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L’avis : Montecorvino, Italie

Publie le mercredi 30 juin 2004 par Open-Publishing


de GUGLIELMO RAGOZZINO

Hier, on a eu la démonstration
de la fragilité du pays qui se targue pourtant d’être
la sixième puissance industrielle du monde. Le blocus – et pour d’autres raisons
que celles de la
circulation – d’une gare ferroviaire de troisième
ordre, dans l’après-midi de samedi, a causé un arrêt complet sur toute la ligne,
avec des répercussions de
Palerme à Rome et au-delà. Des trains bloqués par manque de lignes de remplacement
 ; des voyageurs
immobilisés à cause de la faiblesse et de la maladresse des services de substitution.
La route
nationale, bloquée par la circulation semi-urbaine de et vers Salerne ; plus
loin, l’autoroute, presque
inutilisable car les chantiers berlusconiens l’ont
transformée en un parcours de guerre ; au loin,
d’improbables navires ateliers pas encore à l’horizon.

Le nouveau patron des chemins de fer, Elio Catania,
arrivé de Ibm il y a seulement un mois, a vu enfin se
réaliser le millennium bug, si craint et si attendu :
personne ne l’a vu, le bug, au début du millénaire,
mais, hier, tout le monde l’a perçu en Italie : tout
arrêté, le blocus du réseau qui s’élargit en rapides
vagues successives, le système qui ne réagit pas, les
communications qui sautent, des milliers de personnes
qui ne savent pas quoi faire, bloquées dans les
grandes gares de correspondances jusqu’à, ultime coup,
l’intervention de la protection civile comme s’il se
fût agi d’une inondation ou d’un séisme. Les problèmes
pratiques ne sont pas notre point fort, à nous,
Italiens mais avec les catastrophes et les tragédies
nous nous en tirons très bien. S’il n’y en a pas, nous
les inventons.

Si l’on exclut la Ligue avec son classique « qu’est-ce
qu’attend la police pour les chasser ? » et Francesco
Storace (président de la région Latium, Alliance
Nationale, Ndt) avec le tout aussi pompeux « ce sont
des actes de sabotage contre la Nation » et de l’autre
côté Refondation : « la population de la zone de
Salerne se révolte contre un mauvais choix », le reste
du monde politique, les urnes encore ouvertes, est
très précautionneux s’agissant du cas des trains de
Montecorvino. Les populations de la zone de Salerne,
de Battipaglia, d’Eboli et des alentours – observe le
monde politique – n’ont pas tous les torts à
manifester contre la décharge de Parapoti, mais ils
ont un peu exagéré : après tout les trains ne leur
appartiennent même pas. Et pourtant, la décharge est
essentielle, c’est au moins ce qu’assure Corrado
Catenacci, préposé au cycle des déchets en Campanie.

Parce que, finalement, il y a la question des déchets.
Les façons de s’en débarrasser, une fois qu’on les a
produits, sont au nombre de trois. On les brûle, on
les enterre, on les exporte. Toute solution est
mauvaise : mieux vaudrait ne pas en avoir ou en avoir
peu à écouler mais ceci est une autre histoire. Face
aux déchets, l’unique intervention possible est de les
séparer les uns des autres, pour les recycler, pour
les réutiliser, pour traiter ce qui reste jusqu’à en
faire du matériel inerte, utile, non dangereux ; ce
n’est qu’à ce point-là qu’on peut adresser les déchets
vers l’une ou l’autre destination. Puis, il y a la
question des éco-mafia et du juste profit. Ce sont
deux convives dont il est difficile de se défaire.
Mais il faut le faire. A nouveau, ce ne sont que ceux
de Montecorvino et leurs compagnons des autres luttes
qui sont en mesure de les reconnaître, un par un,
criminels, profiteurs ; et de les raccompagner jusqu’à
la porte.

Le fait est que le blocus de Montecorvino est le 29ème
blocus des gares en Campanie depuis le début de
l’année. Qu’ elles aient quelque chose à communiquer
les populations de la Campanie, qu’elles envoient des
signaux que nous n’avons pas encore saisis ? S’agit-il
d’un sabotage ou est-ce nous qui n’avons pas compris
une leçon importante : l’environnement passe avant
tout, il est vie : on se sauve tous ensemble et pour
se sauver, lutte-t-on ? Les populations sont de plus
en lus dépassées par des décisions environnementales
qui les concernent : une décharge, une raffinerie à
charbon, une installation pour la valorisation
thermique, une usine polluante, un tunnel, un monstre
écologique. On peut accepter, en courbant la tête ; ou
on peut dire, en ce cas aussi, « pas en mon nom » et
pratiquer une autre forme de démocratie.

Il Manifesto

Traduit de l’italien par Karl et Rosa

29.06.2004
Collectif Bellaciao