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De la Maternelle à l’Université : résistance et utopie !

Publie le mercredi 11 février 2009 par Open-Publishing
4 commentaires

De la Maternelle à l’Université : résistance et utopie !

Les attaques contre le service public d’éducation, menées depuis des années, atteignent cette année un paroxysme. La violence des remises en cause (ce que les chiens de garde médiatiques nomment « réformes » et que nous continuerons à appeler « attaques »), l’énergie déployée par un grand nombre d’acteurs pour démoraliser les personnels, en tapant dans le porte-monnaie, en employant des méthodes issues du management privé le plus pervers, en restreignant le métier d’enseignant à des automatismes normés et fabriqués dans les bureaux des Inspections, en mettant au pas toute contestation, en instillant concurrence et course à la rentabilité, bref, cette « révolution » conservatrice qui touche le système – avec le soutien silencieux d’une partie de la population, marquée par le discours des années quatre-vingt sur le concept de fonctionnaire comme corps parasite et individu raté – cette réaction même doit interroger profondément quiconque aujourd’hui se trouve partie prenante des mouvements sociaux.

Et le fait est que, dans les salles des profs, dans les couloirs de la fac, et les assemblées d’école, quelque chose de neuf, mais qui était préparé depuis des années, se matérialise, prend corps, s’installe, s’étend : une conception marchande du savoir, une vision de l’enseignant basée sur l’obéissance et la soumission, un défaitisme assumé quant à la dimension émancipatrice du savoir, un constat, partagé même par de nombreuses personnes de gauche, que l’inégalité scolaire renforce l’inégalité sociale, en gros, la fin d’un modèle – fils de Condorcet et des Lumières ? – éducatif déroule son tapis d’ajustements sous nos yeux, et nous en restons babas.

Un grand nombre d’entre nous, profs, étudiants, lycéens, chômeurs, précaires, citoyens, intéressés à l’avenir d’une éducation forte et d’une école émancipatrice, subissent le discours de la réforme de manière douloureuse. Car un grand nombre d’entre nous à quelque chose à dire contre le système scolaire : libertaires, nous en avons assez de l’autoritarisme à tous les niveaux dans le système éducatif, communistes, nous ne supportons plus l’infiltration des intérêts privés, pédagogues attachés aux alternatives, nous souffrons de voir tant de jeunes ne pas profiter de l’enseignement qu’il leur est donné sous prétexte de normes pédagogiques et disciplinaires dépassées, violentes, moutonnières, décroissants, nous disons stop aux déserts éducatifs qui se profilent et aux usines à gaz qu’on nomme pôles d’excellence, de compétitivités, de compétences qui bouffent du carbone, centralisent les richesses, déconnectent savoirs et territoires, etc. On pourrait continuer encore longtemps...

Tout cela pour dire que la défense du service public d’éducation français n’est pas la défense de principes installés depuis longtemps dans le système et que nous réprouvons tout autant. Mais attention à ne pas se méprendre : il ne s’agit pas de renvoyer dos-à-dos Snes et Darcos, pour faire court. Ni même de remettre en question l’idée d’une éducation qui existe dans un cadre national (quoique ? Aucune idée ne doit être taboue si l’on veut inventer une éducation pour tous et par tous). Mais nous ne devons pas cesser de militer pour une autre école. Tout en défendant des acquis, ce qui rend la position tout à fait difficile.

Elle est même, pour beaucoup d’entre nous, proprement intenable.

Les attaques portées à une certaine idée de l’école, en ces temps de crise, ont peut-être un avantage. En rognant jusqu’à l’os ce qui pouvait faire consensus au sein de la population vis-à-vis de l’éducation, Sarkozy et consorts nous donnent l’occasion formidable pour réexaminer ce consensus, le remettre en question, en construire un nouveau. La massivité de la violence contre le corps enseignant (des instituteurs aux docteurs et profs de facs) a cet avantage : nous allons être OBLIGES de nous rassembler, et de proposer, au front de nos concitoyens, attentifs, quoi qu’on en dise, à ce que le monde de l’école énonce, une école nouvelle, émancipatrice, REVOLUTIONNAIRE !

Mais quelle école ? Comment le trouver ce consensus ? Comment l’inventer ce système novateur où s’inscrivent en lettres intransigeantes les mots égalité, émancipation, élévation ? Comment concilier partisans d’un élitisme républicain avec ceux qui contestent la dimension factice du savoir enseigné ? Comment mettre d’accord les fanas de la structure et les anti-autoritaires ? Comment rénover, révolutionner en tenant compte des volontés éparses de défense d’un savoir constitué, d’aide à l’autonomie intellectuelle des jeunes, de rejet des valeurs d’argent, d’amélioration des conditions sociales, du rapport de l’école à la commune, au quartier etc ? TACHE PASSIONNANTE. Et qui mérite notre attention la plus grande.

Il devient urgent et c’est l’objet de ce texte de se RETROUVER. Hors de tout système de médiation, l’école doit devenir un débat populaire, public, ouvert. Nous nous retrouvons dans les manifs, dans le soutien aux élèves sans papiers, au NPA, à la CNT, chez SUD, au SNES, à la CGT, nous combattons les mêmes ennemis. Mais nous n’avons pas le dessus, le pouvoir a l’avantage de la cohérence : un système, basé sur l’inégalité première, sur la violence institutionnelle et sur la vision policière de la jeunesse. Ils sont d’une cohérence qui fait frémir. Qu’ont-ils en face ?

Nous. C’est-à-dire, rien. Des volontés individuelles, des désirs personnels, des rêves cachés, des utopies concentrées dans nos cerveaux devenus fort inapte au partage.

Qu’ont-ils en face ?

Des manifs, des désobéissances, des pétitions, des assemblées.

Mais pas de projet. Pas de corpus fort de réflexion globale. En 68, des intellectuels ont cherché à imprimer, de manière institutionnelle, leur conception du savoir. 68 n’est pas terminé dans l’école. Il nous faut achever, refaire, continuer ce work in progress.

Nous retrouver en assemblées de plus en plus nombreuses pour énoncer une utopie collective. L’investissement social et citoyen mis sur l’école ne nous paralysera pas : si aujourd’hui, un grand nombre des commentateurs émérites de la vie « politique » française a tendance à rendre l’école responsable de tous les maux de la France, nous ne tomberons pas dans le panneau. Notre force est dans le rejet de cette assertion. Car si l’école ne peut régler les problèmes politiques, sociaux, économiques, moraux d’une communauté, elle peut être le modèle dans lequel la majorité peut trouver un consensus destiné à la correction de ces problèmes. Ce n’est certes pas en changeant l’école qu’on changera le monde. Mais quand le monde changera, quand la rue débordera le calice empuanti de la démocratie capitaliste, que ferons-nous de nos enfants ? Que proposerons-nous ?

De l’école maternelle à l’Université, mettre en commun nos idées, nos réflexions, ne pas avoir peur du débat, ne pas avoir peur de philosopher sur l’école, d’en penser les enjeux. Faire école dans la rue, dans les boîtes, dans les champs, sur les trottoirs de nos villes blêmes, faire école pour et par tous, faire école sans directeur, sans un savoir écrasant d’autorité...

Et la question qui taraude, qui enfle comme une belle petite flamme : comment nous retrouver ?

Messages

  • Les attaques contre le service public d’éducation, menées depuis des années, atteignent cette année un paroxysme.

    C’est bien la preuve que cette casse a été planifiée de longue date, pour satisfaire les exigences de Mastreecht et le traité de Lisbonne.

    Il doit bien y avoir un "contrat secret" de l’UE, dont Bruxelles est tour à tour l’arbitre et le gendarme de l’Europe. C’est ce contrat fait dans notre dos qu’il conviendrait de faire revenir à la surface.

    • Ce contrat on le connaît : faire de l’éducation une économie comme les autres. Sans verser dans la peur (un contrat secret), le plus grave n’est-il pas le contrat public, aux yeux de tous, établi entre un président-roi agité et un peuple abusé ? contrat qui stipule que ce kyste qu’est l’éducation nationale dans l’adaptation de la france aux situations "modernes" doit diparaître ?
      Il faut faire revenir à la surface toutes les preuves de cette volonté de destruction. Et expliquer à tous nos entourages ce que cela signifie. Mais, sans projet clair face à cette volonté, nous risquons de prêcher dans le désert.
      Dès lors, la question n’est pas "que sont-ils donc en train de nous préparer ? ", mais "comment faire pour nous préparer ?".

    • Justement, c’est bien écrit quelque part ce "plan diabolique", non ? Bruxelles, l’UE, ont bien pondu des textes fondateurs, traité de Mastreecht, traité de Lisbonne qui stipulent tout ce qui doit sauter avant l’avènement de l’Europe !

      Et c’est en le remettant à l’ordre du jour, à la surface, que tout le monde se décidera enfin à en prendre connaissance, qu’il sera possible de contrer plus facilement, tant qu’il nous reste encore des "services publics". Les communistes, les syndicats avaient déjà prévenu, mais personne n’y a cru. Aujourd’hui les citoyens voient ce qu’il en est sur le terrain.

      De plus, le fait que le PS ait penché du côté de la droite, a créé un grand déséquilibre au niveau du contre-pouvoir, et a permis cette casse monumentale de notre système social.

      C’est idem dans tous les autres pays de l’UE, à commencer par la GB et Tatcher la grande fossoyeuse qui a montré ce qu’attendait Bruxelles. On voit les résultats aujourd’hui, les Anglais sont dans une merde incroyable et je suis étonnée de leur apathie, soumission face à leur situation catastrophique , ou alors les médias ne font pas leur boulot.

  • En voulant dégraisser le mamouth,Claude Allègre avait déjà commencé la sape de l’éducation nationale ;c’est vrai que cela ressemble à "un plan préconçu" !L’Europe n’est pas celle dont nous aurions pu rêver !Par contre des réformes bienveillantes pour le fonctionnement de nos systèmes scolaires seraient les bienvenus ;mais la France manque d’imagination et de bonne volonté ;alors plutôt que de copier nos voisins anglo-saxons et de rêver l’importation des uniformes à l’école,il serait possible de regarder vers la Finlande ;à ce sujet,M6 a diffusé une émission montrant le fonctionnement des écoles et lycées finlandais ; pas de barrières à l’entrée des établissements,pas de pions,pas de répressions,ni d’humiliation...et le résultat est là:pas de délinquance,les élèves sont les meilleurs à l’échelle internationale,comme une étude l’a prouvé,ils sont responsabilisés et peuvent croire en eux-mêmes et en l’avenir ;Il n’y a là aucun miracle,mais la psychologie élémentaire aurait pu prédire que des enfants respéctés dans leur spécificité,leur rytme biologique et leurs aspirations se révèlent être des mines de trésors !Je crois que les ministres de l’éducation devraient impérativement avoir des notions de psychologie....au lieu de cela,ils se montrent rétrogrades et stériles,pire encore...hostiles à la jeunesse,comme le prouve l’envoie de policiers et de leurs chiens dans les lycées,et la traque du délinquant de trois ans...là où il n’y a que de petits enfants probablement ahuris de découvrir le monde dans lequel ils sont obligés de vivre ! Nos enfants ont besoins de notre confiance et non de l’insupportable suspiçion qui envahit notre pays,et ce ,dans tous les domaines !Mais chez nous on construit des prisons...il va bien falloir qu’elles servent !et puis pour un état totalitaire qui cherche à s’imposer,il est impératif de soumettre la population par la peur....