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Cesare Battisti : l’Italie politique massivement derrière les juges

Publie le vendredi 2 juillet 2004 par Open-Publishing

Gauche et droite saluent « une décision juste », contestée par les seuls Verts et communistes orthodoxes.

Par Eric JOZSEF

Au beau milieu d’une tourmente politique créée par sa sévère défaite aux élections européennes et locales partielles, le gouvernement italien a accueilli hier avec une grande satisfaction l’avis favorable de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris à l’extradition de Cesare Battisti. Convoquant les journalistes quelques minutes après la décision des juges français, le garde des Sceaux Roberto Castelli (Ligue du Nord, droite populiste) a affirmé : « C’est une grande victoire du gouvernement, la magistrature française nous a donné raison. » « C’est un pas en avant significatif, même si l’affaire n’est pas terminée. Battisti peut présenter un recours et je présume qu’il le fera », a ajouté Roberto Castelli, qui a profité de l’occasion pour gonfler les muscles. A l’adresse des terroristes et des délinquants, il a lancé : « La justice est peut-être lente, mais vous n’aurez pas de repos. Nous vous chercherons partout et à jamais. »

Unanime, la droite italienne s’est félicitée de la décision. « C’est un signal important en vue de la réduction de la zone d’impunité et d’indulgence à l’égard des terroristes », selon Forza Italia. « Il n’est plus acceptable que des personnages condamnés en Italie puissent vivre dans l’impunité dans un autre pays de l’UE », a estimé l’eurodéputée d’Alliance nationale (droite conservatrice) Roberta Angelilli.

Mais à gauche aussi, nombre de responsables politiques ont salué l’avis de la cour d’appel de Paris. « Je suis très satisfait », a réagi l’ancien ministre de l’Intérieur Enzo Bianco (Marguerite, centre gauche), pour qui « le maintien de Cesare Battisti en France n’a rien à voir avec les limitations prévues par les lois françaises sur l’extradition ». Pour le président des députés Démocrates de gauche (DS, ex-communistes), Luciano Violante, qui fut par le passé un magistrat spécialisé dans la lutte contre le terrorisme, il s’agit aussi d’« une décision juste ». « Battisti a été condamné pour de gravissimes crimes de sang », lui a fait écho le secrétaire des DS, Piero Fassino, notant au passage que « si le mandat d’arrêt européen avait été en vigueur, le cas Battisti aurait été réglé depuis longtemps et nous aurait évité d’attendre l’issue de procédures d’extradition complexes ». Il se trompe d’ailleurs : la France ne l’a ratifié que pour les faits postérieurs à 1993. Ancien garde des Sceaux, Piero Fassino a rappelé qu’il avait lui aussi relancé la demande d’extradition auprès des autorités françaises.

A gauche, seuls les communistes orthodoxes de Refondation et les Verts ont critiqué la décision parisienne. « C’est une sentence grave, a estimé le responsable écologiste Bulgarelli, elle remet officiellement en cause la doctrine Mitterrand. » « J’ai désapprouvé nombre de déclarations de Battisti ces derniers mois ; celui qui a fait des choix erronés et dramatiques doit montrer un profond respect à l’égard des victimes », a estimé son collègue Paolo Cento, vice-président de la commission Justice à la Chambre des députés, tout en souhaitant que ce cas « comme celui de centaines de condamnés pour des délits de terrorisme, de droite comme de gauche, permette de refermer définitivement cette page historique et trouver une solution juridique avec une mesure d’amnistie ». « Le problème est politique », a souligné le député de Refondation Giuliano Pisapia. « La demande d’extradition du côté italien était un acte obligé. La question est de savoir s’il y a eu un accord officieux entre les gouvernements français et italien. Si c’était le cas, cela voudrait dire que l’on cherche à faire revivre une période tragique qui était définitivement classée. »

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