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La faute et le défi

Publie le mercredi 14 juillet 2004 par Open-Publishing
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CELA s’appelle un mauvais rêve. Durant quarante-huit
heures, tout le monde a cru au récit de Marie L.,
cette jeune femme qui a déposé une plainte pour avoir
été volée et sauvagement agressée avec son bébé sur
fond de propos antisémites. OAS_AD(’Middle’) ; Les
ingrédients composant ce fait divers étaient bien de
nature à frapper les imaginations. Un bébé violemment
renversé avec sa poussette. Une jeune femme en butte à
une bande composée d’une demi-douzaine de "sauvageons"
désignés comme maghrébins et noirs. Des coups et des
estafilades au visage portées avec des couteaux. Des
injures contre les juifs et des croix gammées
dessinées au feutre sur la victime. Le tout dans la
rame d’un RER de banlieue, devant des passagers
inertes.

Ce fait divers sonnait trop juste. Comme un révélateur
d’une époque marquée par la persistance du rejet de
l’autre, la montée des agressions racistes et
antisémites, de la violence et de la peur. Comme le
signe d’un nécessaire sursaut civique et républicain.
Mais voilà, le trop vraisemblable n’est pas le vrai.
Un simple récit ne constitue pas une preuve. La parole
d’une "victime" n’est pas sacrée. La croyance ou la
crédulité de tous ne vaut pas certitude.

Pour l’avoir oublié, les plus hautes instances de
l’Etat ont crédibilisé les affabulations d’une
mythomane. Le ministère de l’intérieur puis l’Elysée
ont publié des communiqués soulignant le caractère
"ignoble" du fait divers et l’"effroi" ressenti. Le
Parlement, exceptionnellement réuni dimanche, a
interrompu sa séance pour faire part de son émotion.
L’ensemble du monde politique et associatif a suivi,
et les médias ont puissamment embrayé.

Le Monde n’a pas été exempt de ce mouvement et a
commis une faute. Nous en devons excuses aux jeunes
des cités issus de l’immigration maghrébine ou
africaine, stigmatisés à tort. Nous en devons aussi
excuses à nos lecteurs qui peuvent à bon droit nous
reprocher de ne pas avoir suffisamment fait place au
doute.

L’histoire des médias est truffée de ces erreurs et de
ces fièvres journalistiques. De par ses traditions et
sa culture, la grande presse obéit presque par nature
à un devoir d’indignation et de réaction. Suivre avec
indifférence le cours de l’actualité à un train de
sénateur ne lui ressemble pas.

Le poids d’Internet et l’accélération du rythme de
circulation de l’information ne simplifient rien.
L’univers médiatique vit désormais l’actualité en
temps réel. Le monde politique, soucieux de manifester
sa présence et sa compassion, de même. Outre que les
temps policier et judiciaire s’accordent mal avec les
autres, cette concurrence apparaît largement
préjudiciable.

L’écrivain François Mauriac (1885-1970), chroniqueur
redoutable, assurait qu’il existe "un crime de
silence". Nous découvrons depuis quelque temps qu’il
existe un délit d’emballement. Le défi est bien de
trouver la juste mesure entre la dictature de
l’émotion et l’empire de l’indifférence.

LE MONDE

Messages

  • La vérité de cet évènement, c’est Elisabeth Schemla qui l’a écrite dès le 11 juillet sur son site : Proche-Orient info, dans un éditorial intitulé "Saloperie" :

    " Parce que je n’en peux plus de tout cela, je le dis : cette jeune Marie maltraitée dans le métro a d’abord été victime de ses agresseurs, ensuite des agresseurs permanents d’Israël. "

    Mythomanie, Mythomanie quand tu les tiens !