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Géographie politique après le vote. Le déclin de la deuxième République en Italie

Publie le jeudi 1er juillet 2004 par Open-Publishing
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de Ilvo Diamanti

L’issue de cette consultation électorale contraint à revoir la carte politique
de l’Italie, que, péniblement, Silvio Berlusconi a dessinée le long de la dernière
décennie. L’Italie bleue apparaît aujourd’hui redimensionnée et circonscrite.
Surtout là où elle démontrait des bases électorales plus solides et plus stables.
Le Nord-ouest : l’axe qui joint Milan à la Ligurie du Ponant, en traversant la
province piémontaise. Le Mezzogiorno de la mer Tyrrhénienne (relié aux Pouilles).
Les îles : les zones méridionales de la Sardaigne et, particulièrement, la Sicile.
Les régions principales de l’Italie bleue qui, à la différence des Italies politiques
de la première République, ne présente pas une géographie délimitée et localisée.
Mais articulée, parsemée, « nationale ». Ce vote pousse à revoir aussi l’idée
du « parti sans territoire ». Mieux, avec de nombreux territoires, de nombreuses
racines locales différentes, préexistantes, exprimées par des groupes d’intérêt,
des cercles, des organisations de catégorie, des comités. Une fédération, assemblée
par la figure du leader. Le « parti sans territoire » : un network capable de
coaguler et de relier, justement pour cela, d’autres sujets politiques, différents
par leurs intérêts, leur culture politique. Mais caractérisés territorialement.

La Ligue, au Nord ; Alliance nationale et les néo démocrates chrétiens (Udc) surtout au Centre-sud, mais pas seulement.

Forza Italia. Le cadre qui a rendu la CdL (la coalition de centre-droit : NdT) l’unique, véritable sujet politique national. Dirigé, inspiré, médiatisé, par le « leader vainqueur. Qui a « usé » la télé pas tant pour influencer les opinions des citoyens et, avant eux, des autres acteurs politiques. Mais pour délayer les diversités qui traversent la société et le territoire. Et les contrastes qui divisent les composantes de la majorité gouvernementale.

Voila, après ce vote, c’est la représentation de cette Italie, unifiée par la CdL, cimentée par FI et résumée, personnalisée par le leader qui est devenue impossible à proposer

1. Entre temps, aux élections européennes, le rapport entre centre-droit et centre-gauche s’est rééquilibré non seulement au niveau national, mais dans toutes les zones. Le centre-gauche garde son avantage traditionnel dans les provinces du Centre, mais réduit en même temps les distances de la CdL au Nord (surtout au Nord ouest) et la rejoint dans le Mezzogiorno. Il a « nationalisé » lui aussi sa base électorale, en gardant solidement son assise traditionnelle.

2. En plus, dans le centre-droit s’est détérioré le rôle de cadre et de balancier interprété par FI. Qui interceptait, à elle seule, 56% des électeurs de la CdL en 1999 et 61% en 2001. Tandis qu’aujourd’hui elle n’en recueille que 48% (moins, si on considère, en plus des trois alliés majeurs, d’autres encore, comme le Psu ou la liste Sgarbi). FI n’est plus majorité dans la coalition. Elle a cédé du consensus à la Ligue, au Nord ; à An et à l’Udc, au Centre-sud. Et cela est arrivé dans un genre de consultation, les Européennes, où traditionnellement le rendement de FI s’avère être le meilleur. Parce qu’il est plus facile, dans une compétition nationale, de dépenser l’image de Berlusconi et de centrer la confrontation sur des thèmes généraux, en dépassant les distinctions locales.

3. Ainsi l’Italie bleue semble avoir perdu sa structure nationale. Particulièrement ses régions du Sud ont une couleur bleue pâle. FI a du mal, vraiment, à assembler les alliés. A fournir le ciment de la coalition. Parce que les alliés en ont rongé eux-mêmes les bases. Ils l’ assiègent, sur son terrain. Au Nord comme au Sud.

4. Le lien avec les élections administratives, que Berlusconi lui-même avait voulu, pour contraster les limites de l’organisation et de la classe dirigeante locale de FI, en misant sur son image, a donné des effets inattendus. Opposés aux attentes. La politique sans territoire s’est heurtée aux contraintes et aux ressources de la politique sur le territoire. Et dans la société. Et FI a perdu deux fois.

a) Avant tout en tant qu’actionnaire de référence de la CdL. Vu le succès, généralisé, du centre-gauche, lequel l’a emporté dans 52 des 63 provinces dans lesquelles on votait ; 8 de plus par rapport à la situation précédente. Milan, à ce propos, représente, sûrement, le résultat le plus important et le plus voyant, pour des raisons symboliques. Mais la projection « nationale » compte autant. Le centre-gauche, en fait, l’emporte partout. Même aux élections municipales, où il élit son propre candidat dans 171 communes de plus de 15 000 habitants sur 231 dans lesquelles on votait. En réalisant l’expansion la plus significative dans le Nord est, la zone qui lui est, aujourd’hui encore, la plus hostile.

b) En plus, FI a perdu aussi « dans » la coalition. Dans la comparaison avec ses alliés. Cela rend plus difficile que hier la cohabitation dans la majorité. Pour des problèmes de géographie politique. Parce que la divergence entre les partis de la CdL est amplifiée par la diversité des bassins électoraux.

A cette occasion, la difficulté du centre-droit à canaliser le consensus de parti autour de candidats communs de la coalition est apparue plus déchirante que jamais. Soulignée (particulièrement, mais pas seulement) par le choix de la Ligue de courir seule, dans plusieurs contextes. Et par le peu de disponibilité de ses électeurs à voter pour des candidats d’autres partis de la CdL au deuxième tour. Une politesse souvent rendue par les électeurs d’An ou de l’Udc vis-à-vis d’un candidat de la Ligue. Cela suggère que les problèmes de la CdL dans les compétitions majoritaires sont destinés à augmenter. Vue la difficulté de ses électeurs dans le passage entre choix de parti et vote de coalition. Tandis que dans le centre-gauche se renforce la tendance inverse, qui se traduit dans la préférence, répandue, pour le vote à la coalition (ou au candidat commun) par rapport à celui de parti.

5. Ainsi, FI cesse d’être le cadre qui assemblait les différentes Italies, résumées dans la CdL. Le Nord et le Sud ; les travailleurs autonomes et les fonctionnaires publics ; l’extrémisme verbal et la médiation ; l’Etat central et les administrations locales ; Rome et Milan ; Bergame, Padoue et Bari. Même parce que Rome et Milan ; Bergame, Padoue et Bari (pour ne pas parler de la Sardaigne) sont aujourd’hui gouvernés (commune, province et région) par le centre-gauche.

6. L’Italie n’est plus bleue comme auparavant. D’autres sujets politiques ont contribué à colorer le pays, à cette occasion. Sans perdre leurs racines. Regardez : aux élections européennes de 1999, FI était le premier parti, en pourcentage de voix, dans 75 provinces sur 101 ; aux élections politiques de 2001 dans 81, aux récentes élections européennes dans 16. Parce que dans 84 provinces la liste qui a obtenu le plus de voix est « Unis pour l’Olivier ». Ce n’est pas un parti, récriminent quelques-uns, mais une entente, un cartel. Qui réunit des électorats différents. Comme si FI, à son tour, n’était pas un contenant fluide et hétérogène. Comme si l’identité et le modèle d’organisation n’était pas, aujourd’hui, un problème transversal et général pour le système des partis.

7. Il n’est plus en mesure, Berlusconi, par son image, son pouvoir et son consensus, de résumer et d’ apprivoiser les différentes Italies et les différents partis qui habitent la Cdl. Il ne gagne plus les élections comme jadis. Et l’entreprise Italie fonctionne pire que ses entreprises.

Ainsi se répand l’impression que la deuxième république est finie : fondée sur le rôle de Berlusconi et sur le parti personnel, sur la politique sans territoire et avec peu de relation avec la société. Même si cela ne signifie pas que les artisans, Berlusconi en tête, ne joueront plus un rôle de premier plan. Mais ils devront se donner beaucoup plus de mal. Faire de la politique, de la médiation, de l’organisation. Avoir à l’œil la réalité. Parce que le temps des fidélités idéologiques et des appartenances indiscutées à un parti est fini. Le temps des passions éternelles. Mais ceux qui ont cru que pour les remplacer, la télévision, les experts de marketing et de sondages au service d’oligarchies fermées suffiraient, doivent changer d’opinion. Et recommencer à étudier. La société. Le territoire. La géographie.

La Repubblica

Traduit de l’italien par Karl et Rosa

01.07.2004
Collectif Bellaciao

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