socialiste du IXe arrondissement de Paris, l’archéologue et écrivain de polars Fred Vargas. Drôle d’attelage pour soutenir Cesare Battisti, lui aussi écrivain de polars, ancien activiste des années de plomb, condamné à la perpétuité en Italie et menacé d’extradition vers son pays. Pendant six semaines, le trio a « travaillé comme des boeufs » et rameuté samedi soir, au théâtre de l’OEuvre à Paris, un rare échantillon. De Bernard-Henri Lévy à Julien Dray, de Philippe Sollers à Guy Bedos, de Pierre Vidal-Naquet à Sapho, de Georges Moustaki à Dan Franck, du député UMP Jacques Remiller à Nicole Borvo (PCF) ou Christian Picquet (LCR), de Danielle Mitterrand à Higelin et Miou-Miou... Pendant cinq heures, ils sont venus dire, chanter ou faire lire leur « espoir » que, mercredi 30 juin, les juges de la cour d’appel de Paris diront non à une extradition « honteuse ». La salle était pleine pour les écouter.

« Protection ». Beaucoup tiennent à la main le petit livre rouge écrit par Fred Vargas : la Vérité sur Cesare Battisti (1). Chacun ses arguments. Sollers : « On veut faire croire que pendant les années de plomb, en Italie, quelques délinquants sont venus troubler la tranquillité d’une paisible démocratie. Falsification ! Il y régnait un climat de pré-guerre civile, avec des insurrections ouvrières, des grèves sauvages ! La campagne anti-Battisti qui s’y déroule actuellement est menée par l’ex-Parti communiste, humilié, dépassé par ces révoltes ouvrières ! » Lio monte à son tour sur la scène et chante « en l’honneur de Jacques Bravo et de la ville de Paris, qui a placé Cesare sous sa protection ! ». La belle Lola Lafon entonne « une chanson de résistance pour Cesare, pour tous les détenus et bien sûr pour Nathalie Ménigon ».

L’acteur Jacques Bonnafé rigole, il mime l’abbé Pierre en lisant son appel à Jacques Chirac : « Il y a plus de vingt ans, j’ai eu à connaître des dérives de la justice italienne en défendant un innocent détenu trois ans sans la moindre preuve et je me suis engagé pour ces réfugiés italiens... Je fais appel à vous pour le respect de la parole donnée ! » C’était la promesse faite par François Mitterrand, en 1985, au congrès de la Ligue des droits de l’homme, assurant la tranquillité aux « réfugiés » italiens ayant « rompu avec la machine infernale ». Très à l’aise sur les planches, BHL, sous le regard d’Arielle Dombasle : « La condamnation de Battisti repose sur un procès où lui sont imputés 100 % des crimes et braquages de son organisation. Il a été accablé par un repenti qui a négocié l’absolution de ses crimes contre son témoignage ! Bizarre, non ? » Le philosophe prévient : « Je ne donne pas de leçons à l’Italie, je dis juste ce qui est. Battisti a été condamné en vertu de lois d’exception et serait extradé vers un pays dont le président du Conseil se soustrait depuis des années à la justice, avec bien d’autres moyens que lui ! » Et il appelle, sous les applaudissements, « à une amnistie, enfin ! Pas seulement pour les assassins d’extrême droite ou les repentis, pour tous ! ».

L’éditeur François Guérif a choisi Victor Hugo, l’exilé : « L’apaisement viendra de l’amnistie, hélas, nous entendra-t-on ? » Julien Dray lui succède : « Au nom du PS, du premier secrétaire François Hollande, au nom de principes intangibles. Un accusé a le droit de se défendre et ne peut être condamné par contumace sans être rejugé ! », comme c’est le cas en Italie. Guy Bedos, tous cheveux blancs dehors ­ « un rescapé de la canicule » ­, n’est pas « venu faire [son] cirque », mais sauver l’honneur de la France. Le député UMP Jacques Remiller, qui a rencontré Battisti au festival de Vienne (Isère), fait lire son « estime » et sa lettre au garde des Sceaux « pour le respect de la parole donnée ». Nicole Borvo, sénatrice PCF, cite la lettre de soutien de vingt-trois sénateurs.

Comme un rossignol. En fin de soirée, la chanteuse engagée Dominique Grange enflamme la salle : « Je viens de la même guerre que Cesare, pour moi, les chansons sont des armes ! » Moustaki grimpe la rejoindre sur scène. Et l’avocate de Battisti, Irène Terrel. Et Jacques Bravo, Lio, Fred Vargas. Ensemble, ils entonnent Adio Lugano Bella ! Oreste Scalzone, l’un des premiers « réfugiés », se balade entre les sièges en sifflant comme un rossignol. Enfin, la salle chavire avec Moustaki et Bella Ciao !

(1) Editions Viviane Hamy, 7 euros.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=219058