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EDF et le nucléaire

Publie le dimanche 11 juillet 2004 par Open-Publishing

De la part de Thierry Brun, hebdomadaire Politis

« Ces articles peuvent être diffusés gratuitement. Seule réserve : ne pas oublier de mentionner Politis, la date de parution (n° 807, 24 juin 2004) et le nom des auteurs. »


Source : « EDF et le nucléaire : les dangers d’une privatisation », Politis, n°807, 24 juin 2004, p. 4-6


EDF et le nucléaire
Les dangers d’une privatisation

Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, le projet de loi sur le changement de statut d’EDF, en discussion à l’Assemblée nationale, mène à la privatisation. Et toute réflexion sur le nucléaire en a été écartée, alors que la sûreté des centrales est mise en cause.

Les efforts du gouvernement pour éluder le dossier nucléaire de la privatisation rampante d’EDF laissent pantois. Pourtant, les mises en garde ne manquent pas. Elles ont semé le doute même parmi quelques libéraux convaincus. Tel Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, qui a tenu dans Le Parisien (14 juin) un inquiétant propos : « Il est vraisemblable que les provisions pour remettre en état les centrales nucléaires sont très largement insuffisantes. » Qu’en sera-t-il quand une partie du capital sera aux mains d’actionnaires exigeant une rentabilité optimale pour leurs intérêts particuliers ? En guise de réponse, le Premier ministre a maintenu fermement le cap de la privatisation. Même si les déclarations récentes à droite ont obligé un autre libéral, Nicolas Sarkozy, à promettre faussement dans son projet de loi que « Gaz de France et Électricité de France, de surcroît en raison de la forte composante nucléaire de son parc de production, ne seront pas privatisés » (article 22). « Depuis longtemps, les centrales françaises ont fait l’objet de prises de participation d’autres pays, et la sous-traitance dans la maintenance est une privatisation de fait », relève pourtant Gérard Tarall, ancien syndicaliste et ancien ingénieur dans la maintenance nucléaire.

Les centrales nucléaires pèseront lourd dans la future gestion d’EDF. Les 58 réacteurs nucléaires répartis sur une vingtaine de sites produisent environ 80 % de l’électricité du pays, avec une tendance au surdimensionnement du parc électronucléaire (voir entretien). Pourtant, ce dossier est resté hors des débats sur le changement de statut lors de l’examen du projet de loi par les députés. Fait rare, s’est réjouit le réseau Sortir du nucléaire (1), ce sont des syndicats pronucléaires comme la CGT et la CFDT qui sont montés au créneau. Le dirigeant de la CFDT, François Chérèque, a ainsi justifié l’opposition de son syndicat au changement de statut et à l’ouverture du capital de l’entreprise publique par un « désaccord profond » avec le projet industriel du « tout nucléaire ». « Depuis quelques années, les directions soumettent l’entreprise et en particulier les centrales nucléaires à des règles de gestion répondant à la seule logique financière », indique pour sa part la puissante fédération CGT Mines-Énergie, qui avait dénoncé dès avril, dans une note interne, « la pression sur la rentabilité financière attendue dans le cadre d’une privatisation » d’EDF-GDF, pouvant toucher la production nucléaire.
À ces réactions récentes s’ajoute un épais dossier publié par les antinucléaires. Dès février, Sortir du nucléaire, qui a lancé une campagne « Pour un vrai service public de l’électricité sans nucléaire », a jeté un pavé dans la mare. L’association pointe la « dérive managériale » de l’électricien, mettant en cause la sûreté des centrales depuis 2002. Dans leur « argumentaire sur la situation financière d’EDF », les antinucléaires ont rendu public un document interne à EDF qui contredit les déclarations officielles prétendant que la sûreté nucléaire n’est pas mise en cause. « L’économie à réaliser par la Division de production nucléaire en 2002 est de l’ordre de 200 millions d’euros », estime la direction financière d’EDF, qui annonce « une mutation radicale de l’entreprise en groupe » et une réorganisation « afin de permettre la mesure de la performance [de l’entreprise et du groupe] sous le triple regard de leur valeur, de leur rentabilité, de leur croissance ». Ces mesures, pérennisées depuis, ont permis une « économie de 100 millions d’euros, notamment sur les dépenses de logistique et frais généraux et de maintenance » des centrales nucléaires.

Cette logique a conduit le personnel à de « constants arbitrages entre compétitivité et sûreté », mais aussi à « la multiplication des incidents », s’est inquiétée la CGT. Le 16 mai, un incendie à Cattenom (Moselle) a entraîné l’interruption du réacteur numéro 2, relève le syndicat, qui déplore que la direction « n’ait pas arrêté les trois autres tranches », ceci afin d’« éviter les pertes financières » qu’aurait entraînées « la réduction inévitable des exportations ». Recensés par les réseaux antinucléaires et certains syndicats, les incidents mettant en cause la sûreté ne se comptent plus. Entre le 24 janvier et le 19 février, pas moins d’une dizaine figurent sur une liste où l’on peut lire, par exemple, qu’à Fessenheim des travaux ont été suspendus « après une série de douze contaminations ». Commentaire de Sortir du nucléaire : « Fessenheim est la plus ancienne centrale en activité et certainement une des plus dangereuses. C’est par ailleurs cette centrale qu’EDF a… arrosée pendant la canicule de l’été 2003. »

La privatisation permettra-t-elle de maintenir en état de marche, avec un budget « en baisse de 7 % en 2004 après une baisse de 20 % en 2003 » (selon la CGT), des centrales dont la durée de vie a été allongée de dix ans ? « En changeant de statut, EDF perd sa facilité d’accéder à des conditions de financement très intéressantes, puisque dans ce cas il n’a plus la garantie de l’État », analyse Xavier Timbeau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Qui donc financera un investissement de 1,9 milliard d’euros, nécessaire à la mise en conformité des centrales aux normes sismiques ? « Les investissements dans le nucléaire sont très importants avec un retour sur investissement très lent. Qui sera en mesure d’assurer le renouvellement du parc lorsque cela sera nécessaire ? C’est l’État qui avait permis à EDF de réaliser les investissements au prix d’un endettement très important », souligne le haut fonctionnaire François Soult dans son livre EDF, chronique d’un désastre inéluctable (Calmann-Lévy). Pour lui, la conclusion s’impose : « Pour un investisseur privé le risque est énorme, il voudra une rémunération à hauteur de ce risque », et « le risque d’un accident nucléaire ne peut être assuré par un opérateur privé, sauf à payer des primes d’assurances énormes. »

D’autres méthodes se sont imposées. L’entreprise publique a commencé à déléguer les travaux les plus dangereux à des entreprises sous-traitantes à la fin des années 1980. Geneviève Barbier et Armand Farrachi, auteurs de la Société cancérigène, expliquent que « 25 000 travailleurs interviennent sur la robinetterie et la tuyauterie des centrales nucléaires. Ces employés, qui supportent 80 % de la dose collective d’irradiation annuelle, sont particulièrement exposés au risque de leucémies, aux sarcomes osseux ou à d’autres cancers liés aux rayonnements ionisants. » Le recours aux emplois précaires et à l’intérim, ajoute la CGT, « atteint parfois 70 % dans les activités les plus exposées », pour un salaire moyen « à peine supérieur au Smic ». Gérard Tarall ne mâche pas ses mots : « On a affaire à des dirigeants qui sont dans un autre monde et pas au contact des problèmes. Ils sont prêts à prendre des risques inadmissibles. »

La privatisation d’EDF est « une disposition redoutable pour le nucléaire, prévient Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l’Inserm et auteur de l’Industrie nucléaire, sous-traitance et servitude (éditions Inserm). La privatisation ne peut que renforcer la pression sur les coûts de maintenance, sur les temps d’intervention et sur les moyens. » Le projet de loi de Nicolas Sarkozy a pourtant réaffirmé la volonté de la France de conserver une « part significative » du nucléaire dans sa production électrique et une ouverture du capital qui devrait bouleverser la logique d’ensemble de gestion des établissements publics. Dans une lettre adressée aux salariés d’EDF, Sortir du nucléaire rappelle le processus en cours. « D’abord, c’est juste une ouverture du capital, mais l’État reste actionnaire majoritaire. Un peu plus tard, l’État passe sous la barre des 50 %, mais il conserve une minorité de blocage. Et un jour, c’est la privatisation totale. » Les petites et les grands manœuvres ont déjà commencé pour le dépeçage d’EDF, comme l’a fait savoir la Caisse des dépôts dans Le Figaro (du 14 juin). Le financier public annonce que le gouvernement envisage de lui vendre une juteuse filiale, le Réseau de transport d’électricité (RTE). Fi donc des centrales nucléaires…

Thierry Brun

(1) Le réseau Sortir du nucléaire rassemble plus de 680 associations, www.sortirdunucleaire.org. Proches de ce réseau, trois personnes ont entamé « un jeûne à durée indéterminée » à compter du 21 juin, date butoir fixée au gouvernement pour annoncer l’abandon du projet EPR. Ces personnes sont André Larivière (salarié du réseau Sortir du nucléaire), Michel Bernard (revue Silence) et Dominique Masset (trésorier du mouvement Appel pour une insurrection des consciences). Contact : Jeûne Vivre sans nucléaire, 9, rue Dumenge, 69317 Lyon Cedex 04, tél. : 04 78 29 01 51, contact@vivresansnucleaire.org, www.vivresansnucleaire.org


Du monopole à la libéralisation

Sur le papier, tout est clair pour le ministre de l’Économie, chargé de déminer le terrain tout au long de l’examen du projet de loi modifiant le statut d’EDF et GDF. Le projet change, selon lui, « l’accessoire, c’est-à-dire la forme juridique d’EDF et de Gaz de France, pour mieux préserver l’essentiel ». Pour renforcer le capital de l’entreprise, qui a un « besoin d’argent », il n’y aura « pas de vente d’actions EDF mais une possibilité de créer des actions nouvelles » pour aider EDF à financer ses projets, comme le réacteur nucléaire EPR. Le taux de participation de l’État ne sera plus à terme que de 70 %, et l’ouverture du capital est prévue pour 2005. Mais avant, le 1er juillet 2004, le monopole d’EDF aura vécu. 70 % du marché français de l’électricité sera soumis à la concurrence. 3,5 millions de petites et moyennes entreprises, d’artisans, de professions libérales et de collectivités locales pourront s’adonner aux joies de la libre concurrence et choisir un fournisseur, comme peuvent le faire 2 500 grands consommateurs comme les poids lourds de l’industrie et des services. Une directive de novembre 2002 a décidé que l’ouverture de l’électricité et du gaz devra être totale en 2007.

T. B.


« Une logique strictement libérale »

Pour Raymond Sené, physicien nucléaire*, avec l’ouverture du capital d’EDF la rentabilité primera sur la sécurité.

A. C. : Le ministre de l’Économie, Nicolas Sarkozy, a déclaré qu’EDF et GDF « ne seront pas privatisées », mais qu’elles « resteront des entreprises publiques majoritairement détenues par l’État », en prenant pour argument « la forte composante nucléaire [du] parc de production » d’EDF.
Raymond Sené : Les filouteries de M. Sarkozy ne leurrent plus personne. La différence entre ouverture du capital et privatisation consiste juste en une question de temps. Dès que la boîte de Pandore sera ouverte, ce sera fichu. Avec l’ouverture du capital, on entre dans une logique strictement libérale, incompatible avec une mission de service public : à partir du moment où des actionnaires externes à l’État vont mettre leur nez dans la gestion de la production énergétique, ils réclameront avant tout une rentabilisation de leurs capitaux. Il ne faut pas croire que la notion d’intérêt général de la production d’électricité intéresse ces personnes. Tout ce qui coûte des sous, mais ne rapporte absolument rien, tels le démantèlement des installations, la gestion des déchets, etc., sera délaissé. Ces points essentiels ne peuvent pourtant pas être évacués sans risque.

A. C : Justement, quelles seront les conséquences de cette libéralisation pour la sûreté nucléaire ?
La sûreté des centrales n’est pas compatible avec une telle logique. Le risque est que la sécurité des populations, liée à toute la chaîne du nucléaire, ne soit plus assurée. Car les actionnaires privés n’auront que faire des rappels à l’ordre de l’Autorité de sûreté nucléaire leur demandant de réparer tel ou tel équipement. Au manque à gagner, ils préféreront remettre les travaux à plus tard. Le rapport entre sûreté et production s’inversera complètement au profit de la production, du gain immédiat.

A. C. : Pourquoi complètement ? Faites-vous allusion aux nombreuses critiques sur la vétusté des certaines centrales ?
Oui. Et je fais allusion également au fait que nous sommes déjà dans une logique libérale, puisque 30 % du marché français de l’électricité a déjà été ouvert à la concurrence. Le rapport d’activité 2003 de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (l’Autorité de sûreté nucléaire) est très révélateur des logiques déjà à l’œuvre au sein d’EDF, établissement public à caractère industriel et commercial (Epic). Il est écrit dans ce document que « la préoccupation de la maîtrise des coûts est aujourd’hui plus affirmée par l’exploitant dans son dialogue avec l’Autorité de sûreté nucléaire ». Cette phrase officielle bien ampoulée démontre bien que l’Autorité est inquiète de l’évolution des priorités. Or, son rôle est normalement de taper du poing sur la table. De la même manière, la revue Contrôle, publiée par l’Autorité, note, dans le numéro de janvier 2003, que « certaines opérations de maintenance exceptionnelles voient leur réalisation décalée dans le temps ». Là aussi, il est clair que le rapport de force s’est inversé. C’est inquiétant… Le recours de plus en plus important à la sous-traitance va également dans le sens de cette logique de dérégulation maximale. Au moins 80 % des opérations de maintenance sont actuellement sous-traitées, ce qui pose de graves problèmes. Les entreprises extérieures font de la sous-traitance en cascade et leurs personnels sont fragilisés sur le plan sanitaire ou du droit du travail. Ensuite, en déléguant certaines opérations, les agents EDF n’ont plus la même connaissance des installations et perdent, in fine, la capacité de contrôler la qualité du travail effectué. Une plus grande ouverture du capital ne pourra conduire qu’à de nouvelles compressions des dépenses.

A. C. : Que pensez-vous de la construction du réacteur EPR ?

L’EPR me semble être le résultat d’un chantage mené par Areva. Cette entreprise est en effet à la fois chargée de la construction du gros matériel pour les centrales nucléaires et de la maintenance des 58 réacteurs en France. En bref, quand il y a un couvercle de cuve, un générateur de vapeur à changer, c’est Areva qui le fabrique. Cette entreprise est dans une position de force, qui lui permet de faire pression sur les gouvernements de tous bords, en leur disant, par exemple : « Vous me passez commande pour un EPR, sinon vous pourrez commander ailleurs vos générateurs à vapeur. » Ensuite, mettre en place ce réacteur est une imbécillité, car on est déjà à 20 % de surcapacité en termes de production. Il faudrait donc plutôt profiter de cette situation d’opulence énergétique pour mettre en place un programme de développement des énergies alternatives. Si on veut, et il le faut, réduire le parc nucléaire, il est indispensable de mettre de l’argent dans un programme de substitution.

A. C. : En ouvrant le capital, le débat sur le nucléaire risque de passer définitivement à la trappe ?

De toute façon, au sein de tous les partis, de droite comme de gauche, personne ne veut d’un débat. Une des rares fois où il y a eu une discussion parlementaire au sujet du nucléaire, c’était au début des années 1980. Le PS, réuni avant la session, avait donné comme consigne : motus et bouche cousue. La seule personne qui a osé intervenir fut Gisèle Halimi, ce qui lui a valu d’être menacée d’exclusion du PS. Le seul débat a lieu entre spécialistes et personnes du même avis. En France, les pouvoirs publics confondent toujours information et propagande. Le « débat » lancé en 2003 fut une mascarade. Pour qu’il y ait débat, il faudrait qu’il y ait transparence. Cette transparence avait été mise en pratique par un ingénieur du corps des Mines, Jean-Pierre Souviron, en 1994. Mais son rapport, jugé critique pour le nucléaire et présentant un plan pour les énergies alternatives, a été enterré comme de nombreux autres. Les seules choses considérées comme présentables aux Français sont les divagations concernant les effets de la canicule, en oubliant de dire que, si pénurie il y a eu, c’est aussi dû à une planification calamiteuse des arrêts de tranches pour les révisions périodiques.

Propos recueillis par Aline Chambras

* Membre du Groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire.


(suivi d’une question que j’ai posée à Thierry Brun et de sa réponse - propos échangés par mels. Après lui avoir demandé, Thierry Brun m’a aussi autorisé la diffusion de cet échange)

Stéphane Thuault : « Pensez-vous, vous aussi, qu’à l’avenir, selon votre dossier, un incident nucléaire plus grave que ceux qui se sont actuellement produits soit beaucoup plus probable ainsi que des accidents professionnels plus graves et plus fréquents ? »

Thierry Brun : « Réponse à votre question : je me la suis posée bien évidemment, comme tout citoyen. J’ai demandé ce qu’ils en pensaient à des experts comme Annie Thébaud-Mony, des cadres EDF et aux réseaux antinucléaires qui suivent de près le nucléaire et disposent d’une très sérieuse documentation des risques et des accidents dont la presse se fait peu l’écho. La réponse des syndicalistes et des gens sur le terrain est sans doute la plus inquiétante.

Des syndicats pronucléaires comme la CGT ont brandi la menace d’un "AZF nucléaire", pas seulement pour faire pression sur l’opinion publique, le Parlement et les dirigeants d’EDF. La masse des informations recueillies, même si elle n’est jamais assez complète et étayée, montre une dégradation. Or, les documents internes des directions d’EDF, révélés par Sortir du nucléaire, montrent également que rien n’est fait allant dans le sens d’une amélioration de la situation en préparant EDF à la privatisation. Organisations, syndicats, etc. l’ont dit et redit au point que l’autorité de sûreté a réagi et adressé ses inquiétudes auprès des dirigeants d’EDF. Les informations publiées par quelques chercheurs indépendants, syndicats et réseaux n’ont pas été démenties.
Si le service public est par certains aspects critiquable, notamment sur le tout nucléaire, la gestion privée du nucléaire l’est d’autant plus et les exemples sont nombreux pour étayer cet argument, bien que quelques scientifiques et dirigeants affirmeront le contraire en indiquant que nous avons le système le plus sûr du monde.

Ce que l’on peut dire sérieusement, c’est que le risque zéro n’existe pas, y compris pour le nucléaire. Les ingénieurs des centrales ont en permanence ce risque en tête, mais les dirigeants politiques oublient souvent de préciser le caractère irréversible d’un gros accident nucléaire quel que soient les moyens mis en oeuvre pour en limiter les dégâts. Mais, au fait, un groupe privé peut-il se doter de tels moyens ? Non, mais l’Etat, oui. Et, surtout, comment sortir de cette spirale dangeureuse, si ce n’est en poussant les autorités publiques à mener une politique énergétique sortant du tout nucléaire ? Des multinationales n’ont pas cette préoccupation, à moins que les investissements dans les énergies renouvelables deviennent plus rentables pour elles, mais pour vendre toujours plus d’électricité, à des coûts plus élevés, contrairement à ce qu’ils affirment.

La privatisation rampante étant déjà un fait, l’on peut dire que celle-ci est en partie responsable des menaces sur la sécurité des centrales et des salariés des entreprises sous-traitantes (25 à 30000 personnes). Les études sérieuses menées sur plus de dix ans en donnent quelques aperçus.

Ce que l’on peut dire aussi, comme dans l’enquête de Politis, c’est que le parc des réacteurs nucléaires vieillit, que les risques augmentent, que la mise en conformité des réacteurs quant aux normes sysmiques reste à faire. Que cela est inquiétant quand les dirigeants d’EDF et des groupes privés qui détiennent des parts dans ces centrales n’ont en tête que la notion de rentabilité de leur entreprise.
Exemple : ces réacteurs sont détenus pour partie par d’autres groupes privés, comme il est écrit dans notre enquête. La récente pub Electrabel-Suez de quatre pages dans Le Monde daté du vendredi 2 juillet 2004, en donne une illustration. Il est écrit, sous le titre : "Un parc de production sûr et fiable", que Electrabel, groupe Suez, est le seul acteur sur le marché français à disposer de son propre parc de production, flexible, compétitif et diversifié, notamment dans le nucléaire.

On peut dire aussi que l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité pour les PME-PMI etc., est riche de promesses financières adressées aux clients, mais pas d’une garantie de la sécurité nucléaire pour l’ensemble des citoyens.

J’arrête-là
Cordialement »
Thierry Brun


Stéphane Thuault, bibliothécaire-documentaliste,
membre de l’Alternative citoyenne - Ile-de-France, mais m’exprimant ici à titre personnel ;
ex-militant de « Stop Civaux - Poitiers » (contre la centrale nucléaire de Civaux).

Par cet envoi de ce dossier - que Thierry Brun a eu la gentillesse de me transmettre suite à ma demande après sa lecture dans Politis - je souhaite vous alerter sur les risques encore plus graves du nucléaire civil engendrés par la privatisation d’EDF.

Dossier à diffuser auprès de vos connaissances si vous l’estimez utile.