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Jacques Chirac se prononce pour l’extradition de Cesare Battisti

Publie le dimanche 4 juillet 2004 par Open-Publishing

de Béatrice Gurrey

Le chef de l’Etat ne se sent pas tenu par la doctrine Mitterrand, établie "alors que la loi italienne faisait l’objet de débats". Il justifie aussi son choix par l’existence d’un espace judiciaire européen.
Deux jours après l’avis favorable donné par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris à la demande d’extradition de l’ex-activiste italien Cesare Battisti, Jacques Chirac s’est, pour la première fois, exprimé sur cette affaire. "Il est de notre devoir de répondre favorablement à une demande d’extradition", a déclaré le président de la République, vendredi 2 juillet, lors d’une conférence de presse commune à l’Elysée avec le président du conseil italien, Silvio Berlusconi, présent pour un sommet bilatéral.

Il a cependant ajouté : "Vous comprendrez que j’attendrai la décision de la justice, c’est-à-dire celle de la Cour de cassation, pour faire connaître la position de la France." Sitôt connu l’avis de la cour d’appel, les avocats de M. Battisti ont en effet annoncé leur intention de se pourvoir en cassation (Le Monde du 2 juillet).

Par avance, M. Chirac a pourtant répondu à la gauche et aux intellectuels engagés contre l’extradition de M. Battisti - condamné à la prison à perpétuité pour quatre meurtres et des braquages durant les "années de plomb" - qui lui demandent de "respecter la parole de la France" donnée par François Mitterrand dans les années 1980. Se gardant de tout jugement sur le fond, M. Chirac a rappelé le climat de passion qui régnait alors dans une Italie occupée à régler les comptes d’une période marquée par des attentats, des enlèvements et des meurtres politiques.

"UN ÉLÉMENT NOUVEAU"

La doctrine de son prédécesseur, qui consistait à ne pas extrader les activistes italiens, avait été prise "alors que la loi italienne faisait l’objet de débats",a observé le chef de l’Etat. "Depuis 1989, la loi italienne a changé et elle a été définitivement jugée par la Convention européenne des droits de l’homme comme parfaitement respectueuse des exigences des droits de l’homme, a-t-il ajouté. C’est un élément nouveau, évidemment considérable." M. Chirac a également rappelé qu’en 1993, à l’issue de son procès en Italie, M. Battisti avait été "condamné définitivement par la justice italienne pour plusieurs assassinats et crimes de sang".

Enfin, se plaçant du point de vue de l’Europe, M. Chirac a souligné que la France et l’Italie appartenaient à "un espace judiciaire commun". "Si une personne a été condamnée, pour des crimes de nature terroriste, en particulier dans une démocratie et un Etat de droit, il est de notre devoir et de notre responsabilité de répondre favorablement à une demande d’extradition",a-t-il expliqué. M. Berlusconi, après la satisfaction quasi générale exprimée en Italie à la suite de la décision de la justice français, n’a fait aucun commentaire.

Le Parti socialiste n’a pas réagi, mais le Syndicat de la magistrature (gauche) a estimé, vendredi, dans un communiqué, que l’avis de la cour d’appel de Paris était l’illustration d’une "harmonisation européenne par le mauvais bout". Soulignant qu’elle ouvrait la voie à une remise en cause de la doctrine française, le syndicat observe que cette décision s’intègre "dans un contexte européen marqué par l’utilisation de la menace terroriste pour justifier le développement de procédures d’exception dont les principes sont ensuite étendus aux autres domaines du droit pénal".

De son côté, la Ligue des droits de l’homme (LDH) a demandé à M. Chirac de "changer d’avis". Elle "veut croire" qu’il le fera, "conscient de ce que la politique est aussi faite d’éthique". La Ligue souligne que le président de la République ne peut "dédire l’engagement de son prédécesseur, engagement qu’il a lui-même respecté pendant de longues années". Cela signifierait, selon elle, que "la parole de la République n’engage que ceux auxquels elle a été donnée".

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